Le kinyarwanda ou l'ikinyarwanda (ou, selon des graphies datant de l'époque coloniale, kinyaruanda, voire runyarwanda) est une languebantoue parlée dans la zone interlacustre (Zone J). C'est la langue nationale du Rwanda, parlée par la totalité de la population (près de 11 millions de locuteurs), avec quelques petites variations dialectales propres à certaines régions, surtout dans le nord et dans l'ouest du pays. Cette langue est aussi parlée dans le sud de l’Ouganda, dans le nord-ouest de la Tanzanie et dans l'est de la république démocratique du Congo. Le kirundi, qui est très proche du kinyarwanda, est parlé au Burundi par 9 millions de personnes, tout comme le giha, parlé dans l'ouest de la Tanzanie par près d'un million de personnes.
Classification
Le kinyarwanda appartient à la famille des langues rwanda-urundi du groupe des langues bantoues.
Classification de Guthrie : D.61, groupe D.60
Classification Bastin/Coupé/Mann : J.61
Répartition géographique
Le kinyarwanda est parlé au Rwanda, au Bufumbira, région située dans le sud-ouest de l'Ouganda, au Masisi et Rutshuru , territoires situés dans l'est de la république démocratique du Congo, ainsi qu'au Karagwe, dans le nord-ouest de la Tanzanie.
Au Rwanda, il est parlé par pratiquement toute la population[3], soit près de 11 millions de personnes[4]. La bande dessinée Matabaro, écrite en kinyarwanda et diffusée au Rwanda depuis 1954 jusqu'aux années 1970, est une des premières bandes dessinées africaines[5].
Contrairement à certaines autres langues tonales transcrites en alphabet latin indiquant les tons dans l’orthographe, comme le vietnamien par exemple, le kinyarwanda n’utilise pas de diacritiques pour transcrire les tons ou la longueur des voyelles dans l’orthographe usuelle. Par écrit, le sens des mots se déduit à partir du contexte.
Bien que parfois écrits de la même façon, les mots peuvent être différents selon la prononciation.
Exemples :
umusambi /u.mu.sǎː.mbi/ (a modulé bas-haut) = grue couronnée, umusambi /u.mu.saː.mbi/ (a haut long) = natte ;
nagiye /na.ɡi.je/ (a bas) = je suis parti ; nagiye /ná.ɡi.je/ (a haut) = alors que j'étais parti.
Cependant, dans les ouvrages scientifiques, le ton haut peut être indiqué à l’aide de l’accent circonflexe sur la voyelle et le ton bas à l’aide de l’absence de diacritique, par exemple : umusóre (« adolescent »), umugabo (« homme ») ; la longueur de voyelle peut être indiquée en doublant la lettre de la voyelle, par exemple : gateéra, guhaaha[7].
De façon générale, les lettres sont prononcées comme suit
Lettre(s)
a
b
c
cy
d
e
f
g
h
i
j
jy
k
m
n
ny
o
p
pf
r
s
sh
shy
t
ts
u
v
w
y
z
Prononciation
a, aː
β, b
t͡ʃ
c
d
e, eː
f
ɡ, ɟ
h, ɦ
i, iː
ʒ
ɟ
k, c
m
n, ŋ
ɲ
o, oː
p
p͡f
ɾ
s
ʃ
ç
t
t͡s
u, uː
v
w
j
z
Certains digraphes et trigraphes appelés en kinyarwanda ibihekane (séquences de consonnes) ont une prononciation spécifique, que voici
Orthographe
mw
nw
nyw
pw
fw
pfw
bw
vw
tw
tsw
cw
sw
shw
dw
zw
jw
rw
my
py
ty
sy
by
ndy
ry
Prononciation
[mŋ]
[nŋw]
[ɲŋw] ou [ŋwa]
[pk]
[fk]
[p͡fk]
[bɡ]
[vɡ]
[tkw]
[t͡skw]
[t͡ʃkw]
[skw]
[ʃkw]
[dɡw]
[zɡw]
[ʒɡw]
[ɾɡw]
[mɲ]
[pc]
[tc]
[sc]
[bɟ]
[ndɟ]
[ɾɟ]
Prononciation
Des lois phonétiques imposent des variations à certaines consonnes et voyelles conjointes dans le contexte d'adjacence (affixation par exemple) :
n devient m devant b, p, f et v;
nh devient mp, nr devient nd;
deux voyelles identiques → le son s'allonge;
un contact entre deux voyelles différentes peut aboutir :
à la disparition de la première voyelle et à l'allongement de la seconde
la première voyelle peut se transformer en semi-voyelle (w ou y).
