Agnès Thurnauer, née le à Paris[1], est une artiste contemporaine franco-suisse[2]. Elle s'intéresse au langage pictural. Entre le langage et l'art, le texte paraît un important outil non seulement de la création mais aussi de la communication et de l’interprétation[3].
Biographie
Diplômée de l’École nationale supérieure des arts décoratifs en 1985, Agnès Thurnauer a bénéficié d’une formation en cinéma et vidéo qui contribue à sa vision très élargie de la pratique essentiellement picturale[4].
L’artiste traite au travers de ses œuvres de la question du langage et du temps, souvent ancrée dans l’histoire de l’art. On retrouve dans sa pratique artistique l’omniprésence de l’écriture, au sens propre comme au figuré, offrant au spectateur une déambulation dans le langage.
Lors de sa première exposition au Palais de Tokyo en 2003, elle présente une série de tableaux investis comme des espaces où l’acte de peindre est une performance mêlant espaces, architectures, écriture et formes colorées (« L’annoncée » 2001). L’utilisation de l’écriture se structure et devient comme une grille de mots dans l’interstice desquels elle peint la figure.
Agnès Thurnauer crée en 2007 ses Portraits Grandeur Nature, une série de tondos (120 cm de diamètre) en résine et peinture epoxy affichant le nom d'artistes connus, principalement masculins, féminisés, qui contribue à la faire connaître du grand public. Ainsi Marcel Duchamp est rebaptisé « Marcelle Duchamp » et Andy Warhol devient « Annie Warhol »[6]. Certaines exceptions confirment la règle de cette hégémonie masculine, comme « Louis Bourgeois », portrait inversé de Louise Bourgeois.
L'œuvre aborde la question de la représentation des femmes dans l'art, au sens propre et au sens figuré, et du nom patronymique comme forme[7].
En 2007, également, elle amorce une série de petits diptyques appelée Prédelles (en référence aux prédelles de la peinture religieuse)[8]. Le mot est découpé en syllabes et placé en haut du format, comme une traversée d’une toile à une autre, offrant aux visiteurs une mise en tension de l’image par le langage.
L'œuvre Matrice/sol, créée en 2012[9], est composée de moules de lettres fabriquées en plâtre puis en résine. Les lettres en volume creux forment une matrice qui a pour but de démontrer que l'art implique une interprétation variable[10].Matrice est ouverture d’un espace potentiel. Comme pour les peintures d’Agnès Thurnauer, cette installation est une géographie qui permet une « promenade physique qui élabore un sens », car « le langage est plus un espace qu’un outil » comme le signifie Roland Barthes dans S/Z, (collection « Tel Quel », Paris, 1970) "Lire, en effet, est un travail de langage. Lire, c’est trouver des sens, et trouver des sens, c’est les nommer. »
L'exposition "Now when then, de Tintoret à Tuymans" au Musée des Beaux-Arts de Nantes, en 2014, s'articule autour de dix tableaux, une sélection de portraits où l'artiste dialogue avec les peintres. "Culottée, Agnès Thurnauer défie la peinture et son genre" commente la critique d'art Alexia Guggémos[11].
Le musée de l'Orangerie à Paris a invité Agnès Thurnauer à investir le musée de façon pérenne, en octobre 2020, avec une série d'assises sculpturales, appelées Matrices chromatiques[12]. Réalisée en aluminium brossé, l'installation forme le mot "Chromatiques", tels des Nymphéas de langage. L’œuvre symbolise l’idée d’une diffraction des Nymphéas à l’échelle du bâtiment.
Agnès Thurnauer est représentée en Slovaquie par la Gandy gallery à Bratislava depuis 2016, et en France, par la galerie Michel Rein à Paris depuis 2019.
La peinture en tant que langage
Thurnauer interroge l'actualité et la pertinence de la peinture aujourd'hui, et la question du dispositif pictural est centrale dans son travail[13], y compris dans ses développements en trois dimensions. Elle décrit la peinture comme
« une interlocutrice active — ni une surface où déposer une figure, ni un espace où laisser une configuration à regarder de l'extérieur[14]. »
Selon elle, la peinture est à la fois un médium historique et un moyen de se confronter à sa propre intemporalité[13].
Expositions (sélection)
Expositions personnelles
2001 : Pour en venir au monde[15], Le Crédac, Ivry-sur-Seine
2003 : Les circonstances ne sont pas atténuantes, Palais de Tokyo, Paris
2003 : Maintenant avant après, galerie Ghislaine Hussenot, Paris
2004 : Don't pretend you've never heard of it, Springhornhof, Neuekirchen, Allemagne
2005 : I will survive, Wim Reiff Gallery, Maastricht, Pays-Bas
2006 : Around a round, galerie Ghislaine Hussenot, Paris
2007 : Bien faite, mal faite, pas faite[16], S.M.A.K., Gand, Belgique
2008 : Portraits grandeur nature[17], galerie Anne de Villepoix, Paris
Rod Mengham, Sculpture in the close, Cambridge, Jesus College,
Mira Sykorova, Land and Language, Kunsthalle Bratislava,
Régine Hatchondo et Jean-Marc Bustamante (dir), L’irResponsabilité de l’artiste - Actes du colloque, Beaux-Arts de Paris édition, (ISBN9782840565055)
Rod Mengham, A turn around Agnes Thurnauer, Château de Montsoreau- Collection Philippe Méaille,
Paulo Pires do Vale, Préfigurer, Ivry-sur-Seine, Ed. Galerie Fernand Léger, (ISBN979-10-96036-00-4)
Constantin Chariot et Agnes Thurnauer, Studio as a performance, Ed. Galerie Valérie Bach Elena Sorokina,
Léa Bismuth et Agnes Thurnauer, Journal et autres écrits : coll. Ecrits d’Artistes, Paris, Ed. Ecole Nationale supérieure des Beaux-Arts, (ISBN2840563983)
Blandine Chavanne, Catherine Grenier, Roderick Mengham et Agnes Thurnauer, Now when then, Lyon, Fage Editions, (ISBN9782849753170)
Agnes Thurnauer, Manet, la peinture comme réciprocité, Du Lérot éditeur, Jnf éditions, (ISBN9782916516561)
Philippe Méaille et Harry Bellet, May I ? : Philippe Méaille présente le travail d’Agnès Thurnauer, Editions Villa Emerige,
Claire Brunet, Ann Hindry et Patrick Le Nouëne, Thurnauer à Angers, Le Musée des Beaux-Arts d’Angers, (ISBN978-2-35293-000-6)
Michèle Cohen-Halimi, E (méthode narrative), Ed. Le clou dans le Fer, (ISBN978-2-917824-06-1)
Agnes Thurnauer, Life size portrait, Onestar Press,
Clément Dirié, Elisabeth Lebovici et Damien Sausset, Now, Monographik Editions,
↑ a et bClément Dirié, Elisabeth Lebovici et Damien Sausset, Agnès Thurnauer, Now, Blou, monografik éditions, , 187 p. (ISBN978-2-916545-56-1), p. 162, 164, 185.
↑Ann Hindry, « Nantes, Bayeux, Paris, Agnès Thurnauer », Artpress, no 412, , p. 24 (ISSN0245-5676, lire en ligne)
↑Gérard Wajcman et Christophe Domino, Agnès Thurnauer: Pour en venir au monde, Ivry-sur-Seine, Crédac, , 39 p. (ISBN9782907643948)