Anesthésique localUn anesthésique local est un médicament qui inhibe de manière réversible la propagation des signaux le long des nerfs. Lorsqu'elle intéresse un nerf sensitif, cette inhibition se traduit cliniquement par une perte de sensibilité plus ou moins complète que l'on appelle analgésie ou « bloc sensitif » : c'est le but recherché lors de l'usage d'un tel médicament. Lorsqu'elle concerne un nerf moteur ou la composante motrice d'un nerf mixte, il en résulte une perte de motricité nommée paralysie ou encore « bloc moteur » généralement considérée comme un effet secondaire. Contrairement à ce qui a lieu lors d'une anesthésie générale, l'anesthésie locale ne supprime pas la perception douloureuse dans la totalité du corps et ne provoque pas de perte de conscience. Dans la zone anatomique où ils sont administrés, les anesthésiques locaux (AL) agissent par un effet stabilisant de membrane (en) : ils inhibent l'ouverture de canaux ioniques – en particulier les canaux sodiques voltage-dépendants – impliqués dans la transmission des influx douloureux le long des nerfs périphériques. Bien que de nombreuses substances puissent produire différents degrés d'anesthésie locale, les médicaments de synthèse destinés à cet usage se rangent en deux classes d'après leur structure chimique : les aminoamides et les aminoesters. Structurellement apparentés à la cocaïne, molécule naturelle anciennement utilisée comme AL, les AL actuels sont des substances de synthèse qui s'en distinguent par l'absence de potentiel addictif significatif et par des effets secondaires systémiques nettement moins marqués (en particulier sur le plan de la toxicité cardiovasculaire). Les différents AL se distinguent les uns des autres par leurs propriétés pharmacologiques (puissance et posologie, délai et durée d'action, indications, effets indésirables). Ils sont utilisés dans différentes techniques telles que :
Pharmacodynamique[1]Les anesthésiques locaux bloquent la propagation des potentiels d'action en interagissant directement avec les canaux sodiques rapides. Le site d'action des anesthésiques locaux se trouve au niveau de la partie intracellulaire des canaux sodiques. Alors que la plupart des toxines animales (scorpion, poisson fugu produisant la tétrodotoxine [TTX]) agissent en se liant fortement à la partie externe du canal, la plupart des agents pharmacologiques (anesthésiques locaux, antiépileptiques, antiarythmiques) agissent par obstruction du pore central auquel ils accèdent par la face cytoplasmique. En règle générale, les fibres de petit diamètre sont plus sensibles que les fibres larges. De même, les fibres non myélinisées sont plus sensibles que les fibres myélinisées. Cette sensibilité accrue aux anesthésiques locaux explique le bloc différentiel lors de l'usage de solution faiblement concentrées : c'est-à-dire que le patient perd la perception thermo-algique mais conserve sa motricité et sensibilité au toucher[2],[3]. Les anesthésiques locaux se fixent aux composants du sang hématies et protéines sériques comme l'a-1-glycoprotéine acide (AGA) et l’albumine.
Comme la succinylcholine, la cocaïne ou l’héroïne, les esters sont hydrolysés dans le sérum et les hématies par des estérases non spécifiques ou pseudocholinestérases. Seule la cocaïne a un métabolisme hépatique de relative importance. Les esters ont longtemps été considérés comme des agents très sûrs à cause de la dégradation plasmatique rapide.
