Jules HoüelJules Houël
Guillaume-Jules Hoüel, né le à Thaon et mort le à Périers-sur-le-Dan, est un mathématicien français. BiographieD’une ancienne famille protestante de Normandie, Jules Hoüel a fait ses études au lycée de Caen, puis au collège Rollin à Paris, établissement qui préparait le concours aux grands écoles, avant d’entrer, en 1843, à l’École normale supérieure, où il témoigne d'un esprit rigoureux. Il a vraisemblablement côtoyé Louis Pasteur, étant de la même promotion[1]. Agrégé de mathématiques en 1847, il professe successivement dans les lycées de Bourges (1846-1847), Bordeaux (1847-1849), Pau (1849-1851), Alençon (1851-1855) et Caen (1856). Le , il soutient à la Sorbonne sa thèse en mécanique céleste intitulée « Sur l'intégration des équations différentielles dans les problèmes de mécaniques », avec pour thèse complémentaire en astronomie « Applications de la méthode de M. Hamilton aux perturbations de Jupiter ». Remarqué par Urbain Le Verrier qui lui propose de rejoindre l'Observatoire de Paris, il préfère rester en province, dans sa maison de Thaon, où il poursuit ses recherches (notamment sur les perfectionnements des tables logarithmiques). Durant cette période, il commence son activité de traducteur avec des articles du scientifique Gustav Lejeune-Dirichlet pour le Journal de mathématiques pures et appliquées. En , il succède à Victor-Amédée Le Besgue sur la chaire de mathématiques pures à la Faculté des sciences de Bordeaux où il restera jusqu'à sa retraite. De là, il travaille à ses recherches par correspondance, refusant catégoriquement d'aller à Paris, comme en témoigne cet extrait :
— Lettre adressée à Berger datée du , Bibliothèque municipale de Caen, Ms. in-4° 333, folio 37. Dès lors, Il rédige et publie ses cours et ses articles, dirige le Bulletin des sciences mathématiques, continue ses travaux de traductions, et participe activement à la vie de la Société des sciences physiques et naturelles de Bordeaux. Ses recherches et ses activités éditoriales l'amènent à créer un vaste réseau comprenant des mathématiciens de toute l'Europe avec qui il entretient des correspondances. Sa nécrologie rédigée par Gaston Darboux dans le Bulletin des sciences mathématiques témoigne d'une carrière brillante par ses productions écrites et ses recherches, bien connues de ses contemporains en France comme à l'étranger[2]. Travail scientifiqueEnseignement et principes fondamentaux de la géométrie et de la trigonométrieIl travaille à l'étude des principes fondamentaux de la géométrie et à l'enseignement de ces derniers. L’examen des traités de géométrie élémentaire existants ne le satisfont pas. Selon lui, il est nécessaire de remplacer les démonstrations indirectes par des démonstrations directes, de supprimer autant que possible les démonstrations par l’absurde et d'introduire l'idée de limite. Les axiomesHoüel propose une révision délicate des premières propositions d’Euclide. Il s'agit de distinguer d’une façon précise les axiomes d’ordre purement géométrique, de déterminer le rôle de l’expérience dans l’établissement et dans le choix de ces axiomes et enfin d'organiser un enseignement rationnel et progressif de la géométrie. Il publie en 1863 son étude dans Essai d’une exposition rationnelle des principes fondamentaux de la géométrie élémentaire[3]. Cet ouvrage est ensuite publié sous une forme plus complète en 1867 et 1885 sous le titre d’Essai critique sur les principes fondamentaux de la géométrie élémentaire, ou Commentaire sur les XXXII premières propositions d’Euclide[4]. L’existence d’un espace immobile et indéfini, où les corps peuvent être déplacés en conservant toutes leurs propriétés, est admise. La géométrie est fondée sur la notion indéfinissable et expérimentale de l’invariabilité des figures. L’idée d’invariabilité de forme émane de l’expérience. L’hypothèse de l’invariabilité de figure ne peut être assise sur des expériences susceptibles d’une approximation indéfinie et présentant une certitude objective. Celle-ci est acceptée parce qu’elle paraît plus conforme aux impressions physiologiques et qu’elle explique de la façon la plus simple les phénomènes affectant les sens. Hoüel prend alors pour base les axiomes suivants :
Il établit ces axiomes en faisant appel à l’expérience et en introduisant l’idée du mouvement, abstraction faite du temps employé à l’accomplir, c’est-à-dire l’idée de mouvement géométrique. L’idée de mouvement n’est pas plus complexe que celle de grandeur et d’étendue et c’est à la notion de mouvement qu’on doit l’idée de grandeur. Hoüel discute la 20e proposition d’Euclide selon laquelle la ligne droite est le plus court chemin d’un point à un autre, proposition que de nombreux auteurs ont choisie comme définition de la ligne droite. Quoique cette vérité puisse être considérée comme une vérité d’expérience, elle est, au point de vue géométrique, assez complexe. Euclide démontre, au lieu de l’admettre, cette proposition qui comprend l’idée de grandeur et de comparaison de la ligne droite à tous les chemins possibles. Hoüel travaille alors à plusieurs reprises sur la définition de la longueur d’une courbe et y introduit les notions de limite et d’infiniment petit. Le quatrième axiome qu’emploie Hoüel correspond au XIe axiome d'Euclide (dit Postulatum d'Euclide) :
