Le Gaucher (récit)
Le Gaucher (ou Le Dit du gaucher bigle de Toula et de la puce d'acier ; en russe : Левша (Levcha) ou Сказ о ту́льском косо́м Левше́ и о стально́й блохе́) est un récit de Nikolaï Leskov du genre conte ou nouvelle. Il est écrit et publié en 1881. Histoire de la créationLa première parution du récit a lieu dans le journal Rus', en 1881 dans les no 49, 50 et 51 sous le titre le Dit du Gaucher bigle de Toula et de la puce d'acier (légende de l'Atelier). La première édition séparée date de 1882[1]. Lors de la publication dans le journal Rus', ainsi que dans l'édition séparée, le texte du récit est accompagné d'une préface :
Par la suite, cette préface a été supprimée par l'auteur, parce que la critique l'a interprétée littéralement et a considéré le récit comme la simple copie d'un conte ancien existant[1]. Leskov a classé ce récit dans sa collection d'œuvres Pravedniki (Les hommes justes)[2]. SujetL'intrigue mêle des évènements historiques réels et d'autres fictifs. Les évènements du récit commencent en 1815 : lorsque l'empereur Alexandre Ier en eut terminé avec le Congrès de Vienne, il voulut voyager en Europe et visiter les merveilles de plusieurs pays. Lors de son voyage, il visita l'Angleterre, où entre autres curiosités, on lui montra une minuscule puce en acier qui était capable de danser. L'empereur a acheté la puce et l'a ramenée à Saint-Pétersbourg. Quelques années plus tard, après la mort d'Alexandre Ier et l'accession au trône de Nicolas Ier, la puce est trouvée dans les affaires du défunt tsar et l'on ne parvenait pas à comprendre ce que cet objet représentait. Le Cosaque du Don Matveï Platov[3], qui avait accompagné l'empereur Alexandre Ier dans ses voyages en Europe, est venu au palais et a expliqué, qu'il s'agissait d'un exemple de l'art de la mécanique que possédaient les Anglais, mais que lui Platov estimait de toute manière que les maîtres russes ne connaissaient pas moins bien leur métier. L'empereur Nicolas Ier, convaincu de la supériorité des artisans russes, charge Platov d'effectuer un voyage diplomatique sur le Don et en même temps de visiter les usines de Toula. Parmi les artisans locaux, il devait trouver ceux qui pouvaient répondre le mieux à ce défi des Anglais. Se trouvant à Toula, Platov met la main sur trois armuriers locaux, parmi lesquels se trouve le Gaucher. Platov leur montre la puce anglaise et leur demande de trouver quelque chose qui dépasserait cette réalisation. Après son retour de la région du Don, Platov repasse par Toula pour voir ce que les trois artisans ont trouvé pour réaliser sa commande. Il les retrouve avec le travail inachevé et Platov est mécontent. Il retourne à Saint-Pétersbourg. Mais dans la capitale, grâce à un agrandissement au miroscope apparaît le minuscule fer à cheval que les maîtres de Toula ont réussi à ferrer sous les pattes de la minuscule puce en acier. Le souverain et toute sa cour admirent le travail du Gaucher et ce dernier reçoit un prix pour son ouvrage. Nicolas Ier ordonne de renvoyer la puce en Angleterre, pour démontrer là-bas la compétence des maîtres russes, et du Gaucher en particulier. En Angleterre, on fait visiter au Gaucher des usines locales, on lui montre l'organisation du travail et on lui propose de rester là et de s'y marier. Mais le Gaucher décline cette offre et retourne en Russie. Sur le chemin du retour vers la Russie, le Gaucher fait un pari avec le sous-capitaine : « celui de ne rien boire tout seul, mais toujours à part égales »[4]. « Leur pari commença quand ils étaient encore en Maudityrannée, et ils burent jusqu'à la Dunaminde de Riga... »[5]. À leur arrivée à Saint-Pétersbourg, le sous-capitaine est déposé à l'ambassade et reçoit les soins médicaux appropriés. Le gaucher est quant à lui jeté sur le plancher d'un poste de police et on l'interroge. On le conduit à l'hospice des pauvres Oboukhovski où l'on accepte tous les mourants, quelle que soit leur condition[6]. Le docteur russe Martyne-Solski arrive quand le Gaucher est en train d'expirer. Avant de mourir, il parvient à lui transmettre le message : « les Anglais ne nettoient pas leurs fusils à la brique. Qu'on s'en abstienne aussi chez nous, sinon, Dieu nous préserve de la guerre car nos armes ne vaudront plus rien pour tirer »[7]. Martyne-Solski va porter l'information au ministre de la guerre Tchernychev, mais celui-ci ne transmet pas le message au tsar. « Or qu'ils eussent rapporté à temps au Souverain les paroles du gaucher, et la guerre de Crimée contre l'ennemi eût tourné tout autrement »[8]. Personnages principaux
Particularités littérairesLes critiques des premières éditions estiment que la contribution de Leskov à la création du récit est minime et qu'il n'a fait que raconter une légende qui circulait parmi les artisans de Toula. Leskov a contesté cette opinion et a expliqué que ces critiques avaient pratiquement tout inventé à propos de leur interprétation :
Le récit Le Gaucher est un exemple de conte russe, dont les traditions ont été établies par Nicolas Gogol. La narration ressemble à celle d'un récit oral, dans lequel l'auteur, peu habitué au vocabulaire étranger se trompe de manière inattendue. La vraie richesse de cette œuvre c'est cette langue particulière du récit qui intercale des calembours et des jeux de mots, nés de la fantaisie de l'écrivain, ou des mots dont l'étymologie est pure invention populaire et amusante : brettonique, nymphosoire, miroscope, Napolon du Brévédaire, mer Maudityrannée, etc.[11] Cette même stylisation, de genre langage populaire Leskov l'utilise dans d'autres récits : Léon, fils du maître d'hôtel, Polounojniki, La Remise à lapin et d'autres encore[12]. Pour l'historien Ettore Lo Gatto, la structure stylistique des récits de Leskov rappelle celle des légendes de Flaubert. Cette structure forme des pages parmi les plus originales de la littérature russe de la fin du XIXe siècle[13]. Les critiques ont remarqué que, malgré l'aspect extérieur de loubok et grotesque, apparaît clairement dans le récit de Leskov le thème national-patriotique, l'appel à une prise de conscience du rôle pris par chaque homme dans les affaires du niveau de l'État. En effet, le Gaucher s'adresse au tsar avant de rendre l'âme : « les Anglais ne nettoient pas leurs fusils à la brique. Qu'on s'en abstienne aussi chez nous, sinon Dieu nous préserve de la guerre, car nos armes ne vaudront plus rien pour tirer. »[7],[14] PrototypeAlexeï Mikhaïlovitch Sournine (1767-1811) est considéré comme le prototype du Gaucher de Toula (1767-1811)[15]. Il fut envoyé en Angleterre pour se former et a travaillé dans l'une des meilleures usines anglaises durant quelques années en qualité d'assistant du propriétaire. Quand il est revenu chez lui, il a beaucoup contribué à la formation des travailleurs ainsi qu'à la mise au point de nouveaux outils de production[16]. PhraséologieGaucher en langue russe (levcha) est devenu un nom commun, pour désigner un homme talentueux sorti du peuple, habile de ses mains. Quant à l'expression ferrer une puce elle est devenue une unité phraséologique. Cinéma
OpéraLe dans la Seconde scène du Théâtre Mariinsky a eu lieu la première de l'opéra de Rodion Chtchedrine Le Gaucher[17] Références
Bibliographie
Liens externes
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