L'incoronazione di Poppea
L'incoronazione di Poppea
Le Couronnement de Poppée Portrait de Poppaea Sabina, maître anonyme de l'école de Fontainebleau, musée d'art et d'histoire de Genève.
Il Nerone, ossia L'incoronazione di Poppea, SV 308 (Néron, ou Le Couronnement de Poppée en français) est un opéra en un prologue et trois actes attribué à Claudio Monteverdi, créé en 1642 à Venise[1] sur un livret de Giovanni Francesco Busenello d'après les Annales de Tacite. Histoire de l'œuvreEn février 1607 est créé à Mantoue le premier opéra de Monteverdi, Orfeo. Il est suivi, en 1608, d'Arianna, œuvre dont n'est conservé que le célèbre Lamento d'Arianna. En 1613, Monteverdi arrive à Venise où il a obtenu le poste de maître de chapelle de Saint-Marc. Il l'occupera jusqu'à sa mort. Pendant quelques années, il se consacre surtout à la musique sacrée. À partir de 1632, Monteverdi revient progressivement à l'opéra. Il en compose plusieurs, jusqu'en 1643, année de sa mort, mais les partitions de la majorité d'entre eux sont aujourd'hui perdues (par exemple celle de Le Nozze d'Enea con Lavinia, qui date de 1640). Il Ritorno d'Ulisse in Patria est créé en 1641. Le début de l'année 1643 voit la création de l'Incoronazione di Poppea, au Teatro San Giovanni e Paolo. Monteverdi meurt le [2]. Après la mort du compositeur, l'œuvre tombe rapidement dans l'oubli. La trace de la partition se perd. Ce n'est qu'en 1888 qu'un exemplaire, datant de 1646, est découvert à Venise. En 1930, une seconde partition, datant de 1651, est retrouvée à Naples. Ces deux partitions, rédigées par divers copistes, ont été établies et adaptées pour des reprises de l'œuvre. Elles diffèrent entre elles sur de nombreux points. Dans l'une comme dans l'autre, certains passages révèlent la main d'autres compositeurs que Monteverdi (Cavalli, Ferrari, Sacrati). En particulier, le duo final (« Pur ti miro, pur ti godo ») serait emprunté à un opéra de Benedetto Ferrari, Il Pastor regio (1640), dont la musique est perdue. Il n'est donc pas interdit de voir dans l'Incoronazione di Poppea une œuvre collective, dont la musique a été écrite en grande partie par des disciples de Monteverdi, et dont celui-ci aurait supervisé le travail. Ce cas de figure n'est nullement exceptionnel dans les œuvres de cette époque. Le librettiste et son livretSi la musique de l'Incoronazione di Poppea ne nous est parvenue que sous la forme d'une notation manuscrite relativement sommaire, en revanche nous possédons plusieurs éditions imprimées du livret de Busenello (la première date de 1643). Né à Venise en 1598, Giovanni Francesco Busenello, avocat réputé, se consacra aussi, en dilettante éclairé, à la littérature. Ses œuvres sont abondantes et variées. Il se fit rapidement une place parmi l'élite intellectuelle vénitienne, dont il fréquenta les cercles littéraires et philosophiques (en particulier la célèbre Accademia degli Incogniti, où se retrouvaient nombre d'esprits forts et de libertins). Il rédigea des livrets d'opéra, notamment pour plusieurs opéras de Francesco Cavalli, comme La Didone (1641). Pour le livret de L'incoronazione di Poppea, Busenello s'inspire du livre XIV des Annales de Tacite. À cet égard, en empruntant son sujet à l'Histoire, l'Incoronazione di Poppea innove au sein des opéras italiens de l'époque, dont les sujets sont le plus souvent empruntés à la mythologie. Grâce aux talents d'écrivain et à la culture de Busenello, ce livret est sans doute un des meilleurs livrets d'opéra jamais écrits. Rigueur de la construction dramatique, unité (toute l'œuvre démontre la puissance de l'amour) et diversité (scènes dramatiques, pathétiques, comiques se succèdent), finesse de la caractérisation des personnages, beauté poétique du texte, sont ses principales qualités. Il porte aussi la marque de la tournure particulière, cynique et libertine, de l'esprit de Busenello. Dans ce livret, aucun des protagonistes (sauf peut-être Drusilla) ne semblent pouvoir susciter la sympathie mais la puissance de l'art, de la poésie, de l'intensité des sentiments et de l'amour exprimé réussit à rendre les personnages émouvants et souvent attachants. ArgumentPrologueDans un prologue allégorique, la Fortune et la Vertu se disputent aigrement la suprématie sur les hommes. Mais l'Amour intervient et les contraint d'admettre que c'est à lui, l'Amour, que revient cette suprématie. Acte I
Acte II
Acte III
