Léon Gimpel est le plus jeune des quatre enfants d'une famille alsacienne de confession juive de Strasbourg ; sa famille s'installe à Paris après que l'Allemagne a repris l'Alsace. Gimpel travaille pour l'entreprise de tissus familiale, dirigée par son frère aîné Eugène.
Il découvre la photographie en 1897 et y consacre sa vie professionnelle[1]. Il travaille d'abord avec un appareil Kodak, puis avec un « Spido » Gaumont. Adepte de l'autochrome, technique brevetée par les frères Lumière, qu'il rencontre dès 1904, Léon Gimpel réalise des reportages pour la presse, La Vie illustrée notamment qui publie ses premiers clichés en 1900, et devient un collaborateur de L'Illustration.
En , Gimpel est le premier photographe à publier des photographies en couleurs : le , René Baschet, le directeur de L'Illustration, organise dans les locaux de la revue, devant six cents invités, une conférence des frères Lumière sur le procédé de l'autochrome et publie un numéro spécial de la revue présentant cette nouvelle technologie avec un encart où figurent quatre autochromes de Gimpel (un groupe de soldats, deux vues panoramiques de Villefranche-sur-Mer et un coucher de soleil sur le lac Léman) ; le , la revue publie les premières photographies d'actualité en couleur, prises par Gimpel lors de la visite à Paris du roi de DanemarkFrederik VIII et de son épouse Louise de Suède[2].
En 1909, il publie deux reportages dans L'illustration, le premier sur la rencontre le entre le tsar Nicolas II et le président français Armand Fallières à Cherbourg (où s'amorce l'alliance militaire de la Triple-Entente), le second en août sur le meeting aérien de Bétheny, première grande réunion de sport aéronautique. Pour ce reportage, Gimpel innove en choisissant de photographier du point de vue des aviateurs et s’embarque dans la nacelle du dirigeable Zodiac III pour photographier de haut les aéroplanes en vol et la foule au sol qui les regarde ; cinq clichés sont publiés dans l'article de L’Illustration sur l'événement[3],[N 1],[4].
Dans la soirée du , après l'accident où un autobus PB2 “Batignolles-Jardin des Plantes” tombe dans la Seine au pont de l'Archevêché, faisant onze victimes, Léon Gimpel, comme d'autres photographes amateurs ou professionnels, documente le travail de recherche et d'extraction des victimes de la carcasse immergée ; il soudoie un officier de police qui avait barré la route du pont à ses collègues afin de prendre une photo vue de haut et réalise une prise de vue aux tons crépusculaires, particulièrement saisissante, de la carcasse, dont seul le toit émerge du fleuve, qui est publiée dans L'Illustration[5],[6],[7].
Gimpel a tenu un journal de ses reportages de 1897 à 1932, qui est conservé dans un manuscrit de 394 pages à la Société française de photographie : Quarante ans de reportages. Souvenirs de Léon Gimpel, collaborateur à L’"Illustration" (1897-1932)[N 2],[6].
C'est un initiateur de la vulgarisation scientifique par l'image : il photographie au début du XXe siècle, en couleur ou en noir et blanc, la naissance de l'aéronautique, les ballons, les dirigeables, les meetings aériens, mais également l'évolution de l'éclairage nocturne de Paris au gaz néon[9]. Il a aussi photographié des champignons (hors de leur environnement naturel) pour en faciliter l'étude et des vues au microscope de végétaux, à des fins de vulgarisation scientifique.
Il s'intéresse à la recherche sur la photographie et publie en avec l'astronome Émile Touchet un article, « Les anaglyphes », consacré à un procédé de vision en relief.
Adepte de l'autochrome, Léon Gimpel a produit maintes séries dans sa longue carrière. Parmi ses clichés, il y a la série connue sous le nom de Rue de Greneta ou La Guerre des gosses dans laquelle il photographie en août et des enfants jouant à la guerre rue Greneta dans le quartier des Halles à Paris ; Gimpel a mis en scène ces petits soldats et en a tiré une série de tableaux photographiques composés, en couleur (autochrome) et en noir et blanc, à la fois pleins d'humour et patriotiques[10],[11]. Le reportage est refusé par L'Illustration qui « ne trouva pas ces sujets assez sérieux pour ses lecteurs » d'après Gimpel ; neuf images sont publiées dans la revue Lectures pour tous. Revue universelle et populaire illustrée le ; les plaques sont conservées par la Société française de photographie[12]. En 1908, il réalise les premières photographies en couleur prises depuis un ballon, à l'occasion d'un vol qui l'emmène de Saint-Cloud à Fouquerolles.