Les Tables numériquesHoüel consacre une part de son travail à la construction des tables numériques et à leurs perfectionnements. Il effectue des travaux de correction et d'enrichissement aidé par l'ingénieur Pierre Alexandre Francisce Lefort. Ils publient leurs corrections dans Les Nouvelles Annales de Mathématiques[6], notamment celles contenues dans la dernière partie de la Table des logarithmes des nombres de Callet, erreurs constatées par collation de la Table de Callet sur les grandes tables du Cadastre. Tables numériques à cinq décimalesFondées sur les tables de Joseph Jérôme Lefrançois de Lalande, les tables numériques de Hoüel permettent de fournir le logarithme d’un nombre ou le nombre correspondant à un logarithme, avec cinq décimales exactes et de faire connaître à cinq secondes près un arc donné par le logarithme de son sinus. Elles comprennent les logarithmes de 1 à 10 000 ainsi que les logarithmes des sinus, cosinus, tangentes et cotangentes de 0 à 45°. Hoüel ajoute aux tables de Joseph Jérôme Lefrançois de Lalande une table de logarithmes d’addition et de soustraction. Il s'agit d'une table destinée à faciliter la recherche du logarithme de la somme ou de la différence de deux nombres connus seulement par leurs logarithmes. Les tables d’addition et de soustraction servent à résoudre simplement ce problème - étant donnés log m et log n, trouver log (m n) -, elles donnent en outre une solution plus approchée. Hoüel adopte la séparation bien que ses tables fussent à simple entrée et il améliore la disposition de Zech en prenant le nombre C pour argument de la seconde table, dont il diminue l’étendue, sans restreindre le degré d’approximation qu’elle doit fournir. En 1866, Hoüel publie en complément de ses tables à cinq décimales, son Recueil de formules et de Tables numériques qui est ensuite republié à deux reprises notamment en 1901[7] Détermination de logarithme à très grand nombre de décimalesTout comme Henry Briggs, Hoüel travaille et publie des tables sur la détermination des logarithmes contenant un nombre important de décimales. Dans son article « Sur une simplification apportée par M. F. Burnier à la méthode de Flower pour l’usage des Tables de Logarithmes abrégées », paru en 1870 dans la revue Mémoires de la Société des Sciences physiques et naturelles de Bordeaux[8], Il donne un exemple d’une table de cette nature (empruntée à au mathématicien et physicien autrichien Anton Steinhauser le Jeune (1842–1898)) et en explique l’usage. Le problème à résoudre est double. Il s’agit de déterminer le logarithme d’un nombre donné ou bien le nombre correspondant à un logarithme donné. La première question est résolue en 1771 par Flower et Hoüel l’applique à log .Burnier simplifie cette méthode et Hoüel donne un exemple numérique de la forme nouvelle alors obtenue. Dans son Introduction sur la disposition et l’usage de ces tables, Hoüel appuie d’une façon plus particulière sur les fonctions hyperboliques de Lambert, sur les fonctions elliptiques et sur leurs applications. Unité de mesureSa note IV « Sur l’unité angulaire », de l’Essai de Greifswald de 1863, est relative à cette question. Hoüel montre l’avantage que présente le choix du quadrant comme unité d’angle et la division décimale appliquée à celle unité pour le calculateur. Il précise qu'il est nécessaire de construire une série de tables trigonométriques, à un plus ou moins grand nombre de décimales, suivant cette division, si une telle mesure est adoptée. Hoüel expose ses vues théoriques et les met en pratique. Il publie des tables pour la réduction du temps en parties décimales du jour. Il rédige une note Sur le choix de l'unité angulaire qui est lue devant l’Académie des sciences par M.d'Abbadie en 1870[9]. Hoüel reprend le travail de l'Allemand Ludwig Schrön (de) sur les tables de logarithmes et les tables de proportion. Il effectue leur traduction et y adjoint ses propres travaux de disposition matérielle des tables et d'ajout d’une table de nombres usuels avec leurs logarithmes. Les fondements du calcul infinitésimalHoüel étudie les fondements du calcul infinitésimal en lien avec les enseignements qu'il produit à la faculté des sciences de Bordeaux. En 1871, il publie ses cours sous forme autographiée avant qu'ils ne soient typographiés sous le titre de Théorie élémentaire des quantités complexes (Composé de 4 volumes : I-Algèbre des quantités complexes (1867)[10], II-Théorie des fonctions uniformes (1868)[11], III-Théorie des fonctions multiformes (1869) et IV-Théorie des quaternions (1873)[12]). Hoüel en reprend le contenu dans son Cours de calcul infinitésimal (1878-1881) qui est publié sous différentes formes.
