Il participe à la création de la section de biologie au Palais de la découverte en 1936, puis fonde à Ville-d'Avray son propre laboratoire indépendant : la fortune familiale lui permet de se tenir à l'écart des structures universitaires, qu'il juge trop contraignantes. Très intéressé par les origines de la vie, il étudie la biologie des batraciens (grenouilles, crapauds, tritons et autres), la parthénogenèse, l'action du froid sur les œufs, et promeut de multiples recherches sur l'hérédité[2].
Jean Rostand commence par publier quelques essais philosophiques, puis partage son temps entre son métier de chercheur et une très abondante production scientifique et littéraire. Avec conviction et enthousiasme, il s'efforce de vulgariser la biologie auprès d'un large public (il reçoit en 1959 le prix Kalinga de vulgarisation scientifique) et d'alerter l'opinion sur la gravité des problèmes humains qu'elle pose. Considérant la biologie comme devant être porteuse d'une morale, il met en garde contre les dangers qui menacent les humains lorsqu'ils jouent aux apprentis sorciers, comme les tenants de l'eugénisme.
Toutefois, Rostand soutient une forme d'« eugénisme positif », approuvant certains écrits d'Alexis Carrel et la stérilisation des personnes atteintes de certaines formes graves de maladies mentales, ce qui fut rapproché, après la guerre, de la loi nazie de 1933, et lui fut reproché[3] dans un contexte où l'eugénisme était une idéologie encore répandue, avec des auteurs comme Julian Huxley, premier directeur de l'UNESCO (1946-1948).
En 1954 cependant il écrit dans les Pensées d'un biologiste que « Tout ce que nous pouvons pour nos enfants, c’est de bien choisir leur mère ». Homme de science, biologiste, pamphlétaire, moraliste, Jean Rostand est aussi pacifiste. Également féministe, il contribuera avec Simone de Beauvoir, Christiane Rochefort et quelques autres, à créer le mouvement féministe Choisir la cause des femmes.
En 1962 il crée avec Pierre Darré le centre de recherches qui porte aujourd'hui son nom à Pouydesseaux dans les Hautes-Landes. Ce terrain et les laboratoires qui y ont été installés abritent les « étangs à monstres » où Rostand effectua une partie importante de ses recherches sur les anomalies des batraciens entre 1962 et 1975. Il met en évidence les divers agents biologiques (micro-organismes, virus) ou chimiques (substances pesticides) responsables des malformations chez les amphibiens[4].
Une de ses citations restera à travers le temps : « La science a fait de nous des dieux, avant même que nous méritions d'être des hommes. »
Jean Rostand entre à l'Académie française en 1959 et continue ses campagnes d'information lors de conférences, à la radio ou à la télévision.
Installé depuis 1922 à Ville-d'Avray, dans la demeure qu'avait occupée Valtesse de La Bigne, il y vit jusqu'à sa mort en 1977. Il est inhumé dans le cimetière de Ville-d'Avray[14].
Hommages
Outre le centre de recherches « Jean Rostand » de Pouydesseaux, de très nombreuses écoles maternelles, élémentaires (primaires), des collèges et des lycées en France portent aujourd'hui son nom.
Statuaire : le seul portait sculpté que l'on connaisse de Jean Rostand est un bronze de 1959 du sculpteur Georges Boulogne (1926-1992), intitulé Hommage de Saint-Germain à Jean Rostand. Il se trouve à Saint-Germain (Vienne), dans un square de la cité du Clos-de-l'Écu. La justification de cet emplacement reste actuellement obscure, car Jean Rostand n'avait aucune attache avec le Poitou, le département de la Vienne, ni cette commune. On ignore ce qui a poussé un ancien conseiller général de la Vienne, M. Fernand Chaussebourg, à œuvrer pour l'érection de cette sculpture dans cette commune en 1972. Georges Boulogne a modelé ce portrait fin 1958 dans la maison de Jean Rostand à Ville-d'Avray. En passant par l'étape du moulage en plâtre, conservé par le Musée du plâtre, un seul exemplaire semble avoir été réalisé en bronze dans la fonderie Susse à la suite d'une commande de l’État. Il semblerait que ce soit cet exemplaire qui est à Saint-Germain[15].
Famille
Marié à sa cousine germaine, la sculptrice Andrée Mante (1892-1980), fille de l'industriel Louis Mante et de Juliette Mante-Rostand, Jean Rostand eut un fils, François Rostand (1921-2003), mort sans descendance.
Pensées d'un biologiste (Paris, Delamain et Boutelleau, 1939) (nvelle éd. Stock, 1954 ; rééd. poche J'ai Lu, 1973)
Nouvelles pensées d'un biologiste (Paris, Stock, 1947)
Notes d'un biologiste (Les Pharmaciens bibliophiles, 1954), livre avec gravures au burin par Albert Flocon et accompagné du menu du en l'Hôtel Lutetia.
