Drapeau pendant le règne de khan Özbeg, comme indiqué sur la carte de Dulcert de 1339 (d'autres sources affirment que la Horde d'Or a été nommée d'après la bannière jaune du khan).
Les Djötchides eux-mêmes s'appellent Horde ou Grande Horde. Horde, orda en mongol, est un terme qui existe aussi en chinois et en turc pour décrire des pouvoirs politiques nomades, il ne faut pas comprendre le terme au sens de foule nombreuse et incontrôlable[3],[4]. Horde d'or est une expression utilisée par les Russes[5] depuis le XVIe siècle, après que le mot horde leur a été apporté par les invasions mongoles[3]. Les Arabes et les Persans parlent du royaume des Tatars ou du khanat de Kiptchak. En France et en Italie, on les désignait sous le nom de Tatars de l'Ouest[6].
Histoire
Contexte
Les mongols avaient pour but de conquérir l'ensemble des peuples nomades de la steppe, et certain de leurs grands opposants étaient les Coumans (aussi appelés Kipchaks). Ceux-ci, refusant la soumission, demandent l'aide de leurs alliés les princes russes, avant de se réfugier chez eux quand leur territoire est conquis. C'est ainsi que les russes se retrouvent dans le collimateur des mongols[3],[4].
La construction de bâtiments en pierre cesse dans la région pendant deux cents ans. Les princes de la Rus' restent tributaires de leurs khans jusqu'à la fin du XVe siècle.
En 1225, suite à l'invasion mongole de l'Empire khwarezmien, les territoires sont divisés en ulus (territoire administratif mongol). Il supplante les Coumans de Coumanie. Les bords de la mer Caspienne sont donnés à Djötchi, devenant dès lors le Ulu de Jochi. Il étend rapidement les limites de ce territoire en chassant les Coumans jusqu'à la Volga[8]. Djôtchi déplace sa cour et sa famille au sein du campement principal et fait déplacer plusieurs tribus mongoles afin qu'elles s'y installent pour renforcer ses capacités militaires[9].
Cependant, les documents ne permettent pas de confirmer la structuration administrative qui permettrait de dater la formation de la Horde d'Or durant la gouvernance de Djötchi. La tradition et l'historiographie retiennent principalement le rôle de Batu, son fils, en tant que fondateur de la Horde d'Or[9].
En février 1227, la mort de Djötchi scinde ses possessions selon le principe de l'apanage entre ses fils majeurs qui représentent leur ulus respectifs lors des qurultay de 1229 et 1235. Orda dirige un ulu (aussi nommé Horde blanche) situé le long de la rivière Irtych et auquel ses quatre frères cadets se soumettent. Il participe activement aux premières conquêtes russes en 1228 et 1229[9]. Batu dirige quant à lui un ulu dans la partie occidentale de celui de son père (Horde bleue) et joue un rôle majeur dans l'invasion générale coordonnée avec Subötaï de 1237 à 1242. De nombreux territoires conquis rejoignent les deux ulus dirigés par ses fils[10].
La Horde d'Or sous Batu (1243-1255)
Au retour de sa campagne militaire, en 1243, Batu déplace son camp principal et l'établit à Saraï qu'il désigne comme capitale de son territoire. Il s'établit également sur le territoire central, dans la région du confluent de la Volga et de la Kama, près de l’ancienne Bolgar. Ce repli militaire, en 1243, est communément interprété comme celui de la fondation de la Horde d'Or. Cependant, cela repose sur une mauvaise interprétation des relations entre les ulus des descendants de Djötchi[11].
