Variante contextuelleEn linguistique, l'expression variante contextuelle, variante combinatoire ou variante conditionnée peut désigner trois concepts :
Les variantes contextuelles ou combinatoires s'opposent aux variantes libres, qui sont indépendantes du contexte. Dans le cas de variantes contextuelles, les allophones, allomorphes ou allographes sont en distribution complémentaire. À propos des phonèmesÀ propos des morphèmesEn linguistique, on définit généralement un morphème comme le plus petit élément significatif, isolé par segmentation d'un mot, le plus souvent dépourvu d'autonomie linguistique. De même que le phonème, le morphème est une entité abstraite susceptible de se réaliser de plusieurs manières dans la chaîne parlée. À propos des graphèmesIl existe, dans certaines écritures, des graphèmes qui n'ont pas une seule forme immuable mais qui s'adaptent selon leur position dans le mot, ou contexte. Ainsi, à un graphème fondamental sont liés des allographes, qui n'ont pas le statut de graphèmes indépendants mais ne sont que des variantes contextuelles ou variantes combinatoires de ce graphème fondamental. De manière plus courante, on parle de ligatures. En typographie, ce terme n'est cependant pas un synonyme. Comme les variantes libres, elles :
Cependant, contrairement aux variantes libres, elles dépendent d'un contexte exclusif et ne sont jamais interchangeables. Cette dépendance au contexte peut être morphologique, syntaxique et phonétique. Parmi les écritures les plus connues suivant ce principe, on trouve : L'alphabet arabeDans l'alphabet arabe, chaque lettre possède quatre allographes, à l'exception d'un petit nombre de lettres dont le tracé reste invariable. Chaque variante s'utilise dans un contexte précis dépendant de sa place dans le mot :
À l'origine, l'alphabet arabe n'avait pas de telles variantes, qui sont nées des déformations impliquées par la graphie cursive, laquelle procède par des adaptations liées à la nécessité de ne pas lever le calame pour ne pas interrompre le trait. De simples variantes non pertinentes, les allographes ont ensuite acquis le statut de formes normées et obligatoires. On peut illustrer cela par le tracé d'une lettre, hāʾ (rappelons que l'arabe se lit de droite à gauche). Le processus ayant mené à la différenciation des allographes est ici très clair et dépend entièrement de la nécessité de ne pas lever le calame :
L'apprentissage des allographes de chaque lettre peut sembler difficile. En fait, il est grandement facilité si l'on garde à l'esprit qu'il ne s'agit que de respecter la contrainte de la cursivité : toutes les lettres (sauf six) d'un même mot doivent être liées et le trait doit revenir au niveau de la ligne de base pour permettre l'enchaînement. Il n'est donc pas possible de finir une lettre liée en haut ou en bas de cette lettre. La lettre ǧīm le montre clairement : Alors que la lettre est terminée, dans sa graphie fondamentale, par une large boucle basse ouverte revenant vers la gauche, cette boucle doit nécessairement être annulée dans les graphies liