Arthur UpfieldArthur Upfield
Portrait d'Arthur Upfield.
Œuvres principales
Arthur William Upfield est un écrivain anglo-australien né en 1890 à Gosport dans la région du Hampshire, en Angleterre. Il passe la plus grande partie de sa vie en Australie où il est mort en 1964. Célèbre pour ses romans policiers qui mettent en scène un détective de mère aborigène et de père européen, l'inspecteur Napoléon Bonaparte, et qui explorent les paysages sauvages de l'intérieur australien, il est considéré comme le pionnier du polar ethnologique. BiographieLes années de formationUpfield naît le à Gosport (Angleterre) où son père est drapier. En 1910, ayant échoué à l'examen pour devenir agent immobilier, Upfield part pour l'Australie à l'instigation de son père[1]. Pendant une dizaine d'années, il sillonne l'intérieur du pays en changeant très souvent d'emploi. Il se familiarise avec la culture aborigène, qui servira de toile de fond à ses romans. Lorsqu'éclate la Première Guerre mondiale, Upfield s'engage dans les forces armées australiennes le [2]. Il prend le bateau à Brisbane le pour rallier Melbourne où il séjourne quelques semaines dans un camp avant de s'embarquer pour l'Égypte[3]. Il participe aux combats dans les Dardanelles et en France. En 1915, en Égypte, il épouse Ann Douglass, une infirmière australienne. Il quitte l'armée le [4] et devint secrétaire particulier d'un officier[1]. Les débuts littérairesEn 1921, il retourne en Australie avec son épouse et leur fils[5]. Il reprend une existence itinérante de trappeur et de mineur dans l'intérieur de l'Australie, tout en songeant à une carrière littéraire. Engagé comme cuisinier dans une bourgade perdue de la Nouvelle-Galles du Sud, il écrit des romans qui passent inaperçus et il doit attendre la publication de The Barakee Mystery, en 1929, pour connaître enfin le succès avec le personnage de l'inspecteur de police Napoléon Bonaparte. Selon la biographie d'Upfield, publiée par sa compagne après la mort du romancier, ce héros récurrent serait inspiré d'une personne réelle, un pisteur nommé Léon Wood dont Upfield aurait croisé la route au cours de ses pérégrinations. Ce Wood, un métis, aurait été rattaché en tant que pisteur à la police du Queensland[1]. Il semble pourtant que la réalité soit un peu différente et que le personnage de Bony soit la synthèse de plusieurs aborigènes fréquentés par Upfield[6], notamment un autre pisteur métis nommé Leon Tracker. Les romans qui mettent en scène l'inspecteur Bonaparte ou Bony[7] connaissent beaucoup plus de succès que les autres écrits d'Upfield. Les meurtres de MurchisonThe Sands of Windee (Les Sables de Windee) bénéficie d'une notoriété macabre lorsqu'un proche d'Upfield se servit du scénario de ce roman, alors inédit, pour commettre trois assassinats, dans ce qui a été nommé l'affaire des meurtres de Murchison. Ces assassinats furent perpétrés dans les années 1930 par un éleveur itinérant du nom de Snowy Rowles, dans la région de clôture anti-lapins de l'ouest de l'Australie. L'affaire connut une notoriété particulière lorsqu'il s'avéra que Rowles avait utilisé la méthode décrite par Arthur Upfield dans son roman encore inédit, où Upfield explique comment se débarrasser d'un cadavre sans laisser de traces. Arthur Upfield travaille à l'époque le long de la clôture, son travail consistant à l'inspecter à cheval[2]. Il décide alors d'écrire un roman policier avec un détective auquel il manque un cadavre pour faire son enquête. Or, pour les besoins de l'intrigue, il cherchait une façon satisfaisante de se débarrasser d'un corps. Sur les entrefaites, il discute du problème avec un de ses collègues, George Ritchie, qui lui propose la solution suivante : brûler le cadavre, tamiser les cendres pour en ôter les fragments d'os, dissoudre ceux-ci dans de l'acide, écraser les morceaux restants au mortier et répandre les