Cette fable est inspirée de celles d'Ésope et de Phèdre. Cette œuvre se situe dans le règne de Louis XIV et l'absolutisme royal en France[1].
Texte intégral
La raison du plus fort est toujours la meilleure :
Nous l'allons montrer tout à l'heure .
Un Agneau se désaltérait
Dans le courant d'une onde pure.
Un Loup survient à jeun, qui cherchait aventure,
Et que la faim en ces lieux attirait.
Qui te rend si hardi de troubler mon breuvage ?
Dit cet animal plein de rage :
Tu seras châtié de ta témérité.
Sire, répond l'Agneau, que Votre Majesté
Ne se mette pas en colère ;
Mais plutôt qu'elle considère
Que je me vas désaltérant
Dans le courant,
Plus de vingt pas au-dessous d'Elle ;
Et que par conséquent, en aucune façon,
Je ne puis troubler sa boisson.
Tu la troubles, reprit cette bête cruelle,
Et je sais que de moi tu médis l'an passé.
Comment l'aurais-je fait si je n'étais pas né ?
Reprit l'Agneau ; je tette encor ma mère
Si ce n'est toi, c'est donc ton frère.
Je n'en ai point. C'est donc quelqu'un des tiens:
Car vous ne m'épargnez guère,
Vous, vos Bergers et vos Chiens.
On me l'a dit : il faut que je me venge."
Là-dessus, au fond des forêts
Le loup l'emporte et puis le mange,
Sans autre forme de procès.
— Jean De La Fontaine
Résumé de la Fable
Un agneau boit tranquillement l’eau d’un ruisseau. Un loup, voyant là une proie facile, l’accuse d’avoir troublé l’eau qu’il boit, bien que l’agneau se trouve en aval. L’agneau, plein de bon sens, répond poliment et démontre qu’il ne peut pas troubler l’eau en amont.
Le loup, vexé, invente alors d’autres accusations : il prétend que l’agneau l’a insulté l’année précédente, ce que l’agneau nie, car il n’était pas encore né. Le loup, n’ayant plus de raison légitime, conclut qu’il doit manger l’agneau « car il faut que je me venge ».
L’agneau incarne la culture, représentant la domestication, la société et la raison. Son discours est structuré, logique et respectueux des normes sociales.
Le loup symbolise la nature, associée à la sauvagerie, à l’instinct et à la domination brute. Son comportement est dominé par la loi du plus fort et l’impératif biologique.
La confrontation entre les deux personnages met en scène une lutte entre ces deux forces opposées, où la nature finit par triompher de la culture. (voir, Morale de la Fable)
Le ruisseau : Ce point d’eau est présenté comme une frontière entre deux mondes, celui de la nature (le loup) et celui de la culture (l’agneau). Il s’agit d’un espace mixte où les deux univers se rencontrent, mais où les règles de la nature prédominent.
L’agneau, en quittant son espace domestiqué, se retrouve vulnérable dans le domaine naturel du loup.
La fable illustre une parodie de justice où le loup se place en juge, procureur et bourreau. Il utilise des arguments de mauvaise foi pour légitimer ses actions.
L’agneau, malgré la force de son raisonnement, ne peut échapper à son sort, car dans l’univers naturel, la raison est impuissante face à la force brute.
Morale de la Fable
La morale est explicite dans cette fable : “La raison du plus fort est toujours la meilleure[2].”
Cela signifie que dans un monde où la force domine, les arguments logiques ou justes n’ont pas d’importance. La fable illustre l’abus de pouvoir, où le fort (le loup) utilise de fausses justifications pour exploiter ou détruire le faible (l’agneau).
Adaptations cinématographiques
Le Loup et l'Agneau, Sévan Maurin, 2017 - Unifrance
↑ abcd et eRalph Albanese, « Réflexions sur la dialectique nature/culture dans «Le Loup et l’Agneau » », Le Fablier. Revue des Amis de Jean de La Fontaine, vol. 12, no 1, , p. 65–71 (DOI10.3406/lefab.2000.1050, lire en ligne, consulté le )
« Le loup, l’agneau et le sens de l’histoire ». Pardès, vol. 3233, no 1, 2002, p. 217‑34, article de revue de Élisabeth Bizouard. shs.cairn.info, (https://doi.org/10.3917/parde.032.0217) .
« ÉCOUTER, VOIR, APPRÉCIER ET COMPRENDRE DES FABLES SUR LE NET : LE LOUP ET L’AGNEAU DE LA FONTAINE EN CYCLE 3 ». article dans Revue de recherches en littératie médiatique multimodale, par Nathalie Drouin et Jean-François Massol vol. 8, 2018, p. 1050944ar. (DOI.org (Crossref), https://doi.org/10.7202/1050944ar.)