Claude Joseph Vernet est formé dans le Sud Ouest de la France. Il a pour maîtres Louis René Vialy, Philippe Sauvan puis Adrien Manglard. En 1734, Claude part pour Rome pour y étudier le travail des précédents paysagistes et peintres de la marine comme Le Lorrain, dont on retrouve le style et les sujets dans les tableaux de Vernet. Il se constitue un solide réseau international à l'occasion de ce voyage, et par la suite à Paris via les salons, l'Académie royale et les loges maçonniques[1].
Les sociabilités cosmopolites que ce réseau suscite lui permettent de déployer ses talents de société pour lancer, délibérément comme le montre son livre de raison, la mode des marines à travers l'Europe, notamment en exploitant habilement le retentissement produit par la plus grande commande royale de peintures du règne de Louis XV : celle, en 1753, de vingt tableaux des ports de France[1].
Le peintre britannique Gabriel Mathias (1719-1804) fut un client de Joseph Vernet, il acquit de cet artiste plusieurs tableaux, et en acheta pour autrui[2].
Dès lors, Vernet peut vendre avantageusement ses marines, « au poids de l'or » si l'on en croit Pierre-Jean Mariette[1]. De fait, la liste de ses commanditaires est aussi variée et internationale que prestigieuse ; elle comprend, entre autres figures célèbres, Catherine II de Russie[1].
Louis XV lui commande vingt-quatre tableaux de ports de France pour informer de la vie dans les ports. Seuls quinze tableaux seront réalisés, de 1753 à 1765 (Marseille, Bandol, Toulon, Antibes, Sète, Bordeaux, Bayonne, La Rochelle, Rochefort et Dieppe) ; certains ports sont représentés plusieurs fois. On avait demandé à Vernet de représenter sur chaque tableau, au premier plan, les activités spécifiques à la région. Ces peintures sont donc de véritables témoignages de la vie dans les ports il y a 250 ans, et font de lui l'un des plus grands peintres de la marine. Ils lui vaudront une reconnaissance, de son vivant, par la plupart des nobles les plus attachés à la marine - ainsi, le marquis de Laborde.
Style
Admirateur de Poussin et du Lorrain dont il reprend les effets de marines au soleil couchant[3] déclinées également au clair de lune[4], Vernet parvint néanmoins à créer, à force de travail, son propre style.
Il représente en général la nature en accordant beaucoup de place au ciel ; il sait aussi animer chaque lieu par des personnages et des scènes de la vie quotidienne.
Il a peint plusieurs angles des ports de Marseille et de Bordeaux. Il a peint l'entrée du port de Marseille en 1754, et, en 1758, le port de Bordeaux (une huile sur toile de 2,63 m x 1,65 m, montrant le quartier des Salinières).
Paris, Musée du Louvre, Vue d'Avignon, depuis la rive droite du Rhône, près de Villeneuve, huile sur toile, 1757, 90 × 182,7 cm[13].
Paris, le Musée national de la Marine présente, déposés par le Musée du Louvre en 1943, treize tableaux de la série des quinze ports de France peints à la demande du roi Louis XV. Le Musée du Louvre expose de cette série L'Entrée du port de Marseille et La Ville et la rade de Toulon.
Varsovie, le musée National expose Matin, huile sur toile peinte en 1774.
Dallas, le Dallas Museum of Art abrite le Paysage de montagne menacée par une tempête (1775), huile sur toile 164 × 262 cm.
Philadelphie, le Museum of Art expose six toiles : Villa à Caprarola, Naufrage sur une côte, deux marines (Orage sur une côte et une scène côtière), ainsi qu'une gouache représentant des pêcheurs, attribuée à Vernet[20].
Munich, Neue Pinakothek expose la Tempête en mer peint en 1772.
