Antoine Étex est né à Paris, dans une famille d'artisan modeste d'origine lyonnaise, son père étant sculpteur ornemaniste, sa mère brodeuse. Après l'école primaire, il devient l'aide-apprenti de son père en 1822.
Formation
Tout en travaillant, Antoine Étex entre à l'École des beaux-arts de Paris dans l'atelier de François-Joseph Bosio en 1823[2], puis dans celui de Charles Dupaty. Remarqué par James Pradier, Étex devient son assistant pour achever une sculpture du palais Brongniart à Paris[3]. Élève de Pradier, Étex intègre l'atelier du peintre Jean-Auguste-Dominique Ingres à la demande de ce dernier, qui lui conseille de ne mener qu'une carrière de peintre. Antoine Étex mènera de front une carrière de sculpteur et — dans une moindre mesure — de peintre toute sa vie.
En 1828, Alexandre Dumas lui achète une étude de femme nue qui est présentée la même année pour sa première exposition : « À quelque temps de là, c'était en 1828, étonnement d'Étex, qui reconnaît au milieu des œuvres de Delacroix, Delaroche, David d'Angers, Ingres et Pradier, son étude prêtée par l'excellent romancier, qui voulait ainsi contribuer au succès pécuniaire de cette exposition, faite pour secourir les Grecs, au moment de la guerre de l'indépendance[4]. »
Il tente sans succès d'obtenir le premier grand prix de Rome en sculpture[5], et finalement remporte le second grand prix en 1832 avec Hyacinthe frappé par le palet d'Apollon[6].
Le séjour en Italie (1830-1832)
Antoine Étex prend part aux journées révolutionnaires de 1830, alors qu'il modèle sa sculpture Léda et le Cygne. Le ministre François Guizot lui obtient une bourse de 1 500 francs sur deux ans[7]. Par cette faveur ministérielle, il peut enfin partir en Italie pendant deux ans, à la villa Médicis à Rome. Au retour, il visite l'Algérie et l'Espagne et réalise à cette occasion de nombreux croquis, dessins aquarelles et peintures[8]. Pendant ce séjour, Étex se lie avec les républicains italiens dont Macedonio Melloni dont il fait le portrait. Il modèle également sa sculpture Caïn et sa race maudits de Dieu[6] qui obtient une médaille au Salon de 1833. Étex multiplie les études et les copies de tableaux et en rapporte une du tableau Les Médicis[4].
De son mariage en 1833 naissent deux filles et un fils militaire mort à Saïgon en 1867[9].
Reconnaissance
Il expose pour la première fois au Salon de 1833 en envoyant le marbre de Hyacinthe renversé et tué par le palet d'Apollon et le plâtre de Caïn et sa race maudits de Dieu qu'il avait réalisé en Italie. Il obtient la médaille de première classe au Salon, où sa sculpture fait événement et reçoit un accueil favorable de la presse et du public[10], qui le considèrent alors comme un des chefs de file de la nouvelle école romantique en sculpture aux côtés d’Antoine-Louis Barye et de François Rude[11]. Ingres, en opposition à ce mouvement, lui dit en commentant la sculpture : « Tâchez de vous faire commander ce groupe en marbre, puis, avec l'argent de cette commande, faites un Caïn debout, et anéantissez ce travail » ; et il ajouta : « Votre groupe est superbe, personne en ce temps-ci n'est capable de modeler cela ; c'est du beau, du très beau Canova ; c'est de la sculpture d'expression ; brisez cela, je vous le répète, mais seulement quand il vous aura été commandé. »[12], conseil qu'Étex se gardera bien de suivre.
Adolphe Thiers, alors ministre des Travaux publics, lui commande deux haut-reliefs monumentaux pour la face ouest de l'arc de triomphe de l'Étoile à Paris en 1833, ceux de la face est étant confiés à François Rude et Jean-Pierre Cortot, pour terminer l'édifice. Les deux œuvres d'Étex sont mal reçues par l'Institut et la presse. L'artiste expose au Salon de 1837 et présente à celui de 1839 le marbre de Caïn et sa race maudits de Dieu qui est acquis par l'État français (musée des Beaux-Arts de Lyon). L'œuvre est apprécié par Théophile Gautier qui écrit dans La France littéraire de mars 1833 : « Je trouve dans ce groupe une recherche du vrai, un parti-pris de rompre avec l'ancien patron légué d'académie en académie »[13].
