André Comte-Sponville est le fils de Louise Le Borgne et Pierre Comte-Sponville, d'origine lorraine[1]. Son père, né Comte, avait été hébergé dans sa petite enfance chez des voisins sans enfant, les Sponville, et a légalement ajouté leur nom au sien à sa majorité[2].
Au sortir d'une enfance « plutôt malheureuse[3] » passée rue Ledion à Paris 14e[4], « dans une famille déchirée, avec un père très méprisant, une mère aimante mais dépressive[5] », André Comte-Sponville s'est « découvert peu doué pour la vie, peu porté au bonheur, davantage doué pour l’angoisse, la mélancolie : raison pour laquelle [il a] besoin de philosopher[3]. »
Marqué par Mai 68[11], qui est l'occasion pour lui de s'affirmer contre son père[6], c'est à dix-sept ans, en classe de terminale, qu'il rencontre l'athéisme en la personne de son professeur Pierre Hervé[12], figure de la Résistance qui initie ses élèves à la phénoménologie de Maurice Merleau-Ponty et de Jean-Paul Sartre[13]. Ses écrits, encore brouillons, deviennent prolixes[12] et philosophiques : « J’ai lu Céline et Proust vers dix-huit dix-neuf ans. J’ai vu d’évidence que je ne ferais jamais aussi bien alors qu’en philosophie, quitte à paraître immodeste, je n’ai pas été écrasé d’admiration pour mes contemporains. Je me suis mis au travail avec la volonté de faire une œuvre[6]. »
C'est de celui-ci qu'en intégrant en 1972 l'École normale supérieure de la rue d'Ulm, il devient l'élève, puis l'ami[22]. Dès que sa mère le sait autonome, grâce à une petite bourse, elle reprend un emploi de secrétaire et poursuit son existence avec un autre homme[23]. Il a pour autre professeur Jacques Derrida[24]. Il devient au sein de l'UEC le secrétaire des sections des écoles normales supérieures[15]. En 1976, sa compagne, une mathématicienne, et lui, rompent leur relation qui aura duré cinq années[25].
En 1995, son septième livre, Petit Traité des grandes vertus, est un succès, vendu en France à 300 000 exemplaires (hors poche) et traduit en vingt quatre langues[35]. Désormais célèbre, il se trouve définitivement libéré des contraintes financières[6]. Trois ans plus tard, la direction du CHSPM revient à Jean Salem[36], resté marxiste. À l'âge de quarante-six ans, André Comte-Sponville clôt quatorze années d'enseignement universitaire pour se consacrer à l'écriture et à des conférences données en dehors de l'alma mater.
Divorcé depuis 1996, il se pacse le 13 juillet 2000 avec la portraitiste imaginaire[38] Sylvie Thybert après une vie partagée avec elle depuis 1988[39]
André Comte-Sponville tente de rapprocher les réponses des philosophes traditionnels des questions d'aujourd'hui. « Comment vivre ? », « Comment être heureux ? », « La vie a-t-elle un sens ? », « Comment trouver la sagesse sans se soumettre aux religions ? », « Comment être libre ? », « La vertu est-elle encore possible ? », « Jusqu’où va la tolérance ? »[51].
C'est un philosophe se décrivant comme matérialiste, rationaliste et humaniste. Il propose une métaphysique matérialiste, une éthique humaniste et une spiritualité sans Dieu, présentées comme « une sagesse pour notre temps[52] ».
Il dit avoir perdu la foi à dix-huit ans, mais de cette foi, il reste en lui une morale helléno-chrétienne et une spiritualité laïque, qui débouche sur une mystique de l’immanence : « Nous sommes déjà dans le Royaume ; l’éternité, c’est maintenant[53]. » Selon Luc Ferry, il serait proche du bouddhisme[54]. Michel Onfray le définit comme « un chrétien athée[55] ». Lui-même se définit comme « athée non dogmatique et fidèle[56] » : « athée » car il ne croit en aucun dieu, « non dogmatique » car il intègre le fait que l'athéisme est une croyance et non pas un savoir, « fidèle » car restant attaché à un certain nombre de valeurs morales, culturelles et spirituelles, tronc commun de l'humanité, transmises historiquement par certaines des grandes religions.
Politiquement, Comte-Sponville se définit comme social-démocrate ou libéral de gauche[57]. À l'occasion de l'élection présidentielle de 2017, Comte-Sponville affirme au journal Le Parisien avoir voté pour Emmanuel Macron au premier et au second tour, car le candidat était « le seul à être résolument pro-européen » et réalisait, à ses yeux, « l'union nationale », sur une base « et de droite et de gauche »[58].
« Insistantialisme »
« Par jeu et par opposition à l'existentialisme, pour caractériser [sa] position[59] », André Comte-Sponville a forgé le concept d’insistantialisme. Selon Laurent Bove, c'est « un des concepts-clés de l’originalité prospective de la démarche proprement philosophique d’André Comte-Sponville. L’insistantialisme est, en effet, en premier lieu, la définition d’une métaphysiquematérialiste du temps sur laquelle s’étaye une éthique, une politique, et aussi une esthétique[60]. ».