Vadim Tepavlov suggère notamment que la date de 1225 est un meilleur repère dans la formation de la Horde d'Or en tant que ulu de Djötchi. De plus, il est important de noter que l'administration de l'Empire Mongol s'effectue par le fractionnement en deux ailes, occidentale et orientale, par tradition culturelle ; l'aile occidentale étant soumise à l'aile orientale. Les ulus de Jochi se retrouvent à la tête de l'aile occidentale et ont, en réalité, un pouvoir et un statut officieux semblable au Khagan placé à Karakorum. Dans le cas de la Horde d'Or, le principe des deux ailes s'applique entre Orda et Batu qui co-dirigent la Horde d'Or au sein de leurs hordes respectives. Enfin, leur soumission envers Ögedei est liée à une promesse tenue par leur père. La mort d'Ogedei en 1943 représente un premier facteur de réunification des horde blanche et bleue[12].
Le statut de la Horde d'Or se renforce durant le règne de Güyük envers qui Batu est ouvertement hostile[13]. Lors de la succession menant à désigner Möngke, l'indépendance de la Horde d'Or vis-à-vis de l'Empire Mongol se renforce également. Batu refuse de diriger l'Empire Mongol en faveur de Mongke, cependant le titre de Khagan n'inclue plus les titres relatifs aux territoires administrés par la Horde d'Or. Si la souveraineté est renforcée, elle reste encore dépendante de l'Empire Mongol. Les réformes et édits du Khagan doivent cependant être désormais approuvés par Batu avant d'être appliqués au sein de la Horde d'Or[14].
Au moment de la mort de Batu à Saraï en 1255, Sartaq, son fils et successeur désigné, séjourne chez le grand khan Möngke à Karakorum en qualité d'ambassadeur. Möngke le nomme à la tête de la Horde, lui octroyant les mêmes prérogatives que son père sur les forces armées, les territoires et les sujets de la Horde d'Or[14]. Les textes contemporains confirment que le territoire possède une grande autonomie en matière de loi[15]. Sataq meurt brusquement et c’est son fils Ulaqtchi qui est désigné comme khan sous la régence de Boraktchik, veuve de Batu[16].
La Horde d'Or sous Berké (1257-1267)
À la mort d'Ulaqtchi en 1257, Berké, frère de Batu, devient khan de la Horde Bleue (jusqu'en 1267). Il doit lutter contre plusieurs révoltes contre l’occupation mongole, visant en particulier les fonctionnaires percevant les tributs (basmaks). Sa conversion à l'islam marque la première étape de la conversion des souverains de la Horde d'or[17].
En 1261, Saraï devient le siège d'un diocèse orthodoxe. La ville est aussi (jusqu’à sa destruction en 1395) un important pôle commercial reliant les routes entre l’Orient et l’Occident. Des commerçants vénitiens et génois viennent y acheter des fourrures du Nord ainsi que des esclaves coumans (kiptchak) qu’ils revendent aux mamelouks d'Égypte.
En 1262, Berké s’allie avec le sultan mamelouk Baybars contre l’empire des Houlagides de Perse. En 1265, Nogaï, le général de la Horde, lance des raids en Thrace contre l'empire byzantin. La même année, Berké perd le Khwarezm, Otrar et les territoires à l’est de l'Aral au profit du khanat de Djaghataï. Il meurt dans le Caucase au cours d'une nouvelle campagne contre la Perse.
Les relations entre la Horde d'Or et l'Empire Mongol se dégradent progressivement à cause des changements culturels et religieux qui s'opèrent au sein des deux cours. Déjà, en 1259, le Khan de la Horde d'Or est exempté de l'obligation d'assister au qurultay (assemblée des Khans) à Karakorum[15]. De plus, les différents sujets et tributaires des principautés russes ne font allégeance qu'au Khan et non au Khagan[18]. Cependant, la séparation ne semble réellement effective qu'à partir du règne de Mengü Temür[15].
L'affaiblissement
De Mengü Temür (1267-1280) à Toqtaï (1290-1312)
Mengü Temür poursuit la politique de ses prédécesseurs et affirme son indépendance vis-à-vis de l'Empire mongol alors dirigé par Kubilai Khan, installé à Khanbalik (actuelle Pékin). Dès le début de son règne, il exige que son nom, sur ses monnaies, apparaisse en lieu et place de celui du Kaghan, démontrant la séparation de la Horde d'Or vis à vis de l'Empire[18].
