Roy Lichtenstein, né le à Manhattan (New York), où il est mort le , est un des artistes les plus importants du mouvement pop art américain. Ses œuvres s'inspirent fortement de la publicité et de l'imagerie populaire de son époque, ainsi que des bandes dessinées (« comics »). Il décrit lui-même son style comme étant « aussi artificiel que possible ».
Biographie
Les débuts
Roy Lichtenstein est né le au Flower Hospital de Manhattan[1] d'une famille juive de la classe moyenne supérieure. Sa mère, Beatrice Werner, une pianiste accomplie, née à la Nouvelle-Orléans, est femme au foyer. Son père Milton Lichtenstein, né en 1893 à Brooklyn, est agent immobilier[1].
Il fréquente l'école publique, puis entre à la Franklin School for Boys de Manhattan pour y suivre des études secondaires. Son école ne propose pas de cours d'art et c'est pendant ses loisirs qu'il commence à s'intéresser à l'art et au design. Fan inconditionnel de jazz, il assiste souvent aux concerts donnés à l'Apollo Theater de Harlem, où il fait le portrait des musiciens pendant leurs performances. En 1939, à l'issue de sa dernière année de lycée, il s'inscrit aux cours d'été de la Art Students League of New York, dirigés par le professeur Reginald Marsh. En , Lichtenstein quitte New York pour s'inscrire à l'université d'État de l'Ohio (OSU), qui propose des cours en atelier et un diplôme de beaux-arts. Il doit interrompre ses études pendant trois ans pour servir dans l'armée pendant et après la Seconde Guerre mondiale, de 1943 à 1946. Envoyé en Angleterre en , il en profite pour voir des expositions à Londres. Il arrive en France en janvier 1945 et passera avec son unité par la Belgique, l'Allemagne et le Luxembourg. Il continue à peindre et à dessiner durant cette période.
En , il vient à Paris et étudie le français. En décembre, il est rapatrié aux États-Unis où son père est gravement malade. Celui-ci meurt début et Roy est alors libéré de ses obligations militaires et bénéficie de la G.I. Bill, qui finance ses études universitaires. Il reprend ses études et enseigne le dessin à l'université de l'Ohio. Il est généralement admis que l'un de ses professeurs de l'époque, Hoyt L. Sherman, a exercé une grande influence sur son œuvre future (ainsi, Lichtenstein a baptisé « Hoyt L. Sherman Studio Art Center » un atelier qu'il a fondé au sein de l'OSU en 1995).
Le , il se marie avec Isabel Wilson. La même année, après avoir obtenu son diplôme, Lichtenstein est engagé comme professeur, poste qu'il occupera épisodiquement pendant dix ans. La première exposition à lui être exclusivement consacrée a lieu au Canada en 1951.
Il déménage à Cleveland en 1951, où il habite pendant six ans, mais il se rend encore fréquemment à New York[1]. Entre deux périodes de production artistique, il exerce alors des métiers variés, de dessinateur à décorateur de vitrines. À cette époque, son travail oscille entre cubisme et expressionnisme. En 1954 naît son premier fils, David Hoyt Lichtenstein, et en 1956, son deuxième, Mitchell Lichtenstein.
En 1960, il commence à enseigner à l'université Rutgers, dans le New Jersey où il s'installe. Il y est très influencé par Allan Kaprow, qui y enseigne lui aussi. C'est dans cet environnement qu'il s'intéresse à nouveau à l'imagerie proto-pop, au contact de Kaprow, Claes Oldenburg, Lucas Samaras et George Segal. En 1961, il fait ses premiers tableaux pop en reprenant des images de dessins animés et avec des techniques inspirées par l'aspect qu'ont les publicités commerciales. Cette phase, pendant laquelle il réutilise l'imagerie commerciale suggérant le consumérisme et le fait-maison dure jusqu'en 1965.
Sa première œuvre de grande taille représentant un personnage aux contours soulignés et utilisant les points de trame est Look Mickey (1961, National Gallery of Art, Washington, D.C.), qui résulte d'un défi lancé par un de ses fils qui feuilletait un album de Mickey et qui aurait dit : « Je parie que tu n'es pas capable de peindre aussi bien que ça, hein, papa ? » La même année, il réalise six autres tableaux mettant en scène des personnages d'emballages de chewing gums et de BD[2]. En 1961, Leo Castelli commence à exposer ses œuvres dans sa galerie à New York, et Lichtenstein réalise sa première exposition individuelle en 1962. Tous les tableaux sont achetés par des collectionneurs influents avant même qu'elle ne soit inaugurée[3], alors que Léo Castelli refuse par ailleurs le travail d'Andy Warhol. Cette même année, Roy Lichtenstein commence à utiliser une peinture acrylique qui se dilue à la térébenthine (Magna), et continue à utiliser l'huile pour les points de trame de style Benday. Ses toiles s'inspirent, entre autres, du travail de Matisse[4].