Traitement musical du livretSommé par son protecteur et mécène, le duc de Mantoue, de composer un ouvrage qui surpasserait le drame musical de Jacopo Peri, Euridice, donné à Florence en 1600, Monteverdi introduisit dans son Orfeo (1607) des innovations décisives qui fondent l'opéra moderne. Il allège le recitar cantando monotone et peu dramatique de son prédécesseur en y intercalant des chœurs d'un style madrigalesque et des intermèdes instrumentaux accompagnés de danses. L'usage du contrepoint donne plus de séduction aux sinfonie et plus d'intensité aux moments dramatiques. L’Orfeo contient déjà les ingrédients de l'opéra moderne : une ouverture, des scènes combinant les interventions d'un soliste, d'un ensemble de personnages, d'un chœur. Les différents tableaux sont précédés de sinfonie qui en précisent la tonalité. La musique vise davantage que par le passé la caractérisation des personnages. Tous ces progrès se retrouvent naturellement dans l'Incoronazione di Poppea, où apparaît une innovation majeure et appelée à un grand avenir : celle de l'aria. Dans son dernier opéra, Monteverdi atteint la pleine maîtrise d'un langage musical au service du texte théâtral, dont il exploite les propositions psychologiques et dramatiques. Il vise à cerner la vérité psychologique parfois complexe (par exemple dans le cas de Néron) des personnages, ainsi qu'à créer une intensité dramatique maximale. Son travail, portant sur le détail du texte, recherche notamment le réalisme et la justesse de la diction musicale. Pour s'en rendre compte, il suffit de suivre le fil du livret de Busenello en écoutant un des bons enregistrements de l'œuvre. Autant qu'à la musique, le public de l'époque était sensible à la beauté littéraire du texte et goûtait dans le détail l'adéquation de l'une et de l'autre. Tentatives de résolution des problèmes d'interprétationLes deux partitions conservées de l'Incoronazione di Poppea laissent sans réponse immédiate de nombreuses questions. Seules y sont indiquées les parties vocales et la basse continue, ainsi que quelques courtes pièces instrumentales. On ne trouve pratiquement pas d'indications relatives à l'instrumentation, aux tempos, au choix des harmonies. La distribution vocale des rôles n'est pas expressément précisée. On peut cependant la déterminer par l'étude des clés dans lesquelles sont écrites les lignes vocales des rôles. On sait que certains rôles (Néron et Othon) ont été écrits pour des castrats. D'autres étaient destinés à des enfants (l'Amour, le Page), d'autres à des ténors aigus (Arnalta, la Nourrice d'Octavie) maîtrisant une technique vocale dont l'usage s'est ensuite perdu. Face à ces difficultés, les interprètes modernes, pour peu qu'ils veuillent conserver au mieux la couleur originale, ont recours à diverses solutions. Les castrats peuvent être remplacés par des sopranos ou des mezzo-sopranos, ou par des contre-ténors. Les enfants peuvent être remplacés par des mezzo-sopranos. Les ténors aigus sont souvent tenus par des altos, ou (depuis quelques années) par des ténors-altinos. Aucune solution n'est pleinement satisfaisante ; chacune présente ses avantages et ses inconvénients. Les problèmes posés par l'instrumentation sont encore plus épineux à résoudre, les partitions n'offrant que de très rares indications[3]. Dans Le Discours musical, Nikolaus Harnoncourt trace un état de ces problèmes et indique les grandes lignes d'une méthode pour tenter de leur donner une solution satisfaisante. Les choix dans ce domaine devraient évidemment être guidés par ce qu'on sait des usages du temps, des habitudes du compositeur, et par le souci de servir au mieux le livret (caractérisation d'un personnage, d'une atmosphère, etc.). À titre d'exemple, voici quelques-uns des choix de Nikolaus Harnoncourt pour sa première version de l'œuvre (1972) :
Utilisations dans l'artLa chorégraphe belge de danse contemporaine Anne Teresa De Keersmaeker a utilisé la partition de cet opéra (dans la version donnée par Harnoncourt) pour la création en 1988 de son ballet Ottone Ottone qui marque un tournant stylistique dans son travail chorégraphique. En , Michael Torke et Peter Howard créent une version pop rock de l'opéra intitulée Pop'pea au théâtre du Châtelet, mise en scène par Ian Burton et Giorgio Barberio Corsetti. En également, le compositeur de musique électronique ambient Geir Jenssen, mieux connu sous le nom de Biosphere, réalise une interprétation de l’œuvre. Discographie sélective
Vidéographie sélective
Notes et références
Liens externes
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