Prélude et fugue en ut majeur (BWV 870)Le Clavier bien tempéré II
Le prélude et fugue en ut majeur, BWV 870 ouvre le second livre du Clavier bien tempéré, une collection de préludes et fugues de Jean-Sébastien Bach, compilé de 1739 à 1744. Alors que Bach présentait à l'entrée du premier livre un modeste prélude dans la tradition du clavecin, celui en ut du second livre qui ouvre le nouveau cahier compilé vingt ans plus tard se présente comme une majestueuse improvisation dans le genre organistique. La fugue à trois voix qui l'accompagne est d'une texture musicale volontairement limpide pour rester dans le caractère d’ut majeur. Du prélude sont exceptionnellement conservées deux versions primitives, qui dévoilent le travail de l'atelier du compositeur. Les deux cahiers du Clavier bien tempéré sont considérés comme une référence par nombre de compositeurs et pédagogues. D'abord recopiés par les musiciens, puis édités au début du XIXe siècle, outre le plaisir musical du mélomane, ils servent depuis l'époque de leur composition à l'étude de la pratique du clavier et à l'art de la composition. ContexteLe Clavier bien tempéré est tenu pour l'une des œuvres majeures de la musique classique. Elle est considérée comme une référence par Joseph Haydn, Mozart, Beethoven, Robert Schumann, Frédéric Chopin, Richard Wagner, César Franck, Max Reger, Gabriel Fauré, Claude Debussy, Maurice Ravel, Igor Stravinsky[1], Charles Koechlin et bien d'autres, interprètes ou admirateurs. Hans von Bülow la considérait non seulement comme un monument précieux, mais la qualifiait d’Ancien Testament, aux côtés des trente-deux sonates de Beethoven, le Nouveau Testament[2]. Les partitions, non publiées du vivant de l'auteur, se transmettent d'abord par des manuscrits, recopiées entre musiciens (enfants et élèves de Bach, confrères…) jusqu'à la fin du XVIIIe siècle avec déjà un succès considérable[3]. Grâce à l'édition, dès le début du XIXe siècle, leur diffusion s'élargit. Elles trônent sur les pupitres des pianistes amateurs et musiciens professionnels, et se donnent au concert, comme Chopin qui en joue pour lui-même une page, avant ses apparitions publiques[3]. L'œuvre est utilisée dès Bach et jusqu'à nos jours, pour la pratique du clavier mais également pour l'enseignement de l'art de la composition ou de l'écriture de la fugue. La musique réunie dans ces pages est donc éducative, mais également plaisante, notamment par la variété, la beauté et la maîtrise de son matériau[4]. Chaque cahier est composé de vingt-quatre diptyques (préludes et fugues) qui explorent toutes les tonalités majeures et mineures dans l'ordre de l'échelle chromatique. Le terme « tempéré » (Gamme tempérée) se rapporte à l'accord des instruments à clavier, qui pour moduler dans des tons éloignés, nécessite de baisser les quintes (le ré bémol se confondant avec le do dièse)[5], comme les accords modernes. Ainsi l'instrument peut jouer toutes les tonalités. Bach exploite donc de nouvelles tonalités quasiment inusitées de son temps, ouvrant de nouveaux horizons harmoniques[4]. Les préludes sont inventifs, parfois proches de l'improvisation, reliée à la tradition de la toccata, de l'invention ou du prélude arpégé. Les fugues n'ont rien de la sécheresse de la forme, que Bach rend expressive. Elles embrassent un riche éventail de climats, d'émotions, de formes et de structures qui reflètent tour à tour la joie, la sérénité, la passion ou la douleur et où l'on trouve tout un monde vibrant d'une humanité riche et profonde[6]. Certaines contiennent plusieurs procédés (strette, renversement, canons, etc.), d'autres non, dans une grande liberté et sans volonté de systématisme, ce qu'il réserve à son grand œuvre contrapuntique, L'Art de la fugue, composé entièrement dans une seule tonalité, le ré mineur[7]. PréludeLe prélude noté — bien moins modeste que son prédécesseur du premier livre — s'ouvre majestueusement sur une pédale de tonique, avec la verve d'une improvisation « pro organo pleno » : il chante, explore le clavier, l'harmonie, « prenant sans cesse des chemins de traverse »[8], module ou fait semblant de moduler. Sur trente-quatre mesures, les quatre voix collaborent, jusqu'à une autre longue pédale de tonique et un point d'orgue[9] (unique reposoir de la pièce). Les deux premières mesures explorent harmoniquement la progression I – IV — V — I. Les mesures 20 à 28, reprennent les mesures 5 à 14, transposées, mais dans un curieux décalage par rapport à la barre de mesure[8].
Fugue
La fugue à trois voix, notée Le sujet de quatre mesures est composé de plusieurs éléments. Une tête avec d'abord un ornement décomposé en doubles croches, un saut de sixte avec un mordant « polisson »[8], et enfin, une traîne, longue guirlande de doubles croches, style « machine à coudre », moquée par Colette[8]. Cette guirlande est utilisée par la basse comme un vrombissement venant des profondeurs, inexorable rosalie s’étendant sur dix ou douze mesures (par exemple mesures 55 à 66).
GenèseNous connaissons deux manuscrits antérieurs du prélude. La première version ne comporte que 17 mesures. Il s'agit de la copie de Johann Peter Kellner, datée du (BWV 870a ; Berlin, P 804). Selon Keller et Cantagrel, il est possible que ce prélude ait connu une version antérieure de la période de Köthen[9],[11]. Réunie dans les œuvres pédagogiques au sein de l'intégrale de l'édition discographique du label Hänssler, volume 107, elle est enregistrée au clavicorde par Robert Hill[12]. Dans la seconde version (BWV 870b), le nombre de mesure est doublé passant à 34[13], comme dans la version définitive —, dont l'incipit est reproduit plus haut. Sans ses triples croches, la courbe mélodique est plus lisse[14]. Il ne s'agit pas d’« ébauches », mais de versions fonctionnelles, autonomes, « avant qu'un travail de polissage ou d'amplification les amène à un niveau d'organisation supérieure aux yeux du vieux musicien »[13]. La fugue était présentée dans le manuscrit Kellner, à ManuscritsLes manuscrits considérés comme les plus importants sont de la main de Bach lui-même ou d'Anna Magdalena. Ils sont :
Ces deux manuscrits sont en outre complétés, pour ce numéro, de la copie de Kellner (P 804), plus ancienne.
PostéritéThéodore Dubois en a réalisé une version pour piano à quatre mains, publiée en 1914[18]. Références
Voir aussiBibliographie: document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.
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