Il accorde des immunités au clergé orthodoxe en 1279[19].
À sa mort en 1280, la Horde commence à se disloquer. Les rapports entre les différentes tribus, éloignées les unes des autres, se distendent, favorisant les séparatismes. Les khans dépendent de plus en plus de l’aristocratie militaire et n’ont plus qu’une fonction nominale. Sous les règnes de Tuda Mangu (1280-1287) et de Tula Buqa (1287-1290), le pouvoir est aux mains de Nogaï, qui campe entre le Don et le Donets et fait et défait les khans. Vers 1280, il s'allie avec l'Empire byzantin et exerce un véritable protectorat sur la Bulgarie.
En 1290, Toqtaï, fils de Mengü Temür, est porté au pouvoir par Nogaï, mais il se débarrasse de sa tutelle en le vainquant sur les rives du Dniepr en 1299, avec l'appui de troupes auxiliaires locales. Nogaï est tué dans la bataille. Les femmes et les enfants de sa tribu sont vendus comme esclaves.
En 1307, Toqtaï fait arrêter des commerçants européens qui séjournent à Saraï. Il envoie une armée à Caffa contre les Génois de Crimée responsables d'enlèvements d'enfantstatars vendus dans les pays à domination musulmane et les chasse de la ville en 1308.
Le règne d'Özbeg et de ses successeurs (1312-1360)
À sa mort en août 1312, son neveu Özbeg lui succède et règne jusqu'en 1341. Peu avant sa mort, il autorise les commerçants génois et vénitiens à reconstruire Caffa (en Crimée). Son règne marque la conversion définitive des souverains de la Horde d'or à l'islam. Il en résulte un divorce majeur entre la population conquise, slave et chrétienne, et la minorité régnante, musulmane et turco-mongole[17].
C'est pourquoi lorsque son fils Djanibeg prend le pouvoir, en 1342 (après avoir tué son frère Tinibeg qui régnait depuis le mort de leur père), à la suite de désordres survenus entre chrétiens et musulmans dans les comptoirs de l’embouchure du Don, il chasse de nouveau les commerçants européens. Il assiège Caffa à deux reprises (1343 et 1355). En 1355, Djanibeg conquiert l’Azerbaïdjan qu’il rattache provisoirement à la Horde d'or. Il est assassiné en 1357.
Sous le règne de son fils Berdibeg (1357-1359) et ses successeurs, l’empire se disloque à nouveau.
La rébellion des Russes ; Mamaï et la défaite de Koulikovo (1378)
La Horde change 14 fois de khan de 1360 à 1380. Un seigneur féodal, Mamaï, détient le pouvoir effectif.
À partir de 1371, les princes de la Rus' refusent de payer le tribut. Mamaï lance alors contre eux une expédition qui est repoussée par le grand duc Dimitri Donskoï à la Voja (), puis dispersée à Koulikovo, au confluent du Don et de la Népriavda le .
La Horde du XIVe au XVIe siècle
Le redressement : le règne de Tokhtamych (fin du XIVe siècle)
Tokhtamych, khan de la Horde blanche, qui règne sur les steppes du Syr-Daria, général de Tamerlan, vainc Mamaï sur la Khalkha et se proclame khan de la Horde d'or. Mamaï va s'exiler chez les Génois en Crimée. Cependant, trahi par les commerçants génois, il est exécuté[20].
Jusqu'alors, la Horde d'Or est divisée entre deux Hordes. Tokhtamych est le premier à officiellement réunifier les deux ailes en une seule. Cependant, cette tentative échoue à cause de crises internes et de la menace d'invasion de Tamerlan[21].
Tokhtamych rétablit pour un temps l’unité de la Horde d'or. Il exige de nouveau que les princes de la Rus' se rendent à Saraï avec des tributs, mais ceux-ci refusent. Tokhtamych entreprend alors une campagne contre les principautés de la Rus' : il incendie Souzdal, Vladimir, puis pille et brûle Moscou le .
