La chanson commence par le refrain sur un tempo « vivo » : « Nous ne sommes pas des anges, les anges du paradis trouveraient ce monde bien étrange s’ils descendaient jusqu’ici ». Mais chantés plus bas, comme si c'étaient des confidences, les couplets insistent sur la confusion des genres : « Les garçons, on dirait des filles avec leurs cheveux longs, quant à nous les filles, on dirait des garçons, les filles en pantalon » (variante : les garçons embrassent les filles, les filles en pantalon).
Selon l'enquête effectuée par Régis Revenin[1] : « À la fin des années 1960, un jeune hétérosexuel écrit que les filles n’aiment pas les hommes trop musclés, tandis qu’un autre note que les jeunes filles préfèrent désormais sortir avec des hommes qui ne sont pas virils, voire efféminés ». Au début des années 1960, les adultes constatent que « les modes et les comportements juvéniles convergent vers une indifférenciation, voire une inversion des sexes ». Le magazine Marie Claire écrivait déjà, en : « Il ne semble pour les jeunes n’y avoir ni garçon, ni fille, mais un seul sexe — les copains »[5].
Il est beaucoup question de « L’importance des idoles dans ces années-là. […] Fantasmes de filles autant que de garçons sur Johnny Hallyday (qui, à cette époque-là, a de longs cheveux blonds), sur le corps des idoles »[1].
Accueil
Pour Gilles Verlant, c’est « une chanson de Gainsbourg qui ne vaut pas tellement mieux » que les autres titres[6] qu’il juge « indigents » et qui constituent le 45 toursEP de France Gall paru en . Il ajoute anecdotiquement qu'« on peut seulement s’amuser de la coïncidence qui veut que la sortie de cette chanson unisexe précède de trois mois celle des Élucubrations d'Antoine »[7].
Régis Revenin pense tout autrement[1] : « En 1965, France Gall, âgée de 18 ans, revendique les nouveaux goûts de sa génération dans Nous ne sommes pas des anges, une chanson écrite par Serge Gainsbourg. […] Dorénavant, les jeunes filles décrivent le physique et la psychologie masculine à l’aide de mots jusque-là réservés au monde de l’enfance ou renvoyant traditionnellement à la féminité, comme « adorable », « charmant », « mignon » ». Régis Revenin ajoute, lors de son entretien avec Emmanuel Laurentin dans l’émission de radioLa Fabrique de l'histoire[4] : « Chanson extrêmement intéressante et qui montre effectivement les bouleversements de la société des années 1960. […] Il y a des mouvements d’opinions, la revue L’École des parents, dès les années 1965-1966, fait des chroniques régulières autour de l’éducation sexuelle nécessaire ».
Reprises
Dans les années 1960, Barbara enregistre également la chanson, mais celle-ci n’est éditée qu’en 2012 sur la compilation double CD Barbara Best of (Mercury-Universal réf. 3712286[8]). Elle y introduit des variantes personnelles, notamment en invertissant quelques vers[9]. Les raisons qui l’ont poussée à enregistrer Nous ne sommes pas des anges sont floues, sans sources précises : dans le livret de l'édition du Best of, l'écrivain Jean-François Fontana[10] remarque que Barbara « pouvait reprendre et recréer, après France Gall (!), Nous ne sommes pas des anges », sans autres indications et sans que l'année d’enregistrement soit mentionnée[11], mais elle chante en re-recording sur la bande instrumentale arrangée pour France Gall par l’orchestrateur attitré de celle-ci à l’époque, Alain Goraguer (avec lequel Barbara n’a jamais travaillé). De ce fait, et sans que ce soit prouvé, on pourrait tout aussi bien en déduire qu’il s’agissait, avec l'autre reprise que Barbara a faite de Même si tu revenais[12], chanson créée par Claude François (1965), d’un test-pressing en vue de l’édition de l'album-gag du produit par Claude Dejacques où les vedettes maison Philips échangent leurs succès en re-recording, album resté inédit à ce jour, on ignore pourquoi[13]. Yves-Ferdinand Bouvier et Serge Vincendet se rallient à Jean-François Fontana en écrivant que Barbara a repris cette chanson dans l’émission de radio Le Cahier de chansons en avant de l’interpréter en duo avec France Gall dans l’émission radio L'Oreille en coin diffusée sur France Inter au début des années 1970[9], tandis que, sans citer de sources, Gilles Verlant[7] note que Barbara aurait été la première à enregistrer la chanson « finalement chantée par France Gall »...
1996 : par le groupe pop britannique Heavenly sur album Operation Heavenly, disques Wiiija.
Régis Revenin, Une histoire des garçons et des filles : Amour, genre et sexualité dans la France d’après-guerre, Paris, éditions Vendémiaire, , 352 p. (ISBN9782363581747, présentation en ligne).
Chansons de Serge Gainsbourg écrites pour France Gall
Bloody Jack (enregistrée le ). Chanson restée inédite jusqu'en 2003 (compilation SOS mesdemoiselles, volume 5 de la collection Pop à Paris, CD Universal Music 069 113-2), qui associe la musique de Teenie Weenie Boppie et le texte Bloody Jack, interprété ultérieurement sur une autre musique par Serge Gainsbourg (album Initials B.B., 1968), puis par Zizi Jeanmaire (45 toursDisc'AZ EP‑1199, 1968).
Qui se souvient de Caryl Chessman ?, titre inédit, enregistré en 1967. Informations succinctes sur cet enregistrement : d'après Yves-Ferdinand Bouvier et Serge Vincendet, Gainsbourg chante tandis que France Gall fait les chœurs[9].
↑ abc et dSource : Une histoire des garçons et des filles, ouvrage de Régis Revenin, spécialiste de l’histoire de la jeunesse et l’histoire de la sexualité (maître de conférences en sciences de l’éducation à l’université Paris Descartes, voir bibliographie).
↑Régis Revenin a eu, pour son étude sur la sexualité des jeunes des Trente Glorieuses, l'exceptionnelle occasion de pouvoir accéder à des fonds d’archives peu explorés, notamment ceux concernant des garçons (de 13 à 17 ans) internés au centre d’observation public de l’éducation surveillée (COPES) de Savigny-sur-Orge.
↑En écho, on peut citer la chanson Tous mes copains où Sylvie Vartan explique que « Tous mes copains s'en vont main dans la main » (1962), ou encore celle de Sheila et son Sifflet des copains (unisexe) où, même si ce n'est pas féminin : « Quand une fille, dans la rue, rencontre un de ses copains, elle ne doit pas, en principe, siffler, car ce n'est pas bien. Mais on peut faire exception pour le sifflet des copains » (1963).
↑L’Amérique, On se ressemble toi et moi et Le Temps de la rentrée.
↑Les titres repris par Juliette Gréco pour la circonstance, Le Folklore américain de Sheila et Le Jouet extraordinaire de Claude François, ont été édités en 2003 dans son intégrale, L'Éternel Féminin, coffret 21 CD Mercury Records).
↑Chanson initialement déposée à la Sacem (France) le sous le titre Bébé loup (sans doute destiné à une édition vinyle jamais réalisée). Titre modifié le par son auteur à la Sacem. Source : Yves-Ferdinand Bouvier et Serge Vincendet, Serge Gainsbourg : L'Intégrale et Cætera.
↑On retrouve une séance de travail de la chanson Dents de loup, dents de lait sur le DVD De Gainsbourg à Gainsbarre de 1958 à 1991 (Universal Pictures, 2000).