cendres dans l'atmosphère. Restait ensuite le moyen pour Upfield de trouver comment son détective parviendrait à élucider le meurtre et à confondre le coupable. Il propose une livre sterling à Ritchie s'il parvient à trouver une faille dans sa méthode, mais ce dernier n'y parvint pas[2]. Le développement de l'intrigue dépend pourtant de ce problème et lorsque Ritchie croise un jour Snowy Rowles, que lui et Upfield connaissaient déjà, il lui fit part de ses difficultés, comme il le faisait avec ses amis et ses collègues[2]. Le , Upfield, Ritchie, Rowles, le fils du responsable de la barrière et le cavalier chargé du tronçon nord sont tous présents à la ferme de Camel Station lorsqu'une fois de plus la discussion tourne autour du roman d'Upfield. Upfield lui-même devait affirmer que Rowles avait entendu parler de l'intrigue du roman avant cette date, mais la rencontre et la discussion furent ensuite évoquées comme preuves à charge devant le tribunal pour prouver que Rowles était parfaitement au courant de la méthode inventée par Ritchie[2]. Le , Rowles et deux hommes nommés James Ryan et George Lloyd quittent ensemble Camel Station. Quelques jours plus tard, George Ritchie y retrouve Upfield et lui raconte qu'il vient de croiser un prospecteur nommé James Yates qui lui a raconté avoir rencontré Rowles, Ryan et Lloyd. Rowles était au volant d'une voiture et il avait expliqué que ses deux compagnons étaient dans la brousse, où ils ramassaient du bois. Sur le moment, personne ne trouve à redire à propos de cet épisode, mais le fait que Yates n'ait aperçu que Rowles, seul, aura par la suite une grande importance, car personne ne devait revoir Lloyd et Ryan[2]. Le , Upfield se trouve avec un collègue dans la petite ville de Youanmi (en) lorsqu'il croise Rowles qui lui dit que Ryan a décidé de rester à Mount Magnet et qu'il lui a prêté son véhicule ; il devait raconter à un autre témoin qu'il avait acheté le véhicule pour la somme de 80 livres sterling[2]. En 1929, un certain Louis Carron était arrivé dans la région de Murchison en compagnie d'un ami. Originaire de Nouvelle-Zélande, Carron avait trouvé du travail à Wydgee Station. En , Carron quitte la station en compagnie de Snowy Rowles[2]. Rowles encaisse le chèque que Carron a reçu pour salaire dans une banque de Paynesville, à l'est de Mount Magnet. L'ami de Carron lui envoie un télégramme avec une réponse pré-payée demandant des nouvelles de Carron, mais Rowles ne répond pas[2]. Carron est un correspondant régulier, aussi ses proches s'inquiètent-ils rapidement de sa disparition. La région voit alors passer nombre de travailleurs itinérants et leurs allées et venues ne suscitent guère de curiosité, aussi c'est l'enquête sur la disparition de Carron qui finit par alerter l'opinion sur celle de Lloyd et de Ryan. Eux aussi avaient été vus pour la dernière fois en compagnie de Rowles[2]. Les problèmes d'Upfield pour élaborer une intrigue cohérente étaient connus de tous et les policiers entendent rapidement parler de la méthode de Ritchie pour faire disparaître un cadavre. Ils trouvent les restes de Carron dans la cabine qui marque le mile 183 sur la clôture anti-lapin, qui peuvent être identifiés grâce notamment à une alliance en or[2]. L'officier de police Manning, chargé d'arrêter Rowles, découvre alors qu'il s'agit d'un certain John Thomas Smith, recherché par la police pour s'être échappé de la prison de Dalwallinu en 1928, où il avait été enfermé pour cambriolage. Manning peut donc légalement renvoyer Rowles en prison et continuer tranquillement son enquête[2]. Rowles n'eut à répondre que du meurtre de Carron. Ce dernier avait également changé de nom et s'était appelé Leslie George Brown. Son épouse, Mme Brown, avait vu un joaillier à Auckland pour faire ajuster une alliance en or. L'assistant du joaillier avait utilisé un morceau de métal de 9 carats