En 1963, Lichtenstein demande un congé de son poste au Douglass College de Rutgers. Lui et sa femme Isabel se séparent (ils divorceront en 1965) et il s'installe de nouveau à New York pour être au cœur de la scène artistique. Ces œuvres font l'objet de nombreuses expositions et il commence à être très connu, non seulement aux États-Unis mais dans le monde entier. Il commence une série de toiles inspirée de bandes dessinées de DC Comics comme Girls' Romances et Secret Hearts (dont fait partie une de ses toiles les plus célèbres, Drowning Girl, inspirée de Run for Love! - MoMA, New York[5]). Plusieurs fois il s'inspire de séries dessinées par Mike Sekowsky comme le tableau It Is... With Me!, peint en 1963, Mad Scientist, peint en 1963, et Eccentric Mad Scientist, de 1965, tous deux inspirés par le douzième numéro de Justice League of America[6]. Les traits sont épais, les couleurs franches et Roy met au point une technique de masque pour produire les points de trame (une de ses spécificités) de façon presque mécanique et engage un assistant pour ce faire.
Modeste, il déclare : « Je pense que mon travail est différent de la bande dessinée, mais je n'appellerais pas ça une « transformation » ; quoi qu'il signifie, je ne pense pas que ce soit important pour l'art »[7]. Quand ses premières œuvres sont présentées, nombreux sont les critiques d'art qui contestent leur originalité. À cela, Lichtenstein répond : « Plus mon travail est fidèle à l'original, plus il est critique et lourd de sens ».
Sa toile la plus célèbre est Whaam! (1963, Tate Modern, Londres), inspirée d'une BD de DC Comics, All-American Men of War. La peinture de grande taille (1,7 m × 4 m) présente un avion de combat tirant une roquette sur un avion ennemi, dans une explosion jaune et rouge marquée par l'onomatopée « Whaam! ». En 1965, il aborde sa série Coup de pinceau, toujours selon la même technique, représentation de traits peints au pinceau et clin d’œil à l'expressionnisme abstrait.
En 1968, il peint Châssis, qui représente l'arrière du tableau lui-même, début d'une série. La même année, Roy Lichtenstein se marie avec Dorothy Herzka, avec qui il restera jusqu'à sa mort. En 1971, il entreprend sa série Entablements où il peint des frises et des moulures ornementales. L'année suivante ce sont les Natures mortes pour lesquelles il recourt pour la première fois à des bandes diagonales au lieu des trames de points. En 1973, Lichtenstein commence une série de natures mortes en trompe-l'œil de style cubiste, puis à l'automne, il commence la série Artist's Studio, des compositions dans lesquelles il incorpore des éléments de son travail passé des années 1960. Artist's Studio—Look Mickey (1973, Walker Art Center, Minneapolis)[8] en est l'exemple le plus notable, avec un rappel de cinq de ses œuvres.
Roy Lichtenstein a aussi créé des sculptures, en métal et en plastique, dont quelques-unes sont installées sur la voie publique comme Lamp (1978, St. Marys, Géorgie)[9] ou Barcelona Head, une sculpture inspirée par Gaudí[10], réalisée pour les Jeux olympiques d'été de 1992 de Barcelone.
En 1989, sa toile Torpedo...Los! est vendue par Christie's pour 5,5 millions de dollars, un record à l'époque pour un artiste vivant.
En 1994, il décore le Young America, un voilier monocoque candidat aux sélections de l'America's Cup 1995 (jauge Class America, de 23,62 mètres de long)[11]. La coque arbore une sirène ainsi que le spinnaker de petit temps (qui sera déchiré en mille morceaux par une rafale au cours d'une régate très disputée).
Les premières affiches de Roy Lichtenstein datent des années 1960[12]. À cette époque, il débute en parallèle de la peinture une activité de gravure[13]. Dès le milieu de cette décennie, le peintre conçoit certaines œuvres spécifiquement pour des affiches[14], textes et image, reprenant les thèmes de ses tableaux. Lors de la décennie suivante, l'artiste américain est moins concerné par la création sur ce support et ne fait que fournir une création picturale (originale ou reproduction) sans se soucier de l'affiche en elle-même[15]. Il faut attendre la fin des années 1980 pour que Lichtenstein redevienne prolifique dans ce domaine[16].
