Soit G un groupe (fini ou pas). Une application définie sur G est une fonction centrale si elle est constante sur chaque classe de conjugaison.
Exemples
Sur tout groupe de torsionG (en particulier sur tout groupe fini), la fonction qui à tout élément de G associe le nombre de ses conjugués est centrale.
l'ensemble des fonctions centrales sur G à valeurs dans K est un sous-espace vectoriel naturellement isomorphe à KC, où C désigne l'ensemble des classes de conjugaison de G.
Lorsque G est fini, la base canonique de ce sous-espace est donc la famille (1c)c∈C des fonctions indicatrices des classes de conjugaison, et sa dimension est le nombre h de ces classes. L'indicatrice d'une classe de conjugaison c se décompose dans la base canonique de KG en : 1c = ∑s∈cδs.
Si la caractéristique de K ne divise pas g (autrement dit : si g est inversible dans K), le théorème de Maschke assure que dans une représentation de G, toute sous-représentation est facteur direct, ce qui permet de démontrer que toute représentation de G est somme directe de représentations irréductibles.
On montre alors, sous l'hypothèse supplémentaire que le polynôme Xg - 1 est scindé sur K (ou même seulement le polynôme Xe – 1, où e désigne l'exposant de G) :
Soient (S,ρ) une K-représentation irréductible de degré n et de caractère χ, et f une fonction centrale à valeurs dans K. Alors, l'endomorphisme ρf de S défini par
les caractères irréductibles forment une base orthonormée du sous-espace des fonctions centrales[1].
Il en résulte (en considérant la dimension de ce sous-espace) :
Le nombre de caractères irréductibles est égal au nombre h de classes de conjugaison du groupe.
Le groupe n'a donc sur K (à équivalence près) que h représentations irréductibles ρ1, … , ρh, dont les caractères χ1, … , χh forment une base de l'espace des fonctions centrales.
Une conséquence fondamentale est :
Si K est de caractéristique nulle alors deux représentations ayant même caractère sont équivalentes.
En effet, toute représentation (à équivalence près) ρ = ⊕niρi est alors entièrement déterminée par son caractère χ = ∑niχi.
Du fait que les χi forment une base orthonormée, on déduit aussi[2] :
Si n(s) désigne le nombre de conjugués d'un élément s de G et si t est un élément de G non conjugué à s, alors :
.
Démonstrations
Soit ρ une K-représentation irréductible de degré n et de caractère χ, alors n est inversible dans K et pour toute fonction centrale f à valeurs dans K, l'endomorphisme ρf de S défini par ρf = ∑s∈Gf(s)ρs est l'homothétie de rapport (1/n)∑s∈Gf(s)χ(s).
Soit k le rapport de l'homothétie. En notant Tr(ρf) la trace de ρf on a :
.
Les caractères irréductibles forment une base orthonormée du sous-espace des fonctions centrales.
Le fait qu'ils forment une famille orthonormale est une conséquence immédiate du corollaire 4 de l'article « Lemme de Schur ». Il suffit donc de démontrer que la famille est génératrice, ou encore, en définissant f* par f*(s)=f(s-1), que si f est une fonction centrale à valeurs dans K telle que f* est orthogonale à tous les caractères irréductibles, alors f est la fonction nulle.
Pour toute représentation irréductible ρ, de caractère χ, l'application ρf est nulle d'après le point précédent, car f* est supposée orthogonale à χ donc le rapport d'homothétie est nul. Considérons maintenant la représentation régulière λ. Comme elle est somme directe de représentations irréductibles, λf est aussi nulle. On a alors les égalités :
,
ce qui termine la démonstration.
Si n(s) désigne le nombre de conjugués d'un élément s de G et si t est un élément de G non conjugué à s, alors :
.
Soit c la classe de conjugaison de s (son cardinal n(s) est un diviseur de g). La décomposition de son indicatrice 1c sur la base orthonormée des caractères irréductibles montre que :
et donc :
.
Remarque
Lorsque K est un sous-corps de ℂ, il est courant[3], au lieu de la forme bilinéaire symétrique ci-dessus, d'utiliser sur KG un produit hermitien :
.
Si f2 est un caractère, ou plus généralement si, pour tout élément s du groupe, f2(s-1) est égal à f2(s) (le conjugué de f2(s)), alors (f1|f2) = ⟨f1|f2⟩. Par conséquent, les caractères irréductibles forment aussi, pour ce produit hermitien, une base orthonormée de l'espace des fonctions centrales.
La K-algèbre du groupe G, notée K[G], est définie en munissant l'espace vectoriel KG du produit de convolution ∗, décrit par :
Les fonctions centrales de G dans K sont alors caractérisées par :
Le centre de l'anneau unitaire K[G] coïncide avec le sous-espace des fonctions centrales.
En effet, une fonction f = ∑t∈Gf(t)δt appartient au centre si et seulement si elle commute avec tous les δs, ce qui équivaut à la condition que f soit centrale, puisque (δs−1∗f∗δs)(t) = f(sts−1).
↑Cf. Jean-Pierre Serre, Représentations linéaires des groupes finis [détail des éditions] p. I.-15 pour le produit hermitien sur ℂ (avec l'autre convention sur celle des deux variables par rapport auquel il est linéaire) et p. II.-38 pour la forme bilinéaire symétrique sur un corps quelconque.