Œuvre scientifique
Les Chromosomes, artisans de l'hérédité et du sexe (Paris, Hachette, 1928)
La Formation de l'être. Histoire des idées sur la génération (Paris, Hachette, 1930)
De la mouche à l'homme (Paris, Fasquelle, 1930)
L'état présent du transformisme (Paris, Stock, 1931)
L'Évolution des espèces. Histoire des idées transformistes (Paris, Hachette, 1932) [réédition à l'identique attestée en 1948]
Les Problèmes de l'hérédité et du sexe (Paris, Rieder, 1933)
En collaboration avec Augustin Boutaric et Pierre Sergescu : Les Sciences. Les sciences mathématiques, les sciences biologiques, les sciences physico-chimiques, (Paris, Denoël, 1933)
La Vie des libellules (Paris, Stock, 1935)
Insectes (Paris, Flammarion, 1936)
En collaboration avec Lucien Cuénot : Introduction à la génétique (Paris, Tournier et Constans, 1936)
La Nouvelle Biologie (Paris, Fasquelle, 1937)
La Parthénogenèse des vertébrés (Paris, Hermann, 1938)
L'homme. Introduction à l'étude de la biologie humaine (Paris, Gallimard, coll. L'avenir de la science, 1941) [rééd. Gallimard Idées, 1962, sous le titre L'homme avec un appendice de l'auteur]
Les Idées nouvelles de la génétique (Paris, P.U.F., 1941)
L'Homme, maître de la vie (Paris, Poulet-Malassis, 1941)
L'Homme de l'an 2000 (Paris, Société parisienne d'imprimerie, 1956)
Science fausse et fausses sciences (Paris, Gallimard, 1958)
Aux sources de la biologie (Paris, Gallimard, 1958)
Bestiaire d'amour (Paris, Gallimard, 1958)
Anomalies des Amphibiens anoures(Paris, Sedes, 1958)
Carnet d'un biologiste (Paris, Stock, 1959)
Les Origines de la biologie expérimentale (Paris, Poulet-Malassis, 1959)
Espoir et Inquiétudes de l'homme (Paris, Club du Meilleur Livre, 1959)
Discours de réception de Jean Rostand à l'Académie française et Réponse de Jules Romains (Paris, Gallimard, 1959)
L'Évolution (Paris, Robert Delpine, 1960)
La Biologie et les Problèmes humains (Paris, Cercle parisien de la Ligue Française de l'Enseignement, 1960)
La Biologie inventrice (Paris, Éditions du Palais de la Découverte, 1961)
Aux Frontières du surhumain (Paris, UGE 10/18, 1962)
Avec Andrée Tétry : La Vie (Paris, Larousse, 1962)
Le Droit d'être naturaliste (Paris, Stock, 1963)
Biologie et Humanisme (Paris, Gallimard, 1964)
Hommes d'autrefois et d'aujourd'hui (Paris, Gallimard, 1966)
Maternité et Biologie (Paris, Gallimard, 1966)
Inquiétudes d'un biologiste (Paris, Gallimard, 1967)
Le Courrier d'un biologiste (Paris, Gallimard, 1970)
Quelques discours (1964-1970) (Paris, Club humaniste, 1970)
Les Étangs à monstres. Histoire d'une recherche (1947-1970) (Paris, Stock, 1971)
Avec Andrée Tétry : L'Homme. Initiation à la biologie (Paris, Larousse, 1972)
Entretiens avec Eric Laurent (Paris, Stock, 1975)
Discographie
Un cri d'Indignation et d'espoir, discours prononcé par M. Jean Rostand, président du Mouvement contre l'armement atomique, le , disque 33 tours (Paris, MCAA, 1967)
↑Tirage limité à 200 exemplaires et 20 contenant une suite sur Japon blanc de l'état définitif des gravures d'Albert Flocon.
Voir aussi
Bibliographie
Denise Bourdet, Jean Rostand, dans : Brèves rencontres, Paris, Grasset, 1963.
Denis Buican, Jean Rostand. Le patriarche iconoclaste de Ville-d'Avray, Paris, Kimé, 1994.
Albert Delaunay, Jean Rostand, Paris, Éditions universitaires, 1956.
Alain Dubois, Jean Rostand, un biologiste contre le nucléaire, Paris, Berg International, 2012.
Fischer Jean-Louis, Rostand, un biologiste engagé, Pour la Science, Les Génies de la Science, no 7, mai-, 97 p.
Fischer Jean-Louis, Jean Rostand (1894-1977), quand l'humanisme et le moraliste interrogent l’œuf de grenouille, in Biologistes et naturalistes français du XXe siècle, sous la direction de Daniel Girard, Paris, Hermann, 2012, p. 487-511.
Fischer Jean-Louis, Les Rostand et la grande guerre (1914-1918), l'engagement littéraire et militant des années 1915 aux années 1930, éd.Théolib, collection Résistance, 2014, 158 p.
Odette Lutgen, De père en fils. Edmond Rostand, Jean Rostand : psychobiographie, Paris, La Palatine, 1965.
Marcel Migeo, Les Rostand, Paris, Stock, 1973.
Jacques Testart, Des grenouilles et des hommes. Conversations avec Jean Rostand, Paris, Le Seuil, "Points", 2000.
Andrée Tétry, Jean Rostand, prophète clairvoyant et fraternel, Paris, Gallimard, 1983.
Andrée Tétry, Jean Rostand, un homme du futur, Paris, La Manufacture, 1990.
Michel Forrier, "Pierre Darré Mon Maître, mon Ami Jean Rostand", Orthez, éditions Gascogne, 2020.
En 2020, Thomas Sertillanges publie "Edmond Rostand, les couleurs du panache" (Atlantica), la première biographie illustrée du poète, 580 pages et 500 illustrations, dans lequel un chapitre est consacré à Jean Rostand.