Après leur passage dans le courant sanguin, les AL amides sont éliminés par le foie. Cette élimination passe par le système du cytochrome P450. La lidocaïne et la bupivacaïne sont principalement métabolisées par l’isoenzyme CYP3A4, alors que la ropivacaïne est principalement métabolisée par le CYP1A2 et, dans une moindre mesure, par le CYP3A4. Famille chimique et usages en médecineAnesthésiques locaux à structure amino-ester[5]Cette catégorie regroupe les AL dont la structure chimique comporte une fonction amine (tertiaire) et une fonction ester. Leur chef de file est la cocaïne, substance naturelle extraite de l'espèce végétale Erythroxylon coca (spontanée et cultivée en Amérique du Sud). Sa structure est remarquable, caractérisée par une fonction amine tertiaire qui s'intègre à un système bicyclique de type tropane lui-même connecté par une liaison ester à une molécule d'acide benzoïque. Bien connue pour son usage récréatif de surcroît illicite dans la plupart des pays (substance classifiée comme stupéfiant), la cocaïne présente une importante toxicité cardiovasculaire et neurologique. Du point de vue de la médecine contemporaine, son usage anesthésique n'a plus qu'un intérêt historique. Les substances suivantes sont des AL de synthèse à structure amino-ester (donc structurellement apparentés à la cocaïne) :
Anesthésiques locaux à structure amino-amide[5]On regroupe dans cette catégorie des AL de synthèse qui possèdent à la fois une fonction amine (tertiaire) et une fonction amide. La lidocaïne (Xylocaine®, Versatis®) est le chef de file de cette catégorie. C'est une molécule de synthèse connue depuis les années 1940 et largement utilisée pour toutes sortes de gestes douloureux réalisés sous anesthésie locale :
Les substances suivantes sont des AL de synthèse à structure amino-amide (donc structurellement apparentés à la lidocaïne) :
Autres anesthésiques locaux[réf. souhaitée]On retrouve dans cette catégorie des substances d'origine naturelle qui ne partagent ni la structure de deux classes d'AL de synthèse, ni leur mode d'action :
Galénique[2]Formes galéniques La plupart des AL sont commercialisés sous forme de sels (chlorhydrates en Europe) dont le pH est maintenu entre 4,0 et 5,5 pour assurer leur parfaite solubilité. Il n’existe plus de conservateur ni d’antioxydant dans les solutions non adrénalinées. En revanche, les formes adrénalinées contiennent des conservateurs du type oxybenzoate ou métabisulfite, incriminés dans des réactions allergiques. La crème Eutectic Mixture of Local Anesthetics (EMLA®), destinée à l’application topique, est composée d’un mélange équimolaire de prilocaïne et de lidocaïne. Effets indésirables potentiels[6]
Conduite à tenir en cas d'intoxication[7]Le traitement de l'intoxication aux anesthésiques locaux, qu'il se manifeste par des signes cardiovasculaires ou neurologiques, va consister à :
Historique[2]Vingt-quatre ans après l’extraction de la cocaïne par Niemann en 1860, la première utilisation de ses propriétés anesthésiques eut lieu en 1884 par Köller. Depuis lors, de nombreuses molécules ont été synthétisées, d’abord les esters par les chimistes allemands avant la Seconde Guerre mondiale, puis plus récemment les amides par les chimistes suédois. Il semble que nous soyons arrivés au bout de cette classe pharmacologique dont les derniers-nés sont la ropivacaïne et la lévobupivacaïne. Anesthésiques de surface par contact
Autres anesthésiques de surface
Adjuvants[2]L’adrénaline et la clonidine sont souvent utilisées pour prolonger l’action des AL au site d’action. Cet effet a surtout été étudié pour les blocs centraux. L’adrénaline diminue la hauteur du pic de concentration sérique des AL (la concentration maximale de la lidocaïne peut être diminuée de 40 %), mais non le délai pour atteindre ce pic (Tmax). Elle prolonge le bloc en réduisant le débit sanguin local et en ralentissant la clairance des AL. Après une injection épidurale chez l’adulte, l’effet de l’adrénaline est d’autant plus net que les AL sont de courte durée d’action, comme la lidocaïne, alors qu’elle est moins efficace avec la bupivacaïne. Les effets de la clonidine sur la résorption des AL à partir de l’espace épidural restent mal connus. Aux doses utilisées (1 µg/kg), la clonidine ne diminue pas leur résorption. Les opioïdes tels que le fentanyl et sufentanil sont également utilisés comme adjuvants en anesthésie loco-régionale périmédullaire pour prolonger la durée de l'anesthésie et en améliorer la qualité. Ils augmentent la durée d’action et l’efficacité, diminuent la quantité d’anesthésique, donc la toxicité. Ils diminuent le saignement. Agit sur les récepteurs α1 et 2 et β2 ( → vasodilatation). L'adrénaline augmente le rythme cardiaque et la contractibilité du myocarde. Un surdosage provoque : tachycardie, hypertension et augmentation du métabolisme basal La noradrénaline agit sur les récepteurs α1 et 2 mais pas sur les β2. Elle est moins efficace que l'adrénaline, et peut être plus nocive. Elle peut provoquer une augmentation de la tension artérielle, mais n’agit ni sur la contractibilité cardiaque ni sur le métabolisme basal.[réf. souhaitée] La corbadrine (en) est dix fois moins active que la noradrénaline. Elle est uniquement utilisée associée à l'aptocaïne en cas de porphyrie.[réf. souhaitée] Les autres constituants[réf. souhaitée]Les antiseptiquesParabène = para-hydroxy-benzoïque : rôle anti-fongique et anti-microbien mais très allergisant, il est donc de moins en moins utilisé. Les antioxydantsEDTA = acide-éthylène-diamide-tétra-acétique : diminue les réactions d’oxydations dans les capsules Les conservateurs
Notes et références
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