Horace Vernet (1789-1863), peintre, marié à Louise Pujol
Louise (1814-1845), mariée au peintre Paul Delaroche (1797-1856), deux enfants
Émilie Vernet (1760-1793), épouse de l'architecte Jean-François Chalgrin
Jean-Antoine Vernet (1716-1775), peintre
François Gabriel Vernet (1728-?), peintre religieux
Antoine François Vernet (1730-1779), peintre des bâtiments du Roi
Références dans la littérature
Dans son Salon de 1767, Denis Diderot commente longuement sept tableaux de Vernet à travers un texte connu sous le titre de La Promenade Vernet. Il a imaginé être un personnage des tableaux, mais un personnage mobile, qui se promène dans les paysages, accompagné d’un abbé, de quelques élèves et de leur instituteur. Cette promenade comporte sept sites, qui sont autant de tableaux – dont certains ont disparu. Il est quelquefois difficile de lire des considérations sur la peinture sans voir celles qui les ont inspirées. Les images nous manquent, mais les descriptions sont très précises ; il mêle, aux sensations éprouvées lors des promenades, des considérations philosophiques. Parlant de sa peinture par rapport aux grands maîtres, il déclare : « Inférieur à chacun d'eux dans une partie, je les surpasse dans toutes les autres »[24].
Dans La Maison du chat-qui-pelote de Balzac, Monsieur Guillaume, marchand drapier, juge sévèrement cet artiste — et tous les artistes en général — mettant dans le même sac peinture, danse, art dramatique… : « Ils sont trop dépensiers pour ne pas être toujours de mauvais sujets. J'ai fourni feu M. Joseph Vernet [Claude-Joseph Vernet], feu M. Lekain, et M. Noverre). Ah ! Si tu savais combien de tours ils ont joué à ce pauvre monsieur Chevrel ! Ce sont de drôles de corps. (…)[25] »
Gérard de Nerval fait aussi référence à Joseph Vernet dans son Voyage en Orient. C'est à propos des impressions suscitées par la « beauté, grâce ineffable des cités d'Orient bâties aux bords des mers », qu'intervient la référence à l'artiste : « On coudoie avec surprise cette foule bigarrée, qui semble dater de deux siècles, comme si l'esprit remontait les âges […]. Suis-je bien le fils d'un pays grave, d' un siècle en habit noir et qui semble porter le deuil de ceux qui l'ont précédé ? Me voilà transformé moi-même, observant et posant à la fois, figure découpée d'une marine de Joseph Vernet[26] ».
Chateaubriand, dans ses Mémoires d'Outre-tombe, décrit deux marines peintes par Vernet, accrochées au mur de la chambre à coucher d'une ancienne soupirante de Louis XV, offertes par lui. « Madame de Coislin habitait dans son hôtel une chambre s'ouvrant sous la colonnade qui correspond à la colonnade du Garde−Meuble. Deux marines de Vernet, que Louis le Bien−Aimé avait données à la noble dame, étaient accrochées sur une vieille tapisserie de satin verdâtre. Madame de Coislin restait couchée jusqu'à deux heures après midi, dans un grand lit à rideaux également de soie verte, assise et soutenue par des oreillers ; une espèce de coiffe de nuit mal attachée sur sa tête laissait passer ses cheveux gris. (...) Ainsi le temps avait arrangé les jeunes amours de Louis XV. »[27]
Dans son court roman Pauline, Alexandre Dumas évoque le peintre. Le narrateur, Alfred de Nerval, contemple « avec une terreur pleine de curiosité » le « spectacle prodigieux » de la mer déchaînée par la tempête, spectacle « que Vernet voulut voir et regarda inutilement du mât du vaisseau où il s'était fait attacher »[28].
Dans la nouvelle intitulée L'interprète grec d'Arthur Conan Doyle, Sherlock Holmes déclare que sa grand-mère « était la sœur de Vernet », sans préciser s'il s'agit de Claude Joseph Vernet ou de son petit fils Horace Vernet. Il est toutefois vraisemblable, au vu de la date de naissance fictive de Sherlock Holmes, que Doyle fasse plutôt référence à Horace Vernet. Claude Joseph serait donc, dans cette interprétation, le trisaïeul du détective.