Dans son introduction, Hoüel s’occupe tout d’abord des principes généraux du calcul des opérations considérées au point de vue le plus abstrait et en ayant égard uniquement à leurs propriétés combinatoires. Elles sont indépendantes de leur nature intrinsèque et de celle des quantités qui leur sont soumises. Ces notions servent de base à l’étude du calcul infinitésimal. Hoüel se penche sur ces questions dans son ouvrage Théorie élémentaire des quantités complexes (IV, Introduction aux Quaternions)[12], pour y revenir encore dans Considérations élémentaires sur la généralisation successive de l'idée de quantité dans l'analyse mathématique en 1883. Considérant le Calcul des Opérations au point de vue des applications auxquelles il conduit, Hoüel adopte la méthode de Hermann Hankel tout en conservant les notations de Hermann Günther Grassmann. Elles ont l’avantage de se prêter facilement à la généralisation, parce leurs formes ne rappellent aucune des notations usuelles et qu'elles permettent de conserver la disposition habituelle des calculs. Quantités négatives et des quantités imaginairesCette théorie des quantités négatives et des quantités imaginaires est étudiée par plusieurs mathématiciens tel-que William Rowan Hamilton, de Hermann Günther Grassmann et Hermann Günther Grassmann mais sans démonstrations. En parallèle de ces chercheurs, Hoüel a la notion du principe de permanence des règles de calcul. Il reconnait l’impossibilité d’étendre les règles de calcul admises pour les quantités arithmétiques à toute autre quantité que les quantités négatives et complexes. Hoüel permet la diffusion en France du livre de Jean-Robert Argand Sur une manière de représenter les quantités imaginaires dans les constructions géométriques[13] à qui l’on doit une des premières interprétations géométriques des quantités complexes. Il le traduit et le publie, précédé d’une notice sur l’auteur. Autres travauxÀ la fois traducteur, mathématicien, chercheur, Hoüel participe à de nombreux projets. Il agit activement à la diffusion en France de la théorie des déterminants dont l’origine remonte à Leibniz. De même, il introduit la méthode de Giusto Bellavitis connue sous le nom de calcul des équipollences qu'il publie dans les Nouvelles annales de mathématiques. Il développe l’idée de quantité complexe, formée avec deux ou avec plusieurs unités linéairement indépendantes. Elle est publiée dans Procès-Verbaux des Mémoires de la Société des Sciences physiques et naturelles de Bordeaux et dans Théorie des quantités complexes. Hoüel compile également des tables de notation et travaille sur les perturbations planétaires. Sa participation à la Société savante des Sciences physiques et naturelles de BordeauxLa société savante des Sciences physiques et naturelles de Bordeaux a été créée en 1850 (et dissoute en 1975)[14]. Jules Hoüel contribua largement à son rayonnement en tant qu'archiviste (de 1864 à 1872) et rédacteur de nombreux articles mathématiques, historiques ou traductions dans un périodique consacré appelé Mémoire de la société des sciences physiques et naturelles de Bordeaux. Grâce à ses correspondances qu'il mène avec des scientifiques du monde entier, la société de Bordeaux entretenait plus d'une centaines de contacts avec d'autres sociétés savantes du monde entier[15]. Ainsi, cette société offre un lieu d'édition et de traduction propice à Hoüel, mais aussi à la diffusion et échanges de la recherche scientifique. PublicationsQue ce soit par ses traductions, ses articles, ses ouvrages ou ses correspondances, Jules Hoüel a participé activement à l'évolution des Sciences, que ce soit en mathématiques, en géométrie ou en astronomie, ainsi qu'à la diffusion de la pensée à travers l'Europe. Toutes ses productions, que ce soit en tant que traducteur, collaborateur, éditeur ou scientifique sont référencés[a] Ouvrages
Articles
TraductionsHoüel était polyglotte, bien qu'il n'ait pas voyagé en dehors de la France. Il connaissait de nombreuses langues européennes, ce qui lui a permis tout au long de sa vie d'échanger avec les mathématiciens de tous horizons, et de traduire de nombreux articles et ouvrages, partageant alors les débats mathématiques et scientifiques de son époque.
