Le mot instrumentum désigne en archéologie et en histoire l'ensemble du « petit mobilier » fonctionnel, destiné aux activités artisanales, aux soins du corps, ou encore aux rites religieux. Cette catégorie recouvre un vaste ensemble d'objets réalisés dans des matériaux divers : os, fer, bronze, métaux précieux, ivoire, verre, etc., découverts pour la plupart lors de fouilles archéologiques. Le terme est particulièrement employé pour le monde romain antique et l'époque médiévale, mais peut s'appliquer à l'ensemble des aires chrono-culturelles documentées par l'archéologie de terrain.
Caractéristiques et définition
Les éléments archéologiques qui constituent l'instrumentum sont des pièces de petite taille, utilisées dans la « vie quotidienne ». Ces objets peuvent être issus d'un contexte archéologique de type funéraire, domestique, votif, agricole ou encore artisanal. Ce petit mobilier englobe l'ensemble des pièces de la vie quotidienne[1],[2],[3],[4],[5].
Pour Michel Feugère, l'instrumentum, ou « petit mobilier », se compose d'objets variés, fabriqués en métal, tels que des pièces de monnaie ou des fibules, ces objets pouvant être également confectionnés en verre, en bois ou tout type de matériau[1],[2],[3],[5]. Néanmoins, les pièces de vaissellerie fabriquées en céramique ne sont pas considérées comme appartenant à l'instrumentum[1],[2],[3],[5]. L'archéologue Stéphane Carrara apporte une nuance, puisque selon lui, « la définition de ces petits objets s’entend au sens large et regroupe tout le mobilier archéologique à l’exception de la vaisselle en terre cuite ou en verre, et des monnaies. Il peut s’agir d’objets ou de fragments d’objets en métal (fer, or, argent et tous les types d’alliages cuivreux), en os, en verre, en céramique ou en pierre, mais également des traces liées à leur fabrication : ébauches, chutes et rebuts de production. »[4].
Les archéologues distinguent traditionnellement l'étude de l'instrumentum de celle des militariæ, laquelle s'attache à analyser les pièces liées à la pratique militaire et à la guerre, soit les armements et équipements offensifs ou défensifs. Toutefois, le classement fonctionnel (classification des petits objets selon leurs usages ou fonctions) établi au centre de recherche de Bibracte, et plus récemment celui proposé au début des années 2010, ont déterminé que les objets à destination militaire, regroupés au sein d'une même catégorie, sont inclus dans l'instrumentum[6].
Quelques exemples d'objets appartenant à un instrumentum
De manière globale, pour Stéphane Carrara, l'étude du petit mobilier permet non seulement d'identifier et de caractériser les activités présentes sur un site, et donc d'en déduire une fonction (par exemple, la présence de nombreux outils liés à la culture, aux labours, aux moissons, au traitement des récoltes, permet d'indiquer la vocation d'établissement agricole d'un édifice, indépendamment de son contexte géographique rural et de son architecture), mais induit également une approche anthropologique du lieu fouillé, en permettant d'étudier la relation des individus au corps, aux soins qui lui est fait, à l'usage de cosmétiques[4].
L'étude de l'instrumentum comme champ à part de l'étude du mobilier est assez récente, et trouve son origine au début des années 1990[7]. Auparavant, l'étude de la vie quotidienne passait principalement par la céramologie (par le biais de grandes typologies établies par Hans Dragendorff au début du XXe siècle par exemple pour la céramique sigillée romaine), discipline étudiant la vaisselle en céramique, pour s'intéresser à la consommation alimentaire, au stockage des denrées. À la différence de la céramologie, qui s'attache à analyser des objets d'une zone chrono-culturelle donnée, l'étude du mobilier de type instrumentum est liée à une période précise[8], et à des contextes à plus petite échelle.
L'analyse du petit mobilier comporte 5 étapes :
une phase d'inventaire général du mobilier mis au jour sur le site, et de restauration-conservation préventive des objets, permettant d'identifier les grandes zones de concentration du petit mobilier.
l'identification des structures au sein desquelles ont été exhumés l'instrumentum, cette séquence d'étude faisant intervenir les études spécialistes, notamment archéozoologiques, anthropologiques ou encore céramologiques. La caractérisation des secteurs de découverte de l'instrumentum permet de distinguer les espaces domestiques, artisanaux, en fonction de la cohérence de l'assemblage du mobilier.
l'établissement des principaux problèmes posés par l'ensemble des données recueillies, tels que la position de découverte (primaire ou secondaire) ; les utilisateurs des objets ; la fonction précise des objets ; la durée d'utilisation du petit mobilier ; les assemblages identifiables (parure de toilette, « boite à outils agricoles », etc.)