L'intervention de Tamerlan (1392-1395)
En 1392 et 1395, Tamerlan mène des expéditions contre la Horde d'or. Saraï et Astrakhan sont détruites. Après avoir vaincu Tokhtamych sur le Terek le , il menace Moscou et ravage Riazan. Vassili Ier, prince de Moscou, le repousse le . Tamerlan pille la Crimée à l'automne. Il met La Tana (Azov) à sac et réduit en captivité tous les résidents chrétiens. Le riche comptoir génois de Caffa est désorganisé.
Sous les successeurs de Tokhtamych, le pouvoir appartient au chef de la horde nogaï ou mengit, l’Edigu ou Idi Qu (1400-1412). En 1408, il exige le tribut des Russes, incendie Nijni Novgorod et Gorodets, marche vers Moscou puis se retire sous de vagues promesses d’obéissance.
En 1480, Ivan III, prince de Moscou, s’allie au khan de CriméeMengli Ier Giray et à Ouzoun Hassan, sultan des Aq Qoyunlu, et refuse de payer le tribut à la Horde d'or. Ahmad Khan marche contre lui : leurs armées se rencontrent le sur l’Ougra, chacune d'un côté de la rivière. Mais la Horde doit se retirer le , faute d'avoir reçu des renforts du roi de Pologne Casimir IV Jagellon. Ivan III le Grand libère Moscou du joug mongol et commence l'unification de la Russie.
En 1475, le khanat de Crimée entre dans l'orbite ottomane. La Horde perd son accès à la mer Noire et ses débouchés commerciaux vers l'Europe. À l'est, elle est menacée par la puissance naissante des Chaybanides (descendants de Cheyban) et perd la Transoxiane conquise par Mohammad Chaybani en 1500. À la fin du XVe siècle, son territoire est réduit à la plaine de la Volga (Kazan, Saraï, Astrakhan).
En 1502, le khan de Crimée Mengli Giray, allié des Russes, prend et détruit Saraï. C'est la fin de la Horde, dont le dernier souverain, Sheykh Ahmed, disparait en 1516.
Les héritiers : les Tatars (XVIe-XVIIIe siècle)
Les Mongols de la Horde d'or se turquisent et se mélangent avec les Coumans/Kiptchaks, formant la nouvelle ethnie tatare[source insuffisante][17],[22]. Les débris des territoires de la Horde d'or constituent les khanats de Kazan, d’Astrakhan, de Sibir (ouest de la Sibérie) et de Crimée.
Aux XVIe et XVIIe siècles, la frontière entre la Moscovie et le monde nomade passe non loin de Moscou, au sud de Riazan sur la rivière Oka, et d'Elets sur la rivière Sosna, affluent du Don. Les hordes tatares maîtrisent à la perfection la tactique des incursions, en choisissant la voie selon les lignes de partage des eaux[réf. nécessaire][pas clair].
En 1571, le khan de Crimée Devlet Ier Giray à la tête d'une armée de 120 000 cavaliers ravage Moscou et réduit en esclavage une grande partie de la population (sous Ivan le Terrible). Les incursions des Tatars de Crimée et des hordes transvolgiennes se prolongent jusqu'au XVIIIe siècle. Chaque année, les Cosaques et les jeunes nobles partent pour le service de guet et de patrouille, protégeant les territoires russes frontaliers contre les incursions tatares.
La route principale des attaques vers Moscou était Mouravski Chljakh, de la Crimée à Toula, entre les rivières Dniepr et Donets du Nord. Après s'être enfoncés en Russie sur 100 à 200 kilomètres, les nomades reviennent en arrière en déployant à partir du détachement principal de larges ailes de soldats, en pillant et en faisant des prisonniers. Ceux-ci sont vendus comme esclaves à l'Empire ottoman, voire à certains pays européens. Caffa, en Crimée, est un des principaux marchés de la traite des esclaves.
