Parallèlement à ses recherches mathématiques, Tenenbaum publie des poèmes (dans la revue Poésie Vivante), des critiques cinématographiques — notamment pour la revue belge Regards, dans les années 1980 —, une pièce de théâtre et des textes romanesques à partir de la fin des années 1990[réf. nécessaire]. Son roman L'Ordre des jours, paru en 2008 aux éditions Héloïse d'Ormesson (ÉHO), reçoit la même année le prix Erckmann-Chatrian.
En 2019, il publie chez Odile Jacob un essai, en forme d'abécédaire, sur les emprunts des mathématiques au langage courant : Des mots et des maths. Cet ouvrage est lauréat 2019 du Prix Georges Sadler[6],[7] décerné par l'Académie de Stanislas.
Travaux mathématiques
Gérald Tenenbaum est l'un des éponymes de la constante d'Erdős-Tenenbaum-Ford[8],[9]. Cette constante est . Elle intervient dans plusieurs estimations en théorie des nombres, par exemple sur la distribution des entiers ayant un diviseur dans un intervalle donné[10], sur le nombre d’entiers distincts apparaissant dans une table de multiplication de taille NxN, sur la représentation des entiers comme somme d’un carré quelconque et du carré d’un nombre premier, et bien d’autres.
En collaboration avec Helmut Maier, Tenenbaum a résolu en 1984 une importante conjecture d'Erdős sur la proximité des diviseurs[11]. Cette conjecture affirmait que presque tous les entiers n ont deux diviseurs et , tels que (Maier et Tenenbaum ont montré en fait que 2 peut être remplacé par n'importe quel nombre plus grand que 1)[12]. Plus précisément, ils ont montré que 2 peut être remplacé par , pour n'importe quel c plus petit que , ce qui est optimal. Leur preuve s'appuie sur l'analyse de Fourier et un argument de récurrence. Les techniques de cette preuve ont été appliquées ensuite à d'autres questions et « ont donné un nouvel élan à ce domaine de recherche[13] ».
Tenenbaum est également coauteur avec Adolf Hildebrand de l'utilisation arithmétique de la méthode du col[14]. Un premier exemple concerne la fonction de deux variables , étant le nombre d'entiers n inférieurs ou égaux à x tels que les diviseurs premiers de n soient inférieurs à y ; on dit maintenant que de tels entiers sont y-friables. Des estimations de avaient été données auparavant lorsque y était compris dans certains intervalles dépendant de x. Hildebrand et Tenenbaum ont obtenu par leur nouvelle approche une estimation uniforme, pour tout y entre 2 et x. Ils utilisent d'abord la formule de Perron pour exprimer , à un petit terme d'erreur près, comme une intégrale :
où est un réel positif et la fonction zêta de Riemann tronquée, c'est-à-dire . En choisissant alors comme un point-selle de , c'est la partie de l'intégrale au voisinage de ce point qui est la plus importante, ce qui permet d'obtenir l'estimation uniforme voulue[15]. Cette approche a été utilisée avec succès dans d'autres problèmes, comme l'étude du comportement asymptotique de (nombre d'entiers inférieurs ou égaux à x dont les facteurs premiers sont compris entre deux bornes y et z)[16] ou de (nombre de décompositions d'un entier n en somme de puissances k-ièmes d'entiers)[17], ou l'estimation de sommes de valeurs sur les entiers y-friables inférieurs à x de fonctions arithmétiques ou à dérivée continue[18],[19].
Tenenbaum a donné[20],[21] une version effective de résultats de Eduard Wirsing et Gábor Halász sur l'existence d'une valeur moyenne pour des fonctions arithmétiquesmultiplicativesf, c'est-à-dire de la limite M(f), quand x tend vers l'infini, de . Ces résultats de Wirsing et Halász contenaient par exemple le théorème des nombres premiers ou encore une preuve de la conjecture d'Erdös-Wintner selon laquelle une fonction multiplicative prenant seulement les valeurs +1 et -1 admet une valeur moyenne.
D'autres travaux de Tenenbaum concernent le nombre de solutions entières sur des surfaces de Châtelet, avec Régis de la Bretèche[22], ou encore la distribution asymptotique de la fonction , avec des entiers non nuls , où est la somme des chiffres de r écrit en baseq, avec Cécile Dartyge[23].
Tenenbaum a écrit, seul ou en collaboration, et pour différents publics, des textes de référence sur plusieurs aspects de la théorie des nombres. Son ouvrage Introduction à la théorie analytique et probabiliste des nombres, réédité et traduit en anglais, est décrit comme « un livre … que tout mathématicien désireux d'acquérir de nouvelles connaissances sur les sujets présentés trouvera à la fois utile et stimulant[24] ». Harold Diamond, lui-même spécialiste de la théorie analytique des nombres, commente ainsi la traduction en anglais : « L'auteur a fait d'importantes contributions à la théorie des nombres et sa maîtrise du matériel est reflétée dans l'exposition qui est lucide, élégante et précise. … Ce livre devrait attirer beaucoup d'attention à la fois comme texte et comme référence[25]. » La monographie Divisors, écrite avec Richard Hall, synthétise des résultats sur la distribution des diviseurs d'un entier, en particulier ceux concernant la conjecture d'Erdös démontrée par Tenenbaum et Maier, ainsi que des théorèmes sur la fonction de Hooley (le maximum, sur les u positifs, du nombre de diviseurs d d'un entier n tels que )[13]. Tenenbaum est aussi le co-auteur, avec Michel Mendès-France, du « Que Sais-je ? » sur les nombres premiers[26].