À partir du Salon de 1844, il envoie régulièrement une toile, cette année-là, le Martyre de Saint Sébastien (musée des Beaux-Arts de Rouen), puis La Mort du prolétaire en 1845 (musée des Beaux-Arts de Lyon), une toile monumentale, La Gloire des États-Unis (New-York) en 1846 et, en 1847, le Portrait de Chateaubriand et son Autoportrait (musée de l'Histoire de France à Versailles)[4].
Le voyage aux États-Unis
En 1853-1854, Étex part défendre les intérêts des artistes français aux États-Unis au nom du gouvernement français à l'Exposition universelle de 1853 à New York. Il peint une esquisse, Allégorie à la gloire des États-Unis d'Amérique pour l'hôtel de ville de New York[14] Il visite New York, Washington et le Canada. Il en publiera le compte-rendu, Coup d'œil jeté sur l'état des beaux-arts aux États-Unis en 1856[15].
Devenu célèbre, il donne des cours de sculpture. Auguste Bartholdi est l'un de ses élèves[16]. Il publie ses cours et méthode de dessin, dont le credo peut se résumer à « Nulla dies sine linea » (« pas un jour sans dessiner », mot à mot « pas un jour sans une ligne »)[17] et également des essais et conférences, sur James Pradier notamment.
Étex participe aux journées de 1830, les armes à la main sur les barricades parisiennes, et défend le palais du Louvre. Par la suite républicain convaincu, il aide et se lie avec les patriotes italiens, en particulier Macedonio Melloni.
En 1848, il est candidat à la députation, partisan de l'ordre et de la liberté, sans succès[19]. Il se lie avec le général Cavaignac dont il réalise le portrait.
Proche de Lazare Carnot et de Pierre-Joseph Proudhon, dont il réalise le portrait sculpté, il lui écrit en 1848 :
« Citoyen, je suis heureux et fier de m'associer à votre œuvre régénératrice. Propriétaire et père de famille, je ne serai pas suspect en vous apportant ma part de dévouement, mon nom pur de toute souillure. Oui, je le soutiens avec vous, toute propriété qui n'est pas le fruit du travail de celui qui la possède est un vol fait à la société. 93 a détruit l'orgueilleuse noblesse, 1830 a été escamoté par Louis-Philippe au profit des intrigants ; 1848 détrônera à jamais, je l'espère, la honteuse influence de l'argent, Nos filles à marier ne seront plus cotées comme les actions des chemina de fer à la Bourse. Dieu soit loué ! Salut et fraternité. A. Étex. »[20].
En 1850, à la mort d'Honoré de Balzac, il prend l'initiative, avec l'aide d'Alexandre Dumas, de lancer une souscription pour réaliser un buste de l'écrivain[21].
Antoine Étex a conçu de nombreux projets architecturaux : une école de natation, un opéra, l'église des sept sacrements, le tombeau de Raspail, le tombeau de Géricault, celui de Victor Schœlcher. Il s'intéressa également à l'aménagement de Paris et il formula plusieurs propositions d'aménagement urbain.
La place de l'Europe
Antoine Étex s'intéresse à l'aménagement de la place de l'Europe à Paris. En 1839, il propose deux projets, non réalisés, pour y ériger une fontaine[26].
Le premier projet consiste en la mise en place d’une statue représentant l’Europe, tenant de sa main gauche un blason des armes des différentes nations européennes et de sa main droite l’épée de Charlemagne, assise sur un trône dressé au sommet d’une fontaine entourée de lions. La margelle du bassin est bordée d'allégories du Rhin et du Danube.
Le second projet propose un ensemble où des aigles aux ailes éployées cantonnent un globe terrestre orné de laurier, sur lequel est placé le groupe sommital de la statue équestre de Napoléon Ier brandissant l’étendard aux trois couleurs. Des monstres marins porteurs de fanaux bordent la margelle du bassin.
La colline de Chaillot
En 1848, Antoine Étex, propose d'édifier un Monument à la Liberté sur la colline de Chaillot[27].
En 1858, il projette un phare ou fontaine monumentale au centre d'une place circulaire accueillant le palais impérial et les hôtels des ministères[28].
Lons-le-Saunier, place de la Liberté : Monument au général Lecourbe, 1857, érigé par souscription nationale. La statue est cantonnée de deux bas-reliefs, également d'Étex, représentant La Bataille du pont de Seefeld (1799) et La Défense de Belfort en 1815[33].