Le khanat de Crimée est rattaché à la Russie en 1783 (sous Catherine II).
Organisation
La Horde d'Or, avant son indépendance, est un mélange complexe des traditions institutionnelles mongoles et des systèmes administratifs des territoires conquis et voisins. L'évolution de l'organisation administrative au sein de la Horde d'Or est constante sur trois siècles[23].
L'administration est fondée sur la distinction entre les villes et les el[réf. nécessaire][24], unités de base des clans nomades. Les grandes villes doivent payer diverses taxes aux khans (sur le commerce, la propriété foncière, les magasins à grain, les semailles, les vignes et l'irrigation). Les el sont redevables d'impôts sur le cheptel. Villes et el doivent un service militaire à l'armée (orda) en cas de besoin. Il existe un service postal officiel, le yam, dont les fonctionnaires ont droit de réquisition pour pouvoir circuler rapidement. Le khan peut exempter par décret (yarlyk) certaines cités ou el de certaines taxes ou réquisitions. La Horde fit frapper une grande quantité de monnaies : des puls en cuivre et des dirhams en argent, sous-multiple du dinar[25].
Caractéristique générale
Elle se compose de deux subdivisions, la Horde Bleue à l'ouest, dirigée par les descendants de Batu, et la Horde Blanche à l'est, contrôlée par les descendants d'Orda. Les Khans de la Horde Bleue agissent également en tant que Khan de la Horde d'Or[23].
Les principales caractéristiques du système administratif sont le pouvoir monarchique du Khan, la participation à l'administration du territoire par les karachi begs (quatre représentants de dynasties tatares), la division du territoire en deux ailes, le système territorial mongol des ulus (territoires et sujets pouvant être donnés par le Khan ou hérités), l'utilisation d'administrateurs civils ou vice-régents (darugachi), le iassak comme système fiscal et la combinaison d'un système d'administration d'États aux traditions de gouvernances locales[26].
Rôles
Le khan s'appuie sur une administration efficace et strictement hiérarchisée héritée de l'empire mongol. Son gouvernement le suit dans sa nomadisation, par le biais d'un immense campement[3],[4]. Le rôle du Khan repose sur le contrôle des dignitaires, l'arbitrage des conflits entre officiers et un pouvoir décionnel final sur toutes les matières principales concernant la gestion du pays. Les premiers Khans au XIIIe siècle sont particulièrement actifs et présents dans la gestion administrative tandis que leurs successeurs au XIVe siècle prennent de la distance[27].
Le beklyaribek se trouve à la tête des beg (noblesse turco-mongole et émir) et détient les prérogatives militaires en tant que commandant suprême de guerre. Hiérarchiquement soumis aux ordres du Khan, il coordonne également les actions de politique extérieure comme la diplomatie. Cette fonction, formée au XIe siècle dans la culture turcique-oghouze, réapparait au sein de la Horde d'Or afin de soutenir la fédération des différentes tribus nomades qui la compose au XIIIe siècle. L'importance de cette fonction gagne en ampleur après la chute de la Horde d'Or[28].
Le vizir, au sein du divan, se trouve à la tête d'une autre élite sociale, les darugachi, fonctionnaires et administrateurs. Sa principale fonction est de garantir le bon fonctionnement du système financier, d'établir des lois fiscales, de garantir le contrôle et la régulation du commerce, ou encore de coordonner la planification urbaine[29].
Les begs sont subdivisionnés en plusieurs rôles différents. Sur le plan militaire, suivant le modèle décimal, se trouvent les temniks (général), ty'syachniks (commandant de mille hommes), sotniks (commandant de cent hommes) et desyatniks (commandant de dix hommes). Sur le plan de la noblesse se trouvent les princes d'ulus, les courtisans princiers, les chefs de régiments[30].
Les fonctionnaires sont également subdivisés hiérarchiquement. Le darugha est directement sous les ordres du vizir et prend en charge la collecte des taxes de localités qui lui sont assignées. Ils partagent certaines fonctions avec les begs locaux afin de faciliter l'administration fiscale des territoires[30].
