Teruo Ishii(石井輝男, Ishii Teruo?, - ) est un réalisateur japonais surtout connu en Occident pour ses premiers films : la série des Super Giant et les ero guro (grotesque érotique), subdivision des pinku eiga, tels que Femmes criminelles (Tokugawa onna keibatsushi, 1968). Il a également réalisé Abashiri Prison (1965) qui a permis à Ken Takakura de devenir un acteur célèbre et unanimement apprécié au Japon[1]. Surnommé « The King of Cult » (« Le Roi du Culte »)
au Japon, Ishii a eu une carrière plus prolifique et plus éclectique que celle que nous lui connaissons habituellement en Occident[2].
Biographie et carrière
Débuts
Teruo Ishii est né le dans le voisinage d'Asakusa, un quartier populaire de Tokyo, Japon. Il apprécie très tôt le cinéma si bien que ses parents l'emmènent voir les films étrangers et, en particulier, les films français[3]. Ishii commence sa carrière en 1942 à la Tōhō en tant qu'assistant réalisateur. Celle-ci est interrompue par la Seconde Guerre mondiale lorsqu'il est envoyé survoler la Mandchourie pour prendre des photographies aériennes des effets de bombardements[4].
Ishii rejoint les nouveaux studios Shintōhō au mois de mars1947[4]. Le réalisateur se souvient de cette période comme étant « Sans doute la période la plus heureuse de [sa] vie professionnelle »[5],[3]. Il travaille comme assistant réalisateur avec Mikio Naruse qu'il considèrera comme son précepteur pendant le restant de sa carrière[1]. Il travaille également avec Hiroshi Shimizu et apprend le métier de scénariste avec Shin'ichi Sekizawa, mieux connu en Occident par la série des films intitulés Godzilla (Godzilla de 1954, Godzilla de 1998). Ishii fait ses premiers pas de réalisateur en 1957 avec King of the Ring: The World of Glory (Ringu no ōja: Eikō no sekai), un film qui a la boxe pour thème[4].
Il lui échoit ensuite de réaliser six épisodes de L'Invincible Spaceman (Super Giant(en)), une série de science-fiction destinée principalement aux enfants[4]. Cette série de neuf épisodes a été, par la suite, réduite à quatre sous le nom de Starman pour les besoins pour la télévision américaine. De 1958 à 1961 Ishii réalise quatre films noirs de la série intitulée Line ((ja) Chitai). Pour le dernier film de cette série, Sexy Line ((ja) Sexy chitai), Ishii promène sa caméra dans les rues d'Asakusa et de Ginza afin de filmer sur le vif. Ce film a été qualifié de « perspicace, intelligent et contagieux » et de « merveilleux cliché du monde souterrain de Tokyo habité par des prostituées, des malfrats et des « flics ». Le tout est filmé dans un style véridique. »[2]
Toei
Les studios Shintōhō font faillite en 1961 obligeant Ishii à chercher du travail auprès d'une autre firme. C'est ainsi qu'il rejoint la Tōei pour lequel il réalise Flower and Storm and Gang (Hana to arashi to gyangu, 1961), avec l'acteur Ken Takakura[4].
Abashiri Prison, son film de 1965, conforte la position de l'acteur Takakura dans la célébrité et offre au réalisateur son plus retentissant succès des années 1960. Ishii réalisera par la suite 10 des 18 films que comporte cette série.
En 1968, Ishii réalise deux séries (très appréciées) de films long métrage pour Toei. Pour la première vidéo de la série Hot Springs Geisha (1968-1972), Ishii insère à nouveau avec succès son « style cinématographique empreint de sardonisme menaçant dans cette « importante » comédie légère et frivole mettant en scène des geishas-masseuses opérant dans une source chaude »[6],[7]. Ishii confie ensuite cette série à d'autres réalisateurs. La série des Joys of Torture (1968-1973) conviennent mieux à Ishii. Ce dernier réalisera les huit films qui la composent. À commencer par Femmes criminelles (1968) qui a pour sujet l'histoire de la torture au Japon[8]. Passionné d'ouvrages d'horreurs et admirateur de l'auteur de romans à suspenseEdogawa Ranpo depuis l'enfance, Ishii adapte maintes histoires terrifiantes de cet auteur à ses films durant cette période. C'est ainsi que naît le plus connu d'entre eux, Horrors of Malformed Men[3]. Le terme d'ero guro (grotesque érotique), utilisé pour décrire les écrits de Ranpo, s'applique également aux films d'Ishii. Le terme désigne toujours, au Japon, les films mettant en scène le sadomasochisme le plus extrême. Weisser écrit à ce sujet :
« Les films de « Torture » réalisés par Ishii sont encore les meilleurs et n'ont pour rivaux que les productions d'un certain Kōji Wakamatsu (particulièrement Torture Chronicles: 100 Years (1975), quelques-unes de Masaru Konuma (i.e., Une femme à sacrifier et Fleur secrète, tous deux produits en 1974) et une autre encore de Go Ijuin (Captured For Sex 2, 1986)[9],[10]. »
Ishii a réalisé plusieurs des films à succès pour Toei au cours des années 1970 dont un « film rose violent », Female Yakuza Tale: Inquisition and Torture (1973)[11], avec l'actrice Reiko Ike et un des films de la série Street Fighter intitulé The Street Fighter’s Last Revenge (Gyakushu! Satsujin Ken), avec l'acteur Sonny Chiba au milieu des années 1970[12]. Ishii a également fait une incursion dans le genre Biker violent, avec Detonation! Violent Riders (Bakuhatsu! Bōsōzoku, 1975), Detonation! Violent Games (Bakuhatsu! Bōsō yūgi, 1976)[13].