Les deux premières syllabes d'un mot sont généralement de sonorités différentes : une syllabe sonore suivie par une syllabe sourde ou inversement. Certains préfixes (voir ci-dessous) subissent donc une flexion selon le radical auquel ils sont apondus.
Les consonnes entre parenthèses sont des allophones.
Grammaire
Classes nominales
Les noms ne sont pas rangés par genre, mais par classe nominale. La classe nominale est indiquée par un préfixe dénommé "classificateur" qui précède la base lexicale. En distinguant le nombre (singulier/pluriel), la classe exprime une catégorisation plus ou moins indéterminée d’êtres ou d’objets. Seule la première classe réservée exclusivement à l'humain et la 11e classe "locative" (indiquant le lieu ou le temps) sont déterminées. Le classificateur est précédé par une voyelle appelée "augment" qui va jouer par sa présence ou son absence dans la détermination syntaxique. Comme toutes les langues bantoues, le kinyarwanda est une langue à classes par opposition aux langues indo-européennes qui ont adopté le genre. Le kinyarwanda possède 11 classes[8] chacune associant le singulier à son pluriel (à l'exception des classes 9 et 11) :
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
Augment
u-/a-
u-/i-
i-/a-
i-/a-
u-/a-
i-/i-
i-/i-
u-/i-
u-
a-/u-
a-
Classe sg
pl
-mu-
-ba-
-mu-
-mi-
-ri-
-ma-
-ø-
-ma-
-ku-
-ma-
-n-
-n-
-ki-
-bi-
-ru-
-bi-/-n-
-bu-
-ka-
-tu-/-bu-
-ha-
Certaines classes pourront servir à l’usage expressif avec des valeurs qualifiantes péjoratives ou mélioratives "petit, minuscule" (classes 9 et 10) ou "grand, gros" (classes 7 et 8) même si fondamentalement elles servent comme toutes les autres à la catégorisation :
↑Jacques Leclerc, « Rwanda », sur L’Aménagement linguistique dans le monde, (consulté le ) : « Il n’y a pas de minorité linguistique au Rwanda, car presque toute la population, soit 98 %, parle la langue nationale du pays, le kinyarwanda ».
↑Eugène Shimamungu, Nyamunini, dictionnaire bilingue et encyclopédique kinyarwanda-français, Lille, Editions Sources du Nil, , 1680 p. (ISBN978-2-919201-39-6)
↑Eugène Shimamungu, Nyamunini, Dictionnaire bilingue et encyclopédique kinyarwanda-français, langue, histoire et culture, Lille, Editions Sources du Nil, , 1680 p. (ISBN978-2-919201-39-6), p. 14
République du Rwanda, ministre des Sports et de la Culture, « Instructions du ministre no 001/2014 du 08/10/2014 régissant l’orthographe du kinyarwanda », Official Gazette, no 41 bis, (lire en ligne)
Eugène Shimamungu, Nyamunini, dictionnaire bilingue et encyclopédique kinyarwanda-français (2 tomes), Lille, Sources du Nil, , 1680 p. (ISBN978-2-919201-39-6 et 978-2-919201-40-2)
Eugène Shimamungu, Le kinyarwanda, initiation à une langue bantu, Paris, L’Harmattan, , 206 p. (ISBN2-7384-6211-1)
Eugène Shimamungu, Dictionnaire bilingue Français-Kinyarwanda - Inkoranya ndimebyiri Igifaransa-Ikinyarwanda, Lille, Sources du Nil, 2020, 400 p.
Yves Cadiou (dir.), Le kinyarwanda, études de morphosyntaxe (« Bibliothèque de l'Information grammaticale », 3), Louvain, Peeters, 1985, 165 p.
: document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.