Géographie
Le territoire de la Horde s'étend de la partie méridionale de l'actuelle Russie : la Crimée, les steppes kiptchak, la vallée de la Volga, jusqu'à la Transoxiane. Cet espace est composé de grands déserts et steppes propices au nomadisme et au pastoralisme, ainsi que de régions urbanisés (Crimée, Volga, Transoxiane) qui pratiquent un commerce actif. Le nomadisme se maintient tout au long de la période et les khans eux-mêmes le pratiquent, passant la moitié de l'année dans leurs campements d'été et l'autre moitié dans leurs quartiers d'hiver. Ils favorisent néanmoins l'urbanisation, dans le but de développer le commerce et l'artisanat (métallurgie, céramique, cuir…) et maintiennent les routes commerciales, notamment le long de la Volga et l'axe mer d'Aral-mer Caspienne-mer Noire (la « route de la soie »).
La démographie de la Horde souffre d'une hémorragie chronique due au trafic d'esclaves qu'opèrent certaines tribus kiptchak en razziant les jeunes garçons turcs pour les vendre dans les comptoirs italiens de Crimée, qui les envoient principalement vers l'Égypte des mamelouks, eux-mêmes descendants d'esclaves turcs et traditionnellement alliés du khanat de Kiptchak. Le gouvernement de la Horde tente de mettre un terme à ce trafic, mais ne peut agir fortement contre les Génois et les Vénitiens dont les comptoirs sont un important débouché pour ses produits agricoles et un terminus de la route de la soie[31].
L'islamsunnite, la religion du khan depuis Özbeg, est la plus représentée mais côtoie le christianisme sous différentes formes (orthodoxe, nestorienne, catholique) et la religion juive. Le chamanisme, hérité des Mongols de la conquête, persiste dans les esprits jusqu'au XVIe siècle[32]. La tolérance religieuse des Mongols, qui respectent et craignent tout ce qui est sacré, permet aux Slaves de préserver leur Église. Le clergé est exempté d'impôts, de réquisitions, de corvées[31].
Sources
Pendant longtemps, les historiens sont partis du principe que les nomades seraient des peuples sans écriture, donc sans chronique ni histoire ni mémoire. On se basait donc surtout sur des sources issues des peuples sédentaires soumis pour faire l'histoire de cet état[3],[4].
En réalité, il existe de nombreux documents de chancellerie et administratifs produits par les nomades, en langue mongole ou locale, car les mongols utilisaient l'écrit dans leur administration dès l'époque de Genghis Khan. On retrouve également des monnaies, des objets et des tombes d'époque[3],[4].
À ceci s'ajoute le problème que les recherches débutent réellement dans les années 1990, lorsque les restrictions idéologiques imposées par l'Union des républiques socialistes soviétiques cessent. Cette restriction prenait racine dans une résolution adoptée en 1944 qui interdisait les études sur l'histoire de la Horde d'Or et les khanats tatars, la falsification de cette histoire servant de pivot important de la propagande soviétique. Suite à la dissolution de l'URSS en 1991 et l’indépendance de facto de la république du Tatarstan, puis aux accords de 1994 visant le partage des pouvoirs entre Kazan et Moscou, des recherches à grande échelle débutent[33]. L'historiographie moderne doit également déconstruire l'historiographie nationaliste russe qui définit la Horde d'Or uniquement sous le prisme de l'Empire mongol[34].
1282 : les Mongols attaquent Vladimir et Pereslavl-Zalesski.
1283 : les Mongols pillent Rylsk, Lipetsk, Koursk et Vorgol.
1285 : le chef militaire des Mongols Eltoray, le fils de Temir, pillent Riazan et Mourom.