Reflets des jours mauves, paru à l'automne 2019, possède une structure kabbalistique sous-jacente ; L'Affaire Pavel Stein (Cohen&Cohen 2021), écrit en grande partie à la première personne du féminin, comporte une contrainte oulipienne ; Par la racine (Cohen&Cohen 2023) mêle mythologie juive et question du deuil dans un parcours ponctué d'évocations musicales. Ce dernier roman a été sélectionné par le jury du prix Cazes-Brasserie Lipp 2023[29].
Gérald Tenenbaum est aussi membre des jurys littéraires du Prix Erckmann-Chatrian[30] et du Prix de la Nouvelle littéraire des lycéens lorrains[31].
Exercices corrigés de théorie analytique et probabiliste des nombres, avec la collaboration de Jie Wu, Société Mathématique de France, 1996.
Les nombres premiers, entre l'ordre et le chaos, en collaboration avec Michel Mendès France, coll. UniverSciences, Dunod 2011, 2° édition, 2014 (ISBN978-2100706563).
Théorie analytique et probabiliste des nombres : 313 exercices corrigés, avec la collaboration de Jie Wu, Le Voile des mots 2024 (ISBN978-2958737481).
Introduction à la théorie analytique et probabiliste des nombres, 5e édition, Dunod, 2022 (ISBN978-2100829835).
↑(en) Florian Luca et Carl Pomerance, « On the range of Carmichael's universal-exponent function », Acta Arithmetica, vol. 162, , p. 289-308, voir p. 3.
↑(en) Benoit Cloitre, « A0747738 », sur The On-Line Encyclopedia of Integer Sequences, .
↑Gerald Tenenbaum, « Sur la probabilité qu'un entier possède un diviseur dans un intervalle donné », Compositio Mathematica, vol. , 51, no 2, , p. 243-263.
↑Helmut Maier et Gérald Tenenbaum, « On the set of divisors of an integer », Inventiones Mathematicae, vol. 76, , p. 121–128 (lire en ligne, consulté le ).
↑(en) W.Narkiewicz, « Maier, H. et Tenenbaum, G., On the set of divisors of an integer », MathSciNet, Mathematical Reviews, no MR0739628, .
↑ a et b(en) A. J. Hildebrand, « R. Hall and G. Tenenbaum, Divisors », MathSciNet, Mathematical Reviews, no MR0964687, .
↑(en) Adolf Hildebrand et Gérald Tenenbaum, « On Integers Free of Large Prime Factors », Transactions of the American Mathematical Society, vol. 296, no 1, , p. 265-290 (lire en ligne). Voir aussi Gérald Tenenbaum, « La méthode du col en théorie analytique des nombres », Séminaire de théorie des nombres de Paris (1986-1987), , p. 411-441 (lire en ligne).
↑(en) A. Ivić, « Hildebrand, A. ; Tenenbaum, G.,
On integers free of large prime factors », MathSciNet, Mathematical Reviews, no MR0837811, .
↑Éric Saias, « Entiers sans grand, ni petit facteur premier III », Acta Arithmetica, vol. 71, , p. 351-379.
↑(en) G. Tenenbaum, Wu, J. et Li, Y.-L., « Power partitions and saddle-point method », Journal of Number Theory, vol. 204, , p. 435-445.
↑Régis de la Bretèche et Gérald Tenenbaum, « Propriétés statistiques des entiers friables », Ramanujan Journal, vol. 9, , p. 139-202.
↑Gérald Tenenbaum, « Moyennes effectives de fonctions multiplicatives complexes », Ramanujan Journal, vol. 44, no 3, , p. 641-701.
↑Gérald Tenenbaum, « Moyennes effectives de fonctions multiplicatives complexes », Ramanujan Journal, vol. 51, no 1, , p. 243-244.
↑Régis de la Bretèche et Gérald Tenenbaum, « Sur la conjecture de Manin pour certaines surfaces de Châtelet », Journal de l’Institut de mathématiques de Jussieu, vol. 12, no 4, , p. 759-819.
↑Cécile Dartyge et Gérald Tenenbaum, « Sommes des chiffres de multiples d’entiers », Annales de l’Institut Fourier, vol. 55, no 7, , p. 2423-2474.
↑Harold Diamond, « Tenenbaum, Gérald, Introduction to analytic and probabilistic number theory », MathSciNet, , MR 1342300.
↑Michel Mendès-France et Gérald Tenenbaum, Les Nombres premiers, Paris, Presses universitaires de France, coll. « Que Sais-je? » (no 571), 128 p. (ISBN9782130483991).