L’Evangelicae Historiae Imagines est un recueil de 153 gravures illustrant des scènes évangéliques, réalisées principalement par les frères Wierix, graveurs flamands de renom, qui fut publié en 1593. Jérôme Nadal, proche collaborateur d'Ignace de Loyola, qui en fut le promoteur, le coordinateur et conseiller théologique, en est considéré comme l'auteur, bien qu'il fût décédé une dizaine d'années avant sa parution.
C’est le recueil le plus ancien de ce type qui nous soit parvenu.
Historique
Proche collaborateur d'Ignace de Loyola, Jérôme Nadal connaissait l'importance que l'auteur des Exercices Spirituels donnait à l'imagination dans l'apprentissage de la prière méditative[1]. Aussi entreprit-il à la fin de sa vie la réalisation de ce recueil. Nadal se trouvait alors (1574-1577) à Hall, en Autriche. Son introduction se fait l'écho des Exercices spirituels. Il explique :
« Pour trouver une plus grande facilité dans la méditation, l'on met une image qui représente le mystère évangélique, et ainsi, avant de commencer la méditation, l'on regardera l'image et remarquera en particulier ce qu'il faut y remarquer, afin de mieux le considérer dans la méditation et pour en tirer tout le parti ; parce que le but de l'image, c'est comme rendre la nourriture plus facile à mastiquer, de façon à n'avoir qu'à la manger ; et sinon, la compréhension cherchera à débattre et avoir du mal à se représenter ce qu'il y a à méditer, malgré tous ses efforts[N 1]. »
Nadal se contentait de rédiger les notes explicatives (en 1573-1574[2]), il commanda les gravures à plusieurs artistes flamands, mais eut beaucoup de mal à en trouver. Finalement, Nadal mourut en 1580 sans voir son entreprise menée à terme.
L'ouvrage ne fut ainsi publié de façon posthume que plus de 10 ans plus tard, en 1593, grâce au travail éditorial du père Diego Jiménez. L'éditeur, Martinus Nutius, reçut le privilège du papeClément III, signé par Vestrius Barbianus le [N 2] pour autoriser la publication des Adnotationes et meditationes, les textes de Jérôme Nadal qui seront accompagnés des gravures[4],[5].
L'œuvre de Jérôme Nadal s'inscrit dans la réalité historique et littéraire, et dans la tradition et l'enseignement de l'Église[2].
Les illustrations ont l'originalité de représenter plusieurs scènes sur une même image. Contrairement à la Pièce aux cent florins (ca. 1649, Rembrandt), où l'artiste utilise le simultanéisme pour inclure tout un chapitre de l’Évangile selon Matthieu dans une seule et même scène, plusieurs scènes sont ici mises côte à côte, séparément, quoique bien intégrées dans une seule image. D'ailleurs, les légendes explicitent les différentes scènes représentées[N 3] en faisant des renvois avec des lettres ou des numéros.
Dans un cadre au-dessus de l'image, chaque gravure porte le jour du calendrier de l'Église auquel elle est associée, une citation de la Bible et l'âge du Christ auquel appartient le passage représenté. À droite de ce cadre, il y a un chiffre arabe qui donne l'ordre de l'image dans la vie du Christ par lequel les gravures sont ordonnées. Sous ce chiffre, un autre chiffre romain : il donne l'ordre du sujet selon son apparition dans les Évangiles par lequel Nadal organise ses annotations et méditations[4].
Le recueil suit l'ordre des contemplations données par Ignace dans son livret des Exercices spirituels. Il en devient ainsi un complément. Il aide le retraitant à se plonger entièrement dans la scène qu'il contemple. Il s'y rend présent comme s'il y était.
En outre, ces dessins utilisent parfaitement l'art de la perspective, alors révolutionnaire à l'époque. Jérôme Nadal voulait ainsi rendre l'Évangile plus vibrant et séduisant.
(la) Jérôme Nadal (Hieronymo Natali Societate Iesu) et alt., Adnotationes et meditationes in euangelia quae in sacrosancto missae sacrificio toto anno leguntur : cum Euangeliorum concordantia historiae integritati sufficienti: Accessit & Index historiam ipsam Euangelicam in ordinem temporis vitae Christi distribuens, Anvers, Martinus Nutius, .
