Vainqueur de l'Allemagne en demi-finale 22 à 20, la France s'impose 23 à 19 face à la Croatie en finale et remporte ainsi son premier titre mondial. Cette compétition marque le point d'orgue pour les Barjots, précédemment médaillés de bronze olympique en 1992 puis vice-champion du monde en 1993, et l'aboutissement d'un travail débuté 10 ans plus tôt par Daniel Costantini alors que la France venait d'être reléguée en championnat du monde C après un mondial B raté en terminant 11e.
Ce premier titre mondial en handball est également le premier remporté par une équipe de France dans un sport collectif.
En guise de préparation, le programme de l'équipe de France était particulièrement chargé[2],[3].
Les première étape a été le tournoi d'Islande (Reykjavik Cup), du 2 au 5 novembre 1994, avec le Danemark, l'Espagne, l'Islande, l'Italie, la Norvège, la Suisse et la Suède[4] :
Après un stage à Paris du 27 février au 1er mars, l'équipe de Costantini rejoint l'Autriche pour deux matchs face à l'équipe nationale autrichienne[10] : :
Autriche : Humenberger (1re à 27e, 38e, 39e à 60e, 5 arrêts, dont 1 pen.), Paulsteiner (27e à 39e, 4 arrêts) ; Cordas (6, dont 3 pen.), Szvetits (4), Polacek (3), Gangel (3), Beilschmed (2), Uher (2), Felsenstein (1).
Du 27 mars 1995 au 7 avril a lieu un stage sur l'île de Lanzarote (Canaries), suivi du 10 au 14 avril, d'un stage à Chartres conclu par deux matchs face à la Tunisie[11] :
Après un ultime stage à Paris du 3 au 5 mai, l'équipe de France rejoint l'Islande le 6 mai 1995. Le bilan de cette longue phase de préparation est de 12 victoires pour 6 défaites, 411 buts marqués et 384 buts encaissés.
Parmi les absents, l'arrière droit de l'US IvryPhilippe Schaaf a dû déclarer forfait[18] après s'être blessé lors du dernier match de préparation, Costantini ayant choisi Patrick Cazal pour le remplacer[12].
Le premier tour, marqué par des défaites contre la Roumanie (22-23) et l’Allemagne (22-23), a usé prématurément le groupe marqué par les tensions et les engueulades, une certaine scission s'opérant entre les Marseillais (joueurs ou anciens joueurs de l'OM Vitrolles) et les Parisiens (joueurs du PSG-Asnières ou de l'US Créteil). Plusieurs fois, la rupture est proche et les Français se croient trop beaux.
Après avoir rejoint Akureyri pour disputer leur huitième de finale face à l'Espagne, sérieux candidat au podium final, Denis Lathoud provoque à l'issue du déjeuner une réunion de crise entre joueur, sans Costantini. C'est entre hommes et les yeux dans les yeux que les Tricolores lavent leur linge sale, chacun y allant de ses suggestions ou de ses critiques. Ils parlent également d'entraide, de cohésion, d'humilité mais aussi d'ambition. « II fallait un électro-choc. Si le groupe n'avait pas été fort mentalement et psychologiquement, cette réunion aurait pu tout faire péter. II s'est, heureusement, montré fort... »
On ne saura jamais très exactement ce qui s'est dit, ce mardi , dans un coin perdu du Nord de l'Islande. Toujours est-il que Lathoud provoque alors une réunion de crise devenue célèbre, qui fait prendre conscience à tous que le titre est à leur portée[19].
Avec un Richardson retrouvé qui deviendra le meilleur joueur du tournoi, un Lathoud leader en dehors et sur le terrain et des Gaudin, Perreux et Gardent écartés par Costantini, c'est une nouvelle équipe qui débute cette phase à élimination directe[19].
1/8 de finale : Victoire face à l'Espagne
Quelques heures plus tard, c'est une équipe de France métamorphosée qui fait son entrée dans l'Íþróttahöllin d'Akureyri. Un groupe méconnaissable parce qu'enfin soudé. Douze joueurs qui ne font plus qu'un durant la Marseillaise (« ce bras-dessus, bras-dessous s'est fait naturellement, rien n'était prévu ») avant de manger tout crus des Espagnols jusqu'alors invaincus et bien décidés à prendre leur revanche sur des français qui les avaient humiliés sur leur sol, aux Jeux de Barcelone, en 1992. L'illustration de changement d'état d'esprit dans le camp français est la réaction de l'équipe lorsque Jackson Richardson tombe sur le banc espagnol et quelqu'un lui met un coup de pied : en quatre secondes, toute l'équipe arrive, Munier descend des tribunes et un début de bagarre générale se produit. Tous les Espagnols reculent derrière leur banc tandis que les Français montrent leur cohésion et leur abnégation[20],[21].