Les affiches de Roy Lichtenstein, œuvres conçues à l'origine pour ce support, sont intégrées dans le catalogue raisonné établi par Mary Lee Corlett[17]. Certaines, dont celles réalisées pour les expositions organisées par le galeristeLeo Castelli ou le dessin Tintin Reading[n 1], resteront significatives du style de l'artiste.
Décès
Roy Lichtenstein meurt à la suite d'une pneumonie en 1997 au New York University Medical Center. On estime qu'il laisse au total 4 500 œuvres en circulation dans le monde.
En 1999, la « Roy Lichtenstein Foundation » ouvre ses portes dans le studio de l'artiste dans Greenwich Village[22].
1970 : Peace through chemistry (« La Paix par la chimie »), huile sur toile
1972 : Still Life with Goldfish, (Nature morte aux poissons rouges), huile et magna sur toile, 132,1 × 106,7 cm, collection particulière.
1973 :
Trompe l'œil with Léger Head and Paintbrush, collection privée.
Artist's studio, Look Mickey (L'Atelier de l'artiste, Look Mickey), huile et magna sur toile 243,8 × 325,10 cm, au Walker Art Center, Minneapolis.
1980 : Landscape with Figures and Rainbow, au musée Ludwig, à Cologne.
1996 : Landscape with Philosopher (Paysage avec philosophe), huile et magna sur toile, 264,2 × 121,3 cm, collection particulière.
Expositions
Roy Lichtenstein - Evolution : la première exposition consacrée à l'artiste en France a été organisée à l'occasion de l'inauguration de la Pinacothèque de Paris, du au [24].
Le travail de Lichtenstein a été source d'indignations dans le milieu de la bande dessinée américaine. Ses reproductions incluent des travaux originaux de Jack Kirby, Joe Kubert et Russ Heath, qui a dessiné la célèbre case sur laquelle Lichtenstein s'est basé pour son œuvre Whaam!. Russ Heath a réalisé une bande dessinée intitulée Bottle of Wine, avec Darwyn Cooke, afin de dénoncer le manque de crédit ainsi que la situation de grande précarité dans laquelle l'artiste s'est retrouvé alors que la reproduction de son travail a rapporté à Lichtenstein 4 millions de dollars[26].
Notes et références
Notes
↑Tintin Reading est une œuvre créée par Roy Lichtenstein au début des années 1990, à l'origine pour illustrer la couverture de Tintin in the New World. A Romance, un roman de Frederic Tuten(en)[18]. Ce livre comportera également un frontispice du peintre[19]. C'est la seconde fois que Lichtenstein illustre une couverture de cet auteur, après celle de 1971 pour la nouvelleThe Adventures of Mao on the Long March[20]. Le peintre utilise la technique caractéristique des points ben-day qu'il affectionne depuis 1961 pour représenter Tintin assis dans une pièce lisant son journal avec son chien Milou proche, le tableau de Matisse, La Danse en décor de fond[21] et un couteau passant derrière le personnage de bande dessinée. L'onomatopée « CRAC » y est dessinée venant de derrière la porte, rappelant le tableau Crak! de 1963. L'affiche Tintin Reading, en Gravure offset, est publiée la première fois à Bruxelles pour une rétrospective Tintin au Palais des beaux-arts de Bruxelles.
Jürgen Döring et Claus von der Osten, Roy Lichtenstein : Affiches [« Lichtenstein Posters »], Prisma, (1re éd. 2008 (Prestel Verlag)), 127 p. (ISBN978-2-8104-0454-4)
Camille Morineau (dir.), Alain Cueff, Émilie Bouvard, Annabelle Ténèze et al. (préf. Alfred Pacquement, Catalogue de l'exposition Roy Lichtenstein au Centre Pompidou, 3 juillet - 4 novembre 2013), Roy Lichtenstein, Paris, Centre Pompidou, , 264 p. (ISBN978-2-8442-6600-2).
Pierre Guénégan, préface de Susan L. Ball, Le Purisme & son influence internationale - annuaire de 50 artistes emblématiques, 335 pages illustrées, Editions Lanwell & Leeds Ltd, St Alban, Hertfordshire, England, 2019, (ISBN978-2-9700494-8-7)
Documentaire
Pierre-Paul Puljiz, Roy Lichtenstein, une révolution pop, France 5, 2023.