Troisième édition
(la) Jérôme Nadal (Hieronymo Natali Societate Iesu) et alt., Evangelicae historiae imagines : ex ordine Evangeliorum, quae toto anno in Missae sacrificio recitantur, in ordinem temporis vitae Christi digestae, Anvers, Martinus Nutius, .
Autres éditions
Jean Moretus, gendre de Plantin, imprima deux autres éditions en 1606 et 1607 : (la) Jérôme Natal (Jerome Natalis, S. J.), Evangelicae historiae imagines : Ex ordine evangeliorum (gravures avec indication de personnages face aux evangiles en suivant l'annee lithurique avec bref commentaire et meditation), Anvers, Apud Ioannem Moretum, , 636 p. (OCLC40316610)
À Rome, Luigi Zannetti en fit une édition en 1596 puis en 1599, bien que le privilège papal, concédé à Martin Nutius, eût une durée de 10 ans (soit jusqu'en 1603). Cette œuvre dispose de sa propre couverture, au dos de laquelle est déjà imprimée la première page de texte. Le père Agostino Vivaldi, jésuite et prêtre célèbre à cette époque, en fit la traduction à l'italien, quoiqu'avec de légères modifications dans les commentaires aux gravures. Cette édition fut rééditée à Venise en 1839 dans l'atelier typographique de G. B. Merlo[5].
Selon le père Nicolau, biographe de Nadal, plusieurs traductions manuscrites ont été faites, en français et en espagnol, accompagnées d'estampes de l'édition originale[5]. La diffusion du livre fut très large, y compris dans les pays de mission (Chine...) où il était utilisé pour l'enseignement de la catéchèse.
Notes et références
Notes
↑Traduction du texte espagnol, lui-même traduit du latin. Texte espagnol : « para hallar mayor facilidad en la meditación se pone una imagen que represente el misterio evangélico, y así, antes de comenzar la meditación, mirará la imagen y particularmente advertirá lo que en ella hay que advertir, para considerarlo mejor en la meditación y para sacar mayor provecho de ella; porque el oficio que hace la imagen es como dar guisado el manjar que se ha de comer, de manera que no queda sino comerlo; y de otra manera andará el entendimiento discurriendo y trabajando de representar lo que se ha de meditar, muy a su costa y con trabajo[2]. »
↑Elles spécifient surtout le lieu où elles se déroulent — ce qui s'appelle la « composition de lieu » dans les Exercices spirituels.
Références
↑Ainsi au no 47,3 des Exercices spirituels, en préambule à la méditation Ignace invite le retraitant à voir avec les yeux de l'imagination le lieu matériel (...) où se trouve Jésus-Christ ou Notre-Dame, selon ce que je veux contempler.
Ralph Dekoninck (et al.):Je révise les images: Genèse, structure et postérité des Evangelicae Historiae Imagines de Jérôme Nadal, Rome, École française de Rome, 2022.
Pierre Antoine Fabre: Ignace de Loyola, le lieu de l'image. Le problème de la composition de lieu dans les pratiques spirituelles et artistiques jésuites de la seconde moitié du XVIe siècle, Paris, Vrin/EHESS, 1992.
(sv) Maj-Brit Wadell, Evangelicae historiae imagines : Entstehungsgeschichte u. Vorlagen, Göteborg, Acta Univ. Gothoburgensis, , 140 p. (ISBN978-91-7346-149-8)
(es) Miguel Nicolau, Jerónimo Nadal, S.I. (1507-1580) : sus obras y doctrinas espirituales, Madrid, C.S.I.C.,
A. J. J. Delen, Histoire de la gravure dans les anciens Pays-Bas et dans les provinces belges des origines jusqu'à la fin du XVIII, Paris, Librairie Nationale d'Art et d'Histoire,
Articles
(en) Maj-Brit Wadell, « The Evangelicae Historiae Imagines, the designs and their artists », Quaerendo, , p. 279-291 (ISSN0014-9527, OCLC888466863)
(en) Walter S. Melion, « Memory, place, and mission in Hieronymus Natalis' Evangelicae historiae imagines », Memory et oblivion, Wessel Reinink, Jeroen Stumpel, , p. 603-608 (ISBN0-7923-4213-5, OCLC887323105)
(es) Alfonso Rodríguez G. de Ceballos, « Las imágenes de la historia evangelica del P. Jeronimo Nadal en el marco del jesuitismo y la contrarreforma », Traza y Baza, no 5, , p. 77-96