Finalement, les Français s'imposent facilement après avoir mené tout le match . Les deux meilleurs buteurs sont les novices Guéric Kervadec (6 buts) Grégory Anquetil (5 buts) qui ont parfaitement pris le relai des « anciens » Philippe Gardent et Thierry Perreux, relégués en tribunes par Costantini.
C'est dans ambiance respectueuse, calme, chaleureuse et sans pression que débute cette finale[22]. Même les Français ont enlevé leurs costumes de Barjots : « Une heure et c'est le titre les gars », entend-on alors[22].
En début de rencontre, la défense autour de Pascal Mahé prend l'ascendant sur les géniaux techniciens nommés Puc, Ćavar, Perkovac, Saračević et Bilić. Mahé, créateur d'un style défensif, est héroïque : il dirige de la voix une défense parfaitement solidaire, quasiment imbattable, et il contre régulièrement les tirs portés en attaque placée. Il intervient partout en soutien pour couper les courses, y compris à l'aile. Enfin Jackson Richardson perturbe l'attaque croate : leur première balle d'attaque termine dans les tribunes et quelques autres sont interceptées par le Réunionnais. En attaque, Quintin et Anquetil jouent sur les ailes, Kervadec en pivot et Volle, Richardson et Stoecklin en arrière. L'entrée après 10 minutes de Lathoud, à la place de Richardson, ralentit une attaque devenue moins efficace mais quelles que soient les options de jeu, Stéphane Stoecklin marque, terminant avec un très beau 6/7 en 30 minutes. Rapidement, les Français prennent 5 buts d'avance (8-3) et conservent cette avance grâce à Delattre qui sort deux parades consécutives dans les 5 dernières minutes, ce qui permet à la France de conclure la mi-temps sur le score de 11 à 6. En face, les Croates marquent principalement en situation de contre-attaque[22].
Pour cette deuxième mi-temps, Munier joue l'attaque et la défense tandis que Stoecklin est décalé à l'aile, Volle, Lathoud, Kervadec et Quintin complétant le tableau. Le début de la mi-temps semble sourire aux Croates qui réduisent le score (11-8, 13-10). La tension est palpable mais les Bleus reprennent leur course en avant, maintenant l'écart entre +4 et +6 (16-10, 16-12, 18-14, 20-14, 22-16, 22-18). Monthurel, qui n'avait pas joué une seule seconde de la rencontre, entre à 10 minutes de la fin et réalise un 3/3 au tir qui scelle la victoire française 23 à 19 sur un dernier but en pleine lucarne de Lathoud qui lui permet d'improviser une danse[22].
Sur le banc, tout le monde jubile avant de tomber dans les bras l'un de l'autre au coup de sifflet final Gaudin, Perreux, Cazal et le capitaine Gardent déboulent de leur tribune : c'est le premier titre mondial de l'histoire du sport collectif français[22].
Un seul joueur de l'équipe de France est élu dans l'équipe-type de la compétition : Jackson Richardson,
élu meilleur joueur[26] et meilleur demi-centre[27]
↑ a et b« Le dixième anniversaire du titre mondial des Barjots : "Et tout fonctionne à la perfection... " », Hand action, no 47, , p. 83 (lire en ligne, consulté le ).
« Dossier spécial Mondial masculin : 1. Le jeu de l'équipe de France (par Daniel Costantini) ; 2. L'analyse du jeu par les meilleurs entraîneurs (A. Ehret (Allemagne), B. Johansson (Suède), Z. Zovko (Croatie) et D. Costantini (France)) ; 3. Résultats et statistiques. », Approches du Handball, no 27, , p. 2 à 18 (lire en ligne, consulté le ).
Daniel Costantini, « Autopsie d'un mondial (1re partie) : 1 - Le contexte ; 2 - Analyse des conséquences de ces différents paramètres ; 3 - Autopsie d'un champion », Approches du Handball, no 28, , p. 2 à 8 (lire en ligne, consulté le ).
Daniel Costantini, « Autopsie d'un mondial (2e partie) : 4 - Analyse par continent (Généralités, L'Europe) », Approches du Handball, no 29, , p. 2 à 10 (lire en ligne, consulté le ).
Daniel Costantini, « Autopsie d'un mondial (suite et fin) : 4 - Analyse par continent (Afrique, Asie et Amérique) ; 5 - Conclusion générale », Approches du Handball, no 30, , p. 2 à 7 (lire en ligne, consulté le ).