Saint François (Zurbarán)Saint François
Saint François est une huile sur toile de grandes dimensions (209 × 110 cm) de Francisco de Zurbarán, conservée au musée des Beaux-Arts de Lyon depuis 1807. Francisco de Zurbarán est un artiste adepte des peintures religieuses. En effet, peintre du monde monastique et religieux, son œuvre nous dépeint une multitude de moines, saints et saintes. Il est indéniable de dire qu’il s’agit de la partie la plus féconde de son œuvre[1]. Historique de l’œuvreCette œuvre de Francisco de Zurbarán est le seul tableau dont la provenance est connue en France avant le XIXe siècle. Il semble avoir initialement été peint pour un couvent de Madrid. Puis, la reine Marie Thérèse d’Espagne aurait donné ce tableau à un couvent de Franciscaines « les Colinettes » de Lyon. Ce couvent avait été fondé par le marquis et la marquise de Coligny en 1665 et suivait justement la règle de saint François[2]. Le premier conservateur du musée de Lyon François Artaud rapporte comme anecdote que la toile fait si forte impression aux religieuses qu'elle est remisée dans un grenier[3]. À la Révolution, il est vendu à un peintre et graveur lyonnais, Jean-Jacques de Boissieu. Celui-ci l'utilise en 1797 comme modèle pour une de ses estampes : Les pères du désert[3]. Quelques années plus tard, en 1807, à la suite des troubles engendrés par la Révolution, ce dernier vend le tableau de Zurbarán au musée des Beaux-Arts de Lyon. Ce tableau a longtemps été attribué à José de Ribera, avant d’être justement attribué de nouveau à son auteur d'origine en 1847[4]. DescriptionLe tableau représente saint François d'Assise habillé de sa robe de laine grise, appelée bure. Il semble être en position de prière et a les yeux levés au ciel. Contrairement à ce que l’on pourrait croire au premier regard, Zurbarán ne nous fait pas ici un portrait de saint François mais nous représente plutôt son corps, mort. Le tableau offre un camaïeu de bruns assez sombres, ce qui nous laisse dans une atmosphère assez morbide et effrayante. Seul le visage du saint est montré : on ne voit ni ses pieds, ni ses mains, ce qui accentue le mystère autour du personnage. État du tableauL'œuvre a été transposée toile sur toile et restaurée en 1936 puis entièrement nettoyée en 1992[2]. Une seconde restauration débute en 2023[5] ContexteCe tableau est peint lors du conflit qui oppose la France à l’Espagne, conflit dû à la guerre de Trente Ans qui oppose les deux pays. En 1659, date de l'achèvement de l’œuvre, le traité des Pyrénées est signé. Il signe la fin de la guerre entre les Français et les Espagnols. La France devient alors la plus grande puissance européenne avec la dynastie régnante des Bourbons. Lors de ce traité est signé le contrat de mariage entre Louis XIV et Marie Thérèse d'Autriche, ce qui allie les deux pays ennemis. AnalyseChoix du sujetSaint François s’avère être le saint que l'auteur a représenté avec prédilection. C’est un personnage qui l’inspire. Par exemple, à Londres la National Gallery expose deux autres de ses représentations de saint François : Saint François d’Assise en prière et Saint François à genoux avec une tête de mort. À Madrid une dernière huile sur toile représentant saint François est exposée, il s’agit également de Saint François à genoux avec une tête de mort. Selon la légende, en 1449, le pape Nicolas V visita la crypte où repose saint François à Assise et y aurait découvert, comme le pape Sixte IV plus tard, le corps du saint momifié et intact, debout et en extase. C’est cette légende très connue que le peintre espagnol Zurbarán a choisi de représenter. Cette représentation particulière du saint est assez rare dans l'iconographie chrétienne[3]. Réalisation de l’œuvreCette œuvre est une huile sur toile, permettant alors à Zurbarán d'exposer de nombreux détails comme le drapé du vêtement du saint ou encore l'expression de son visage. Dans cette toile, le peintre utilise également la technique du clair-obscur : cela crée des effets de contrastes violents entre le personnage et son tombeau. Ces effets de clair-obscur permettent de poser le saint dans l’espace, et il semble alors transformé