12e division : Monument à Théodore Géricault, dit aussi Tombeau de Théodore Géricault, 1884, bronze[Note 2]. Son modèle en plâtre, daté de 1840, est conservé au musée des beaux-arts de Lons-le-Saunier. Le gisant en marbre, exposé au Salon de 1841, est conservé au musée des beaux-arts de Rouen, son socle est orné sur sa face antérieure de bas-relief de bronze représentant son plus célèbre tableau, Le Radeau de la Méduse, et sur ses faces latérales le Cuirassier blessé et le Chasseur à cheval sont gravés dans la pierre. Au dos on trouve la liste des donateurs[38] ;
parc Montsouris : Les Naufragés, 1859, groupe en marbre. Le modèle plâtre a été exposé sous le titre Le Dévouement au Salon de 1853 (no 1330)[41]. Le marbre, qu'Étex envoie à l'Exposition universelle de 1867, n'est acquis et placé au parc Montsouris qu'en 1886[Note 3].
Antoine Étex réalisa également de nombreuses illustrations destinées à être gravées sur bois pour reproduire son œuvre maitresse, Caïn, mais également la traduction d'Halévy des tragédies grecques ainsi que La Divine Comédie de Dante.
Publications
Les souvenirs d'un artiste, Paris, E. Dentu, éditeur, 1877.
L'ouvrage comporte une liste de ses principaux travaux et notes, avec un autoportrait gravé.
James Pradier, Étude sur sa vie et ses ouvrages, par le plus ancien de ses élèves, 1859.
Les trois tombeaux de Géricault, Librairie Académique Didier, 1885, 62 p.
Cours élémentaire de dessin appliqué à l'architecture, à la sculpture et à la peinture, ainsi qu'à tous les arts industriels, 1859, Paris, Librairie Renouard, 1877 (en ligne).
↑Le modèle de ce groupe colossal en plâtre présenté au Salon de 1833 se trouve à la chapelle de la Salpêtrière à Paris.
↑Le peintre est représenté « couché sur son lit de douleur, la palette à la main et peignant jusqu'à sa dernière heure ». Le socle est orné sur sa face antérieure d'un bas-relief en bronze représentant son plus célèbre tableau, Le Radeau de la Méduse, et sur ses faces latérales le Cuirassier blessé et le Chasseur à cheval.
↑Sur d'anciennes cartes postales représentant le parc l'œuvre figure sous le titre Le Sauveteur.
↑Édouard Houssaye, La Chronique des arts et de la curiosité : supplément à la Gazette des beaux-arts, Gazette des beaux-arts, No 26, Paris, 28 juillet 1888, p. 206-207.
↑Théophile Gautier, Correspondance générale, Genève, Librairie Droz, 1985, p. 392.
↑« Étex », in Daniel Karel, Dictionnaire des artistes de langue française en Amérique du Nord : peintres…, 1992 (books.google.fr extrait en ligne).
↑Antoine Étex, Essai d'une revue synthétique sur l'Exposition universelle de 1855 ; suivi d'un Coup d'œil jeté sur l'état des beaux-arts aux États-Unis (en ligne).
↑Charles Gabet, Dictionnaire des artistes de l’école française au XIXe siècle : Peinture, sculpture, architecture, gravure, dessin, ligthographie et composition musicale, Madame Vergne, 1831, p. 255 (online en ligne).
↑Yvan Christ, Paris des Utopies, Paris, Éd. Balland, 1977, p. 114 et 115.
↑Christophe Marcheteau de Quinçay, « Malheureuses amoureuses, ou les destins contrariés de trois statues du premier projet de Duban pour la Cour Carré du Louvre (1850-1852) », La Revue des musées de France. Revue du Louvre, 2020, n° 3, p. 75-88, repr. fig. 6.
P. E. Mangeant, Antoine Étex, peintre, sculpteur et architecte, Plon, 1894, 44 p. (en ligne).
Geneviève Bresc-Bautier, Isabelle Leroy-Jay Lemaistre (sous la direction de Jean-René Gaborit, avec la collaboration de Jean-Charles Agboton, Hélène Grollemund, Michèle Lafabrie, Béatrice Tupinier-Barillon), Musée du Louvre. département des sculptures du Moyen Âge, de la Renaissance et des temps modernes. Sculpture française II. Renaissance et temps modernes. vol. 1 Adam - Gois, Paris, Éditions de la Réunion des Musées nationaux, 1998.
Bruno Chenique, « Une œuvre inspirée par André Chénier, la Damalis d'Étex au musée de Lille », La Revue du Louvre et des musées de France, 1990, n° 1, p. 26-36.
Iconographie
Antoine Étex, Autoportrait, Salon de 1877, reproduction en héliogravure en frontispice de son ouvrage Les souvenirs d'un artiste, 1878.