1293 : le chef militaire des Mongols Dyuden vient en Russie et pille quatorze villes, Mourom, Moscou, Kolomna, Vladimir, Souzdal, Iouriev-Polski, Pereslavl-Zalesski, Mojaïsk, Volokolamsk, Dmitrov, Ouglitch. Pendant le même été, le fils du Khan Takhtamir pille la principauté de Tver et capture des esclaves dans la principauté de Vladimir.
1307, 1315, 1317, 1318, 1322 : expéditions de pillage de la Horde d'or dans les principautés de Riazan, de Tver, de Kostroma, de Iaroslavl.
1327 : incursion punitive de la Horde d'or dans la principauté de Tver.
1358, 1365, 1373 : les Tatars attaquent la principauté de Riazan.
1375, 1377, 1378 : les Tatars attaquent la région limitrophe de la principauté de Nijni Novgorod.
1382 : Khan Tokhtamych brûle complètement Moscou, des dizaines de milliers de Moscovites périssent.
1408 : les Tatars pillent Serpoukhov, les alentours de Moscou, Pereïaslavl, Rostov, Iouriev, Dmitrov, Nijni Novgorod, Galitch.
1410 : les Tatars détruisent Vladimir.
1449, 1451, 1455, 1459 : les Tatars pillent les alentours de Moscou
Pendant la période de 1395 à 1419 la Horde Blanche (Kiptchak oriental) fut entièrement contrôlée par Edigu, khan des Nogaïs, qui joua jusqu'à sa mort exactement le même rôle que son parent Mamaï dans le Kiptchak occidental pendant la période de 1361 à 1378.
Notes et références
↑En mongol : ᠠᠯᠲᠠᠨ ᠣᠷᠳᠤ ᠶᠢᠨ ᠤᠯᠤᠰ, mongol cyrillique : Алтан Ордин Улс, translittération latine : Altan Ordin Uls, littéralement : pays de la Horde d'or, également appelé en mongol, ᠠᠯᠲᠠᠨ ᠣᠷᠳᠤ, en mongol cyrillique : Алтан Орд, Horde d'or, en turc : Altın Ordu.
↑ a et bCédric Gras, L'hiver aux trousses : Voyage en Russie d'Extrême-Orient, Paris, Gallimard, coll. « folio », (1re éd. février 2016), 267 p. (ISBN978-2-07-046794-5), « Premier automne »
↑Notamment Marco Polo : « Tatars du ponent », Tatars signifiant alors Mongols ; « Tarteri di Ponente » en italien.
↑S'agissant d'un mot manifestement non français, la mise au pluriel ne peut pas se faire en ajoutant un « s ».
↑(ru) Yu. E. Pyrsov, Catalogue of the Juchid Coins of the Saratov Regional Museum of Local Lore, Kazan, Kazan State University Press, 2002, # 1 et suiv.
M. Favereau, J. Raymond. La Horde d'or : Les héritiers de Gengis Khan, Édition de la Flandonnière , 2014, 240 p. (ISBN2918098167 et 978-2918098164)
Marie Favereau. La Horde d'Or et l'islamisation des steppes eurasiatiques, Édition Publications de L'Université de Provence, 2018, 320 p. (ISBN9791032001820)
(en) John Andrew Boyle (traducteur), Genghis Khan : The History of the World Conqueror d'ʻAlāʼ al-Dīn ʻAṭā Malik Juvaynī, Manchester University Press, 1997, disponible en ligne sur le site Google Books
Iaroslav Lebedynsky. La Horde d'Or : Conquête mongole et "joug tatar" en Europe 1236-1502, Édition Errance, 2013, 250 p. (ISBN978-2877725408)
Kabilek Daniarov. Histoire de l'oulous de Djötchi et de la Horde d'Or: Aux sources du peuple kazakh, Édition L'Harmattan, 2018, 258 p. (ISBN978-2343139869)
Ilnur Mirgalyev, The Golden Horde in world history, Sh. Marjani Institute of History of the Tatarstan Academy of Sciences, coll. « Tartaria Magna », (ISBN978-5-94981-254-9).