Née le à New York, Joanna Russ grandit dans le Bronx dans une famille juive ashkénaze[1],[2]. Ses parents, Evarett Russ et Bertha Zinner enseignent à l'université[3].
Elle commence à écrire dès son enfance, de manière prolifique, que ce soient des poèmes, des bandes dessinées, des histoires ou des illustrations[3]. Elle remplit d'innombrables carnets de notes qu'elle relie parfois à la main[4].
En tant qu'universitaire, elle est connue pour son étude de Willa Cather, qui évoque l'homosexualité de cette dernière, un sujet longtemps resté tabou[5],[9].
Carrière littéraire
Tout en enseignant la littérature anglaise dans diverses universités, elle écrit et publie des nouvelles et des romans. En 1959, la première histoire de Joanna Russ, Nor Custom Stale, est publiée dans The Magazine of Fantasy & Science Fiction alors qu'elle étudie encore le théâtre à l'université Yale. Elle consacre dès lors son écriture à la science-fiction[5].
En 1968 elle publie Pique-nique au Paradis (1968), puis L'Autre Moitié de l'homme (The Female Man, 1975)[10], Alyx (1976), We Who Are About to (1977), Des gens (extra) ordinaires (1983), The Hidden Side of the Moon (1987). Lorsque tout changea, une nouvelle qui annonce les thèmes féministes de L'Autre Moitié de l'homme, obtient un prix Nebula en 1972[11]. Les deux textes se déroulent dans l'univers de Lointemps, un monde dépourvu d'ĥommes, où les femmes se reproduisent en fusionnant leurs ovules[11].
Outre la rédaction de romans et nouvelles, elle a également une activité de critique littéraire de science-fiction en abordant cette question d'un point de vue féministe[12]. Elle est ainsi l'autrice de nombreux autres essais, comme How to Suppress Women's Writing ou Magic Mommas, Trembling Sisters, Puritans and Perverts. Elle écrit également de nombreux articles théoriques et critiques sur la science-fiction, partiellement rassemblés dans To Write Like a Woman: Essays in Feminism and Science-Fiction (1995). Elle est notamment connue pour ses études sur Willa Cather invoquant son lesbianisme[5]. « Ses essais et livres de non-fiction étaient souvent polémiques mais toujours raisonnés et savants. Les lire parallèlement à sa fiction, c'est avoir un aperçu de la profonde intelligence et de la personnalité remarquable de Russ, mais aussi prendre nerveusement conscience de son étonnante colère littéraire », écrit en 2011 le journaliste Christopher Priest dans The Guardian[3].
Elle écrit aussi un livre pour enfants paru en 1978 : A Tale of Magic[3].
Joanna Russ se sait lesbienne depuis son plus jeune âge mais elle met un certain temps à accepter puis à revendiquer sa sexualité. Elle a d'ailleurs été mariée à un homme[5].
En avril 2011, elle subit une série d'accidents vasculaires cérébraux et demande à ne pas être réanimée en cas de prochain accident vasculaire cérébral[3].
Le , à l'âge de 74 ans, elle meurt à Tucson, dans l'Arizona, des suites d'un accident vasculaire cérébral[3],[5].
Féminisme
Joanna Russ est considérée comme une féministe radicale. Elle affiche ouvertement son lesbianisme. Ses préoccupations féministes commencent à la fin des années 1960, avec la publication de ses histoires sur Alyx[3].
En 1974, l'éditeur du fanzine Khatru, Jeffrey Smith, invite des auteurs de science-fiction à participer à une série de discussions sur la place des femmes dans ce genre littéraire[14]. Samuel R. Delany et James Tiptree Jr sont sollicités, sur suggestion de Joanna Russ[15], pour donner leur opinion en tant qu'« hommes » sur la question[16].
Dès 1975, Joanna Russ entame une réflexion sur la place des femmes en science-fiction, avec l'ambition de cartographier leurs contributions et de définir ce que pourrait être une science-fiction féministe. Elle débute cette entreprise par un essai sur la bataille des sexes en science-fiction qui fait date, intitulé : Amor Vincit Foeminam: The Battle of the Sexes in Science Fiction. Elle y analyse les différentes positions prises par les auteurs de science-fiction sur ce trope récurrent et son implication pour la participation des femmes en science-fiction[17],[18],[19]. Cet essai influence Justine Larbalestier à publier une thèse puis un livre sur le sujet[18],[19]. Kameron Hurley évoque en 2016 l'importance de cet essai et de son autrice pour la science-fiction féministe dans son livre The Geek Feminist Revolution dans le chapitre I'll Make the Pancakes : On Opting in-and out of the writing game[20].
Certains critiques la trouvent trop polémique mais la plupart sont positives et soulignent son style de prose, son humour, son intelligence et son approche novatrice de la fiction[5].
En 1983, dans le New York Times, Gerald Jonas classe Joanna Russ « parmi le petit groupe de stylistes accomplis de la science-fiction »[5].
Joanna Russ a fait l’objet de nombreuses études critiques, notamment celles recueillies dans On Joanna Russ, édité par Farah Mendlesohn et publié en 2009 par Wesleyan University Press[5],[21].
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↑ abcdefghijkl et m(en-US) Margalit Fox, « Joanna Russ, Who Drew Women to Sci-Fi, Dies at 74 », The New York Times, (ISSN0362-4331, lire en ligne, consulté le )
↑(en) Joanna Russ, « To Write ”Like a Woman”:: Transformations of Identity in the Work of Willa Cather », Journal of Homosexuality, vol. 12, nos 3-4, , p. 77–86 (ISSN0091-8369 et 1540-3602, DOI10.1300/J082v12n03_07, lire en ligne, consulté le )
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↑Alain Dorémieux, « Diagonales », Fiction, no 241, (lire en ligne)
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Farah Mendlesohn (dir.), On Joanna Russ, Wesleyan University Press, 2009
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Sylvie Bérard, « Venues, vues, vécues : entre le sujet science-fictionnel et Pauteure science-fictive », Dalhousie French Studies, vol. 47, , p. 115–132 (ISSN0711-8813, lire en ligne, consulté le ).
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Joanna Russ, Charlotte Houette et Clara Pacotte, L'exoplanète féministe de Joanna Russ: essais, lettres et archives, Cambourakis, coll. « Sorcières », (ISBN978-2-36624-823-4).
(en) Samuel Delany, « Joanna Russ and D. W. Griffith », dans Lawrence J. Trudeau (ed.), Contemporary Literary Criticism, vol. 432, Gale, , p. 188-194.
L'exoplanète féministe de Joanna Russ : Essais, lettres et archives, textes rassemblés et traduit par Clara Pacotte et Charlotte Houette, Cambourakis, 2024.