Ishii renonce au cinéma après 1979 pour se consacrer avant tout à la télévision tout au long des années 1980.
Fin de carrière
Ishii renoue avec les studios Toei en 1991 pour la réalisation d'un film de V-cinema, The Hit Man: Blood Smells Like Roses. En 1993, il transpose en un film, Master of the Gensenkan Inn (Gensenkan shujin), un manga de Yoshiharu Tsuge et, en 1998, il porte à l'écran le manga d'avant-garde Wind-Up Type (Nejishiki) du même auteur[2]. En 1999, il reprend Hell (Jigoku, 1960), fameux film du réalisateur Nobuo Nakagawa, en s'inspirant de l'essai écrit par Shōkō Asahara, fondateur de la secte Aum Shinrikyō[1].
Son dernier film, The Blind Beast Vs The Dwarf (2001), est également inspiré de l'œuvre d'Edogawa Ranpo[1].
Méconnu hors des frontières du Japon durant une bonne partie de sa carrière, l'œuvre d'Ishii a été découverte et appréciée en Occident. Ishii a honoré de sa présence des festivals consacrés à ses films que ce soit au Festival du Film d'Extrême Orient d'Udine en Italie ou à L'Étrange Festival en France[3]. Au cours de ses dernières années, Ishii a souvent parlé d'un projet qui lui tenait à cœur et qu'il appelait Il était une fois au Japon[14]. Le sujet en était l'épopée d'un gangster avec l'acteur Ken Takakura[3]. Isshii meurt le , à l'âge de 81 ans, sans que son projet aboutisse. Tout au long de sa carrière, ses réalisations d'une grande variété de thèmes incluent les arts martiaux, la science-fiction, les films d’horreur et d'épouvante, les films érotiques et les films noirs. Ses 83 films sont un résumé de la tendance cinématographique en vogue au Japon pendant la deuxième partie du XXe siècle.
Filmographie
Sources pour la filmographie : les livres The Yakuza Movie Book: A Guide to Japanese Gangster Films[15] et A Critical Handbook of Japanese Film Directors - From the Silent Era to the Present Day[16] ainsi que les bases de données IMDb[17] et JMDb[18].
↑ abcd et e(en) Schilling, Mark The Yakuza Movie Book: A Guide to Japanese Gangster Films, éditeur=Stone Bridge Press, Berkeley, California, 2003, p. 56, ISBN (ISBN1880656760).
↑« without doubt the most joyful period of my professional life. »
↑« darkly sardonic cinematic style in favor of this light and frivolous 'mainstream' comedy about geisha masseuses operating inside a hotsprings resort. »
↑(en) Weisser, Thomas & Yuko Mihara Weisser Japanese Cinema Encyclopedia: The Sex Films, 1998, p. 198-199. Éditeur: Vital Books : Asian Cult Cinema Publications, Miami, (ISBN1889288527).
↑« The Ishii Torture movies are still the best-made, rivaled only by certain Koji Wakamatsu productions (especially Torture Chronicles: 100 Years (1975)), a few from Masaru Konuma i.e., Wife to be Sacrificed and Flower and Snake (both 1974)) and Go Ijuin's Captured For Sex 2 (1986) »
↑(en) Schilling, Mark The Yakuza Movie Book: A Guide to Japanese Gangster Films, Pages 55 à 70, Stone Bridge Press, Berkeley, California, 2003. (ISBN1880656760)
↑(en) Alexander Jacoby, A Critical Handbook of Japanese Film Directors : From the Silent Era to the Present Day, Berkeley, Calif., Stone Bridge Press, , 398 p. (ISBN978-1-933330-53-2), p. 85 et P.86
(en) Schilling, Mark The Yakuza Movie Book: A Guide to Japanese Gangster Films, Pages 55–70, Stone Bridge Press, Berkeley, California, 2003, (ISBN1880656760)
(en) Tominaga, Shinichi. (2000). "Geishas, Motorcycle Gangs and Supergiants: The World of Teruo Ishii—A spirited discussion between Teruo Ishii and cult director Takao Nakano." (Interview réalisée à Tokyo, Février2000) op. Asian Cult Cinema, no 28, Juillet2000, p. 48–62;
(en) Weisser, Thomas & Yuko Mihara Weisser Japanese Cinema Encyclopedia: The Sex Films, pages 198-199, Vital Books : Asian Cult Cinema Publications, Miami, 1998, (ISBN1889288527).