Comte-Sponville explique : « L’insistance, c’est donc la vérité de l’existence, pour tout être, et pour l’homme même dès qu’il se débarrasse des illusions finalistes, spiritualistes ou anthropocentriques qu’il se fait sur lui-même. Adieu l’existentialisme ! Aucun projet n’échappe au présent, aucune transcendance n’échappe à l’immanence, aucune liberté n’échappe au réel. L’homme n’est pas un empire dans un empire, ni un néant dans l’être. Il est ce qu’il est, il fait ce qu’il fait : il n’échappe ni au principe d’identité, ni au principe de raison. L’essence précède l’existence, ou plutôt rien n’existe que ce qui est (essence et existence, dans le présent de l’être(en), sont bien sûr confondues), et c’est pourquoi exister, c’est insister : parce que c’est continuer d’être et d’agir. Cela vaut pour l’homme comme pour tout être physique, c’est-à-dire pour tout être. L’insistantialisme, si vous me passez le mot, n’est pas un humanisme, ou ce n’est pas d’abord un humanisme : c’est d’abord un naturalisme, c’est d’abord une pensée de l’être, de la puissance, du devenir, et ce n’est que secondairement que nous pourrons, si nous le voulons, y trouver des raisons humaines de vivre et de lutter[61] ».
Philosophie de l'expérience intime
En 2012, il confie :
« En quarante ans de vie adulte, je n’ai vécu célibataire qu’un an. Je crois à l’amour conjugal. Ce que je partage avec ma femme depuis vingt-quatre ans est ce que j’ai pu vivre de meilleur[39]. »
Il pratique la méditation assise et silencieuse en tant qu'exercice « indissociablement corporel et spirituel »[62].
Dans L’Inconsolable et autres impromptus paru en 2018 et qui se compose de 12 articles, Comte-Sponville traite plusieurs sujets de façon intimiste : ce qu'il y a d’inconsolable dans la condition humaine, mais aussi la joie de vivre, l'ennui, Beethoven, Jules Laforgue, Louis Althusser, les droits des animaux, la solitude, le sort des chrétiens dans le monde, ainsi qu'un résumé de sa « métaphysique athée »[63],[64]. Le philosophe y aborde notamment son expérience de la perte de son premier enfant, une petite fille emportée à six semaines par une méningite foudroyante. Il indique dans une entrevue au sujet de son livre[65] :
« Je voulais sortir de l'érudition : pour toucher le lecteur de manière plus profonde, être plus vrai. Quand on parle de sagesse les gens vous fantasment comme un sage, ce que je ne suis pas ! Je voulais philosopher sur ce que je suis vraiment, dire la vérité... en m’éloignant de la technique... »
De l’autre côté du désespoir. Introduction à la pensée de Svâmi Prajnânpad, Jean-Louis Accarias L'Originel, 1997.
Présentations de la philosophie, Albin Michel, 2000.
Dictionnaire philosophique, PUF, 2001. Deuxième édition en 2013 (400 nouvelles entrées)[69]. Troisième édition revue et augmentée en 2021 (613 nouvelles entrées)
La Philosophie, PUF, coll. « Que sais-je ? », 2005.
Le Plaisir de penser, Librairie Vuibert, 2015, réédité en 2022.
Contribution à des ouvrages collectifs
Pourquoi nous ne sommes pas nietzschéens (en collaboration), Grasset, 1991.
A-t-on encore besoin d’une religion ?, André Comte-Sponville, Bernard Feillet, Alain Rémond, et Alain Houziaux, éditions de l'Atelier, 2003 (ISBN978-2708236950).
Le Management relationnel : Manager et Managé sont dans un bateau…, Philippe Van Den Bulke, Ivan Monème, Luc Doublet et André Comte-Sponville, rééd. chez Dunod, coll. « Progrès du management » (ISBN978-2100497768).
Regards sur le sport, collectif, dirigé par Benjamin Pichery et François L'Yvonnet, Le Pommier/INSEP, 2010, 256 p. (ISBN978-2-7465-0484-4).
Participation à l'ouvrage collectif Nous sommes Charlie : 60 écrivains unis pour la liberté d'expression. Paris : Le Livre de poche n° 33861, janvier 2015, p. 36-37. (ISBN978-2-253-08733-5) avec une texte titré Écrasons l'infâme.
Préfaces
Marc Wetzel, Les Promenades d’un rêveur solitaire ou Le Retour de Marcel Cogito, Castelnau-le-Lez, Climats, 1995 (ISBN2-84158-029-6)
Patrick Renou, Seuls les vivants meurent, éd. Le Temps qu'il fait 2008 (ISBN9782868535030).