Rôle au sein Faculté des Sciences et Techniques de BordeauxDe 1859 à 1884, Jules Hoüel enseigna l'analyse réelle et complexe à la Faculté des sciences de Bordeaux. Il était réputé en tant que pédagogue en France comme en Europe, comme l'attestent ses cours qu'il détaillait et publiait chez Gauthier-Villars. Ses cours, divisés en deux parties, sont regroupés en un seul volume dont le doyen de la faculté des Sciences M. Abria a fait don à la bibliothèque des Sciences de Bordeaux en . Cet ouvrage est numérisé sur la plateforme BabordNum[1]. Correspondances et manuscritsNombreuses ont été ses correspondances avec des mathématiciens, libraires, étudiants et professeurs de mathématiques de toute l'Europe, se constituant un vaste réseau. Une grande partie de ses correspondances est conservée à l'Académie des sciences de Paris, d'autres manuscrits à la Bibliothèque de l'Institut, à la Bibliothèque municipale de Caen et à l'Institut Mittag-Leffler à Djursholm. Philippe Henry et Philippe Nabonnand ont publié[1] l'intégralité de la correspondance entretenue avec Joseph Marie De Tilly (entre 1870 et 1885), et une partie des lettres adressées à Gaston Darboux (entre et 1875), ainsi qu'avec Victor-Amédée Le Besgue (entre 1867 et 1868). Réediteur de texteSur les questions qui l'intéressaient, Hoüel se procurait des éditions de textes devenues introuvables et les faisait rééditer. C'est le cas du traité d'Argand sur les quantités imaginaires (Jean-Robert Argand, Essai sur une manière de représenter les quantités imaginaires dans les constructions géométriques, (lire en ligne)) Le fonds Jules HoüelBibliothèque personnelleSe constituant un vaste réseau personnel de correspondants et en tant que rédacteur du Bulletin des sciences mathématiques et astronomiques et des Mémoires de la Société des sciences physiques et naturelles de Bordeaux, Jules Hoüel se crée une collection importante de publications écrites (articles, ouvrages, notes, thèses, …) de ses contemporains qui les lui adressent. Il collecte également tout au long de sa vie des ouvrages de tables de logarithmes de diverses époques (du XVIe au XIXe siècle) ainsi que des traités de géométrie et d'astronomie. Il compile, de 1823 à 1886, sur une liste, les recueils, mémoires, thèses qu'il obtient grâce à sa correspondance et qu'il conserve dans sa bibliothèque. Il tient à jour une liste de ces références dans un ouvrage Catalogue manuscrit des Mémoires scientifiques rassemblés par Jules Hoüel[16]. (Sans titre, cette liste est nommée par la faculté de Bordeaux). Le fonds Jules Hoüel à l’université de BordeauxÀ sa mort, sa famille lègue à l’université de Bordeaux les 719 ouvrages de sa bibliothèque, constituant le Fonds Hoüel. Ce fonds est actuellement conservé à la Bibliothèque Universitaire des Sciences et Techniques de l’Université de Bordeaux[17]. Afin de valoriser ce fonds, l'Université de Bordeaux a entrepris de le numériser et de le rendre accessible sur Babordnum. De même les ouvrages de sa bibliothèque, tamponnés « Bibliothèque de M. Hoüel », sont en cours de numérisation. 24 ouvrages ont été numérisés et sont présentés sur Babordnum :
Notes et référencesNotes
Références
Bibliographie
Liens externes
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