Léon Gimpel épouse Marguerite-Marie Bouillon en 1939 ; le couple s'installe dans le Béarn, à Sévignacq-Meyracq ; il y meurt le et est inhumé dans le cimetière de la commune[14].
Son œuvre photographique tombe dans l'oubli dans la seconde partie du XXe siècle, notamment parce que les plaques de verre autochromes ne se prêtent guère à l'exposition ; elle est redécouverte avec l'exposition organisée à Paris en 2008 par le Musée d'Orsay et la Société française de photographie[15],[8] et depuis étudiée et exposée régulièrement.
Collections
Léon Gimpel donne de son vivant à la Société française de photographie, dont il est devenu membre en 1908 sous le parrainage des frères Lumière, ses photographies : 1 200 autochromes, 800 stéréogrammes et 2 000 plaques de projection en noir et blanc, ainsi que le manuscrit de ses Mémoires[16].
« Reproduction sur plaque autochrome des épreuves obtenues sur ces mêmes plaques », Bulletin de la Société française de photographie, no 15, , p. 317.
« Le centième de secondes en autochromie et l’instantané nocturne sur plaques noires avec l’éclairage ordinaire par l’ultrasensibilisation de M. F. Monpillard », Bulletin de la Société française de photographie, no 5, , p. 130-145.
- : Scrivere con la luce: fotografie notturne di Léon Gimpel, Museo di palazzo Poggi, Bologne, dans le cadre de la biennale Foto/Industria ; commissaire d'exposition, Luce Lebart[13],[22].
- : La guerre des gosses. Léon Gimpel, 1915, Panthéon, Paris, dans le cadre de l'exposition 36 000 cicatrices : les monuments aux morts de la Grande guerre[23].
- : Guerre et paix. Léon Gimpel, Galerie La Chambre, Strasbourg[24].
Un mariage à Penmarch en 1906 (tirage photographique).
Femmes en tenue bigoudène de Pont-l'Abbé en 1909 ; plaque autochrome.
↑Notamment la photographie Les tribunes de Bétheny comme les voyait Hubert Latham quand il volait à 150 mètres d’altitude, p. 162.
↑Partiellement publié dans l'article de Thierry Gervais, « Léon Gimpel, "Mes grands reportages", 2006, ainsi que dans le catalogue de l'exposition de 2008 au Musée d'Orsay, Léon Gimpel (1873-1948). Les audaces d’un photographe[8].
↑« La Grande Semaine de l’aviation », L’Illustration, , p. 153-164.
↑Thierry Gervais, « Un basculement du regard. Les débuts de la photographie aérienne, 1855-1914 », Études photographiques, no 9, , p. 88-108 (lire en ligne).
↑« Un autobus parisien tombé dans la Seine du pont de l’Archevêché », L’Illustration, no 3579, , p. 252
↑ a et bFrançoise Dargent, « Léon Gimpel, photoreporter de la Belle Époque », Le Figaro, (lire en ligne).
↑ a et bVincent Lavoie, « "Dominique de Font-Réaulx et Thierry Gervais (dir.), Léon Gimpel (1873-1948). Les audaces d’un photographe" [compte-rendu] », Études photographiques, (lire en ligne).
↑Thibault Seurin, « Béarn : Léon Gimpel, ce pionnier du reportage photo en couleur », Sud Ouest, (lire en ligne).
↑ a et bClaire Guillot, « Gimpel, aventurier de l'image. Au Musée d'Orsay, redécouverte d'un pionnier de la photographie », Le Monde, (lire en ligne).
Nathalie Boulouch, « Gimpel Léon », dans Dictionnaire mondial de la photographie des origines à nos jours, Paris, Larousse, (lire en ligne), p. 240-241.
Nathalie Boulouch et Thierry Gervais, Léon Gimpel : les audaces d'un photographe, 1873-1948 (catalogue d'exposition, Musée d'Orsay), Milan, 5 Continents, , 190 p. (ISBN978-88-7439-455-5).
Thierry Gervais, Les points de vue de Léon Gimpel : la rencontre d'un photographe amateur avec la presse illustrée, Paris, Céros, coll. « Venti » (no 6), , 48 p. (ISBN2-84940-006-8).
Thierry Gervais, « Léon Gimpel, « Mes grands reportages » », Études photographiques, no 19 « La photographie pédagogue / Modèles critiques », , p. 120-139 (lire en ligne).
Luce Lebart, La guerre des gosses : Léon Gimpel, 1915, Paris, Société française de photographie, (ISBN978-2-911961-99-1) ; contient un extrait du chapitre XII de Quarante ans de reportages photographiques, souvenirs de Léon Gimpel, collaborateur à l'Illustration.
Peter Walther, La Grande Guerre en couleur, Taschen, 2014, (ISBN978-3836554190).