en statue. La rigidité du corps du personnage confirme cette idée. CompositionLa structure du tableau se compose de plusieurs triangles, dont le sommet pointe toujours vers le haut du tableau. Ces triangles se projettent vers un hors cadre supérieur, qui représente le divin. Il y a deux triangles majeurs : le premier, dont la base est le bas du vêtement de saint François et le sommet arrive en haut de sa capuche et le deuxième dont les points de base sont les deux extrémités des coudes repliés du personnage et dont le sommet se dirige vers un hors champ, que l’on peut voir grâce à la direction du regard de saint François. D’autres petits triangles supplémentaires sont formés par les ombres des vêtements du personnage. Par l’utilisation de ces quatre triangles, saint François paraît tiré vers le haut par une force céleste[6]. EsthétiqueCette œuvre du XVIIe siècle appartient au Siècle d'or espagnol et s'inscrit dans un mouvement qualifié de baroque. Francisco de Zurbarán est également un peintre très inspiré par Le Caravage, dont il va reprendre les teintes sombres. Zurbarán se distingue dans les peintures religieuses car son art révèle une grande force visuelle et un profond mysticisme. Son style austère et sombre évolue peu à peu pour se rapprocher des grands maîtres maniéristes italiens. Ses représentations s’éloignent du réalisme et ses compositions s’éclaircissent dans des tons de plus en plus acides. À cette époque, le baroque se diffuse dans les pays catholiques tels que l’Espagne et la France, et ce mouvement se met au service de l’Église, et plus particulièrement des Jésuites : architecture avec des formes irrégulières, etc. Cet art, qu’utilise en partie Zurbarán (en effet il reste classique dans l’utilisation des formes), ferait la promotion des sentiments religieux chez ceux qui le regardent en les impressionnant par les effets de mouvement, les jeux d’ombre et de lumière, etc. Choix de représentationZurbarán peint ici une apparition terrifiante par son caractère monumental et sculptural. La lumière rasante issue de la porte ouverte à gauche souligne les volumes de la robe monochrome, déclinant toutes les nuances de couleurs sombres. L'ombre du corps se découpe à droite sur le mur, comme une présence invisible. On peut apercevoir seulement le visage aux yeux révulsés qui dépasse de la bure, avec sa bouche entrouverte qui semble prononcer un dialogue silencieux, ce qui suggère la communication avec cet au-delà. Cette systématisation du clair obscur, comme chez Le Caravage, a une signification symbolique : le monde terrestre est plongé dans l’obscurité, et l’intrusion divine se signale par la lumière. Ce procédé permet d’augmenter la tension dramatique et de figer les attitudes. RéceptionZurbarán est un peintre adulé de l’Âge d’or espagnol, il a été nommé « Peintre du roi » Philippe IV à son époque. Il a aussi été appelé à décorer le Salon de los Reinos du palais du Buen Retiro en 1634 avec son ami Velazquez. Son œuvre a fait l’objet de nombreuses commandes royales ou de particuliers : il a peint pour le roi, La Défense de Cadix, en 1634. Il est également resté très prisé après sa mort et son œuvre a été sollicitée par des hommes politiques français comme Joseph Bonaparte ou Louis-Philippe. Il ne s'est cependant jamais limité à la commande : il défendait sa liberté de peintre. ExpositionsCette toile a été exposée à de nombreuses reprises. Cette liste est constituée à partir du catalogue de Lavergne-Durey de 1993[7] :
Autres versionsIl existe deux autres versions autographes de ce tableau conservées l'un à Boston au musée des Beaux-Arts à Boston et l'autre à Barcelone au musée national d'Art de Catalogne[2].
Une réplique avec de menues variantes issue de l'atelier du peintre est conservée au couvent des Descalzas Reales[2]. Une autre version, de moins bonne facture, est conservée au château de Villandry et a fait partie de la collection Carvello[2]. Notes et références
BibliographieOuvrages sur Zurbarán
Ouvrages généraux sur les collections du musée
Ouvrages et articles sur l'œuvre
Articles connexes
Liens externes
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