pour souder l'anneau de 18 carats, erreur que le joaillier n'avait pas eu le temps de rectifier, ce qui laissa une marque distinctive par sa couleur sur le bijou ; cette caractéristique unique permit d'identifier les restes comme étant bien ceux de Carron. Upfield se souviendra du détail de la soudure dans un autre roman intitulé The New Shoe[2]. Les témoignages sur les actions de Rowles, le fait qu'il ait entendu parler de la méthode de Ritchie pour faire disparaître les cadavres et les mensonges de l'intéressé sur ses allées et venues se révèlent accablants. Il est clair que Rowles avait bel et bien commis les trois meurtres. Il fallut deux heures aux jurés pour rendre un verdict de culpabilité. Rowles, condamné à mort, fut pendu le [2]. Peu après, Upfield termine The Sands of Windee et rédige également un livre sur l'affaire des meurtres de Murchison[8]. Écrivain à plein tempsEn 1931, il s'installe à Perth pour essayer de vivre de sa plume, puis en 1933, il travaille brièvement pour le quotidien The Herald à Melbourne. Au cours des années suivantes, il s'efforce de gagner tant bien que mal sa vie en écrivant des articles, des nouvelles et des romans policiers édités sous forme de feuilleton[9]. En 1939, il occupe un poste de censeur du renseignement militaire[9]. En 1941, Upfield et son épouse Anne se séparent, et l'écrivain se met en ménage avec Jessica Hawke, qui sera sa dernière compagne[9]. Lorsque les romans d'Upfield sont publiés pour la première fois aux États-Unis en 1943, il peut enfin jouir d'une certaine sécurité financière et se consacrer entièrement à l'écriture de romans policiers[9]. Les dernières annéesVers la fin de sa vie, Upfield devient un membre éminent de la société géologique australienne, et participe à plusieurs expéditions scientifiques[5]. Il prend la tête d'une importante expédition en 1948, qui explore les régions du Nord et de l'Ouest de l'Australie, notamment le cratère de Wolfe Creek qui sert de décor à un roman de 1962, intitulé The Will of the Tribe (La Loi de la tribu)[10]. Upfield vit ensuite à Bermagui, en Nouvelle Galles du Sud, avant de s'installer au no 3 de Jasmin street, à Bowral. C'est là qu'il meurt, le . La rédaction du roman inachevé auquel il travaillait, The Lake Frome Monster (Le Monstre du lac Frome), publié en 1966, est confiée à J.L. Price et Dorothy Stange. En 1957, Jessica Hawke publie une biographie d'Upfield intitulée Follow My Dust! (Suivez ma poussière). Certains critiques estiment qu'il s'agit en fait d'une œuvre d'Upfield. L'inspecteur Napoléon BonaparteIl s'agit du personnage récurrent de vingt-neuf romans d'Upfield publiés entre la fin des années 1920 et les années 1960. Bony est un métis, de mère aborigène et de père européen inconnu. Sa mère est assassinée alors qu'il a à peine quelques mois[11]. Recueilli auprès du cadavre de celle-ci, il est placé dans l'orphelinat d'une mission chrétienne où il est baptisé du nom de Napoléon Bonaparte lorsqu'on le retrouve en train de mâcher une biographie de l'empereur. Il sera ensuite mieux connu sous le surnom de "Bony". Il possède un master en criminologie de l'université de Brisbane. Son âge n'est pas explicitement mentionné, mais il semble avoir la quarantaine, et la cinquantaine dans les derniers romans ; sa femme, Mary, est également métissée et ses trois fils sont adultes. Bien qu'il soit rattaché à la police du Queensland, ses enquêtes le mènent sur l'ensemble du territoire australien. Bony utilise un mélange d'intuition aborigène et de logique occidentale pour résoudre ses enquêtes. Reconnaissant que les Aborigènes lui sont nettement supérieurs dans le bush, il fait régulièrement appel à eux pour l'assister. ŒuvreRomansSérie Napoléon Bonaparte
Autres romans
Autre publication