Graveurs ayant réalisé des estampes d'après Vernet
Les estampes d'après Vernet sont nombreuses, surtout celles de la série des ports de France qui sont encore très populaires. On citera parmi les auteurs :
↑ abc et dCharlotte Guichard, « Les circulations artistiques en Europe (années 1680-années 1780) », in Pierre-Yves Beaurepaire et Pierrick Pourchasse (dir) Les circulations internationales en Europe, années 1680-années 1780, Presses Universitaires de Rennes, 2010, p. 391
↑Léon Lagrange, premier biographe de Vernet, décrit Mathias comme un « "peintre anglois" intrépide acheteur des tableaux de Joseph Vernet. Pendant quatre ans, toujours à l'affut, faisant main basse sur les menus tableautins qu'il paye vingt-cinq écus la paire, il procure des commandes, il expédie à Londres, il a toujours en poche quelque ami friand de marines, et, quand, à son tour, il part pour l'Angleterre, il emporte avec une cargaison de peintures, la note des prix courants. » Léon Lagrange, « Joseph Vernet, sa vie, sa famille, son siècle » Revue Universelle des arts, tome sixième, 1857, p. 104-105; et aussi Joseph Vernet et la peinture au XVIIIe siècle, Paris, 1864, (deuxième édition), p. 47.
↑Lire par exemple Léon Lagrange, Joseph Vernet et la peinture au XVIIIe siècle, Didier &cie,
↑Denis Diderot, Œuvres complètes, « Salons », tome IV, 1818, p. 285.
↑La Maison du chat-qui-pelote, Flammarion GF, 1985, p. 62-63.
↑Gérard de Nerval, Voyage en Orient, Préface d'André Miquel, texte établi et annoté par Jean Guillaume et Claude Pichois et présenté par Claude Pichois, Paris, Gallimard, 1984, p. 404.
Léon Lagrange, Joseph Vernet et la peinture au XVIIIe siècle, Paris, 1864 (2e édition), Lire en ligne.
Les documents et pièces justificatives publiés sont des références essentielles.
Anonyme, préface de Maurice Guillemot, Les Vernet, catalogue, exposition, Paris, École des Beaux-arts, s.d. (1898), avec un supplément et un errata.
Exposition consacrée à Joseph, Carle et Horace, 374 œuvres cataloguées (dont des n° bis) et du n° 375 au n° 413 dans le supplément.
Adrien Marcel, « La jeunesse de Joseph Vernet, peintre de marines », Mémoires de l'Académie de Vaucluse, 2e série, t. XV, , p. 25-44 (lire en ligne)
Florence Ingersoll-Smouse, Joseph Vernet, Peintre de marine, Étude critique et catalogue raisonné…, Paris, 1926, deux volumes, lire en ligne sur Gallica.
Ouvrage ancien, mais indispensable
Philip Conisbee, Claude-Joseph Vernet catalogue, exposition, Londres, Kenwood House, 1976.
Anonyme, préface de Philip Conisbee, « Joseph Vernet 1714-1789 », catalogue exposition, Paris, musée national de la Marine, 1976-1977.
Bernadette de Boysson, Vernet, in catalogue exposition « Le port des Lumières », Bordeaux, musée des Beaux-arts, 1989, p. 31-49.
Laurent Manœuvre et Éric Rieth « Joseph Vernet 1714-1789, Les Portes de Frabce », Publié aux Éditions Anthèse, 1994, Arcueil.
Helge Siefert, Claude-Joseph Vernet, catalogue, exposition, Munich, Neue Pinakothek, 1997 (en l'honneur des 65 ans de Johannes Langner).
Michel Vergé-Franceschi (dir.), Dictionnaire d'Histoire maritime, éditions Robert Laffont, coll. « Bouquins »,