2007 : Le Bonheur, conceptions orientales et occidentales (3 CD audio), avec François Jullien, éd. Frémeaux & Associés.
2008 : L’Amour (3 CD audio), éd. Frémeaux & Associés.
2008 : Qu’est-ce qu'une spiritualité sans Dieu ? (3 CD audio), éd. Frémeaux & Associés.
2009 : André Comte-Sponville (DVD 100 min), en compagnie de François L'Yvonnet, conception et réalisation Benjamin Pichery, éd. INSEP, coll. « Regards sur le sport ».
2010 : Le Mal : le Méchant, le Salaud, le Pervers, le Médiocre (3 CD audio), avec Michel Terestchenko, éd. Frémeaux & Associés.
En 1984, à propos du premier livre du jeune André Comte-Sponville, Le mythe d'Icare[31], Michel Foucault, lui-même revenu, avant sa mort prématurée[73] , à une philosophie conçue comme une sagesse pratique[74] , lui écrit une courte lettre chaleureuse le remerciant de lui avoir adressé son livre et lui témoignant sa reconnaissance, ajoutant : « Voici, enfin, un vrai livre de philosophie, une véritable éthique[75]. »
En 1999, le philosophe et épistémologue Dominique Lecourt a qualifié de « piètres penseurs », dans son livre homonyme[76], plusieurs philosophes très présents dans les médias tels qu'André Comte-Sponville et Luc Ferry[77], leur pensée n'étant pas, selon lui, à la hauteur de philosophes emblématiques des années 1960 tels que Foucault et Deleuze[78]. Le critique Michel Crépu considère que « la colère de Dominique Lecourt contre les « philosophes médiatiques » est saine. Mais que d'amalgames ! [...] Une fois de plus, tout se passe comme si le label « 68 » était intouchable. Au nom de quel sens étrange de la propriété ? L'auteur a voulu faire son numéro et il s'arrose lui-même[78] ».
Jean-François Raguet, écrivain contestataire, pamphlétaire, en guerre contre la philosophie contemporaine et issu de la nébuleuse trotskiste, a eu pour cible notamment André Comte-Sponville dans les années 2000[79].
Louis Cornellier, écrivain québécois, écrit qu’« André Comte-Sponville sait combiner la rigueur et l'accessibilité », et note que « ses qualités de style en font un des écrivains les plus lumineux de la francophonie actuelle [en 2005][80]. »
Jacques Bouveresse, philosophe français, lui reproche, en 2009, de faire partie de ces confrères contemporains, comme Luc Ferry et Alain Finkielkraut, devenus des « obligés du pouvoir, quasiment », et qu'il « aime encore mieux les Staliniens, carrément, les Staliniens qu’on devait supporter dans les années soixante. Ils avaient une autre classe, ce n’est pas du tout comparable »[81].
↑Christine Aulenbacher, Spiritualités et théologie. 2e édition revue et augmentée, Zurich, LIT Verlag Münster, , 197 p. (ISBN978-3-643-90251-1, lire en ligne), p. 176.
↑Marc Wetzel, « La lettre et le dictionnaire », dans François L’Yvonnet, Cahier de l'Herne Compte Sponville, Paris, L'Herne, , 272 p. (ISBN9791031902623)
↑L. Bove, « Le « temps » de l'insistantialisme. L'énergie et l'histoire », Revue internationale de philosophie, 2011/4, no 258, p. 9-32 (lire en ligne)
↑A. Comte-Sponville, L’être-temps. Quelques réflexions sur le temps de la conscience., p. 95, PUF, Paris 1999.
↑Daniel Bougnoux, Andre Comte-sponville et Regis Debray, Marcel Gauchet, Yves Michaud, Des intellectuels jugent les médias, MORDICUS, , 75 p. (ISBN978-2-918414-19-3, lire en ligne), p. 31-32.
↑« LÉGION D'HONNEUR », Le Monde.fr, (lire en ligne, consulté le )
↑Denis Huisman, Louis Monier et Serge Le Strat, Visages de la philosophie : les philosophes d'expression française du XXe siècle, Arléa, (lire en ligne), p. 52
↑J-F. Raguet, De la pourriture, article « Comte-Sponville »; voir aussi Roland Jaccard, « Polémistes dans l’âme », Le Monde des livres, 23 juin 2000, et « Le traqueur des ripoux philosophes » L’Express, 1er juin 2000.
2005 : Revue la Matière et l’Esprit, no 1, « Problèmes du matérialisme (autour d’André Comte-Sponville) », Université de Mons-Hainaut, Mons, Belgique
2008 : Jean Tellez, Être moderne (Introduction à la pensée d'André Comte-Sponville), éd. Germina
2011 : Revue internationale de philosophie, no 258, « André Comte-Sponville » (articles de Laurent Bove, Daniel Cohen, Charles Larmore, Michel Meyer, Martin Seel, Bertrand Vergely ; réponses d'André Comte-Sponville)