L'approfondissement de ces problématiques choisies par le directeur des fouilles[9].
Dans la pratique, l'ensemble de cette analyse peut s'articuler autour de 4 axes de recherche, autrement dit la provenance de l'artefact, axe qui met en jeu l'identification de l'unité de production des objets (autrement dit l'atelier) ; la détermination du faciès archéologique des pièces ; l'établissement de « marqueurs » de type militaire ou civil, via l'appui de sources historiques ; la mise en évidence de la destination et de l'utilisation des objets[5].
Classement fonctionnel
Le premier classement fonctionnel archéologique a été établi au centre de recherche de Lattaravia un système de gestion informatique[10],[11],[12]. Cette première approche d'exploitation méthodologique des données recueillies, dénommée « Syslat » a été élaborée par Michel Py et fait l'objet d'une publication en 1997[10],[11],[12]. Le système est, entre autres, constitué d'un module intitulé « OBJ » qui est entièrement consacré au petit mobilier[13]. Ce module permet de répertorier les objets au sein de 5 catégories distinctes : le domaine propre à l'individu ; le domaine lié à l'habitat ; le domaine domestique qui est associé à l'environnement ; domaine des échanges commerciaux et enfin le domaine regroupant les objets associés aux activités socio-culturelles[13].
Ultérieurement conçu, le système d'exploitation dit de « Bibracte », permet de classer l'instrumentum en croisant les données relatives au(x) matériau(x) constituant la pièce archéologique et celles relatives à sa fonction[14].
Un nouveau type de classement du petit mobilier a été établie au début des années 2010[6] :
Exploitation du sol, élevage, outils agropastoraux
Production de nourriture, entretien des surfaces araires et du cheptel (parckage, etc.).
Chasse et pèche
Objets non-militaires destinés à la chasse et à la pèche
Subvenir aux besoins alimentaires
Production artisanal
Extraction et transformation des matières premières, confection : résidus de matériaux (d'origine minérale ou organique) ; instrument et outil destinés à l'artisanat
« Extraire, transformer et fabriquer »
Autres types de productions
Objets destinés à la production identifiés mais ne pouvant être classés uniquement au sein de la sphère agropastorale, ou artisanale
« Extraire, transformer et fabriquer »
Activité culinaire
Objets et instruments destinés aux préparations culinaires et à leurs consommation, autrement dit la vaissellerie, les objets de stockage des denrées
Préparation, cuisson, conservation et consommation.
Éclairage et chauffage
Pièces associées à la production de chaleur et de lumière
: document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.
Bérangère Fort et Nicolas Tisserand (dir.), Le mobilier métallique et l'instrumentum. Approches méthodologiques, Les Nouvelles de l'Archéologie, (ISBN978-2-7351-1633-1, ISSN2425-1941, lire en ligne).
Aline Briand, Émilie Dubreucq, Aurélie Ducreuxet al., « Le classement fonctionnel des mobiliers d’instrumentum », Les nouvelles de l'archéologie, no 131, (DOI10.4000/nda.1764, lire en ligne, consulté le ).
Amélie Berthon, Karine Chanson-Bertolio, Michel Feugère et Jenny Kaurin, « Projet de charte pour l’étude des objets archéologiques », Les nouvelles de l'archéologie, no 131, (DOI10.4000/nda.1748, lire en ligne, consulté le ).
Luc Leconte, Mathias Higelin, Dorothée Lusson et Vanina Susini, « Cahier technique pour la prise en compte et l’étude de l’instrumentum », Les nouvelles de l'archéologie, no 131, (DOI10.4000/nda.1753, lire en ligne, consulté le ).
Franck Abert, Vincent Legros, Mathieu Linlaudet al., « Modes de représentation des objets archéologiques non céramiques », Les nouvelles de l'archéologie, no 131, (DOI10.4000/nda.1771, lire en ligne, consulté le )
Matthieu Demierre, Émilie Dubreucq, Benjamin Girardet al., « La quantification des mobiliers d’instrumentum », Les nouvelles de l'archéologie, no 131, (DOI10.4000/nda.1759, lire en ligne, consulté le )
Stéphanie Raux, « Étude de l’instrumentum du site de l’Auditorium à Bordeaux », Les nouvelles de l'archéologie, no 131, (DOI10.4000/nda.1796, lire en ligne, consulté le )