PostéritéInfluence littéraireUpfield est considéré comme un des pionniers sinon l'inventeur du « polar ethnologique », dans lequel la connaissance d'une civilisation est essentielle au détective s'il veut pouvoir décoder des indices dans un paradigme étranger à celui de la culture occidentale. Tony Hillerman s'est souvenu de l'œuvre d'Upfield en créant l'inspecteur Jim Chee, un policier Navajo, selon une recette qui sera reprise par Eliot Pattison (Les enquêtes de Shan Tao Yun). Réception critiqueLes romans d'Upfield lui valent l'estime d'autres romanciers. En 1987, H. R. F. Keating classe The Sands of Windee (1931) dans la liste des cent meilleurs romans policiers publiés. J.B. Priestley disait de lui : « Si vous aimez les policiers qui ne se contentent pas de poser des devinettes, mais qui offrent des personnages solidement campés dans des décors vraisemblables et qui échappent aux formules stéréotypées du genre, alors Upfield est l'homme qu'il vous faut[12]. » D'autres critiques trouvent que son style est un peu alambiqué. Le principal intérêt de ses œuvres est la peinture qu'elles brossent de l'intérieur australien entre les années 1930 et 1950. Les romans d'Upfield connaissent un vif succès d'abord en Angleterre, et plus tard aux États-Unis où l'éditeur Doubleday a l'idée de publier quelques titres destinés aux soldats américains postés dans le Pacifique ; ces derniers, envoyés en permission en Australie, se faisaient ainsi une idée de l'environnement qui les attendait là-bas. Le succès est immédiat auprès du public américain. The Widows of Broome (1950) se vend dès sa parution à plus d'un million d'exemplaires[6]. Dans les années cinquante, la série des Bony est traduite en allemand et paraît dans la collection Rote Reihe. En France, c'est Tony Hillerman qui fait découvrir l'œuvre policière d'Upfield à Jean-Claude Zylberstein à la fin des années 1980. Le premier roman traduit en français paraît en 1991, à une époque où Upfield est quasiment tombé dans l'oubli en Australie[6]. En Australie il est longtemps snobé par le milieu littéraire en raison de son intérêt pour les aborigènes et leur culture. Sensible à ce mépris, Upfield l'exploite en 1948 dans l'intrigue du roman, An Author Bites the Dust (Un écrivain mord la poussière) pour se moquer de l'intelligentsia australienne[9]. Les romans d'Upfield, parus à une époque où le racisme envers les Aborigènes les rendait suspects, ont été ironiquement critiqués ensuite par certains écrivains aborigènes qui leur reprochent des inexactitudes dans leur peinture des coutumes et des croyances des autochtones[6]. AdaptationsDe 1972 à 1973, Fauna Production tourne une série de 26 épisodes basée sur les romans d'Upfield. Après avoir longuement cherché un acteur métissé, les producteurs proposent le rôle de l'inspecteur Napoléon Bonaparte à l'acteur anglais Jon Finch. Lorsque celui-ci a un empêchement, John McCallum prend l'avion pour Londres et a la chance de pouvoir s'entretenir avec l'acteur néo-zélandais James Laurenson (en) qui est sur le point de quitter la ville. Laurenson prend immédiatement l'avion pour l'Australie et passe le plus clair du vol à lire la série des romans d'Upfield. La série s'intitule Boney (voir Boney (TV series) (en), en partie pour souligner le jeu de mots, en partie pour honorer l'intention première d'Upfield, déjouée par une coquille sur la couverture de la première édition. La plupart des épisodes sont basés sur un des romans, même si l'adaptation reste souvent très libre. Deux scénarios sont originaux. Cinq des romans n'ont pas été adaptés et mis de côté au cas où la série connaîtrait une troisième saison. Les romans qui ont été réédités à l'occasion de la diffusion de la série adoptent l'orthographe « Boney » sur la couverture et « Bony » dans le corps du texte ; ils sont illustrés d'une scène de l'épisode télévisé correspondant[13]. Notes et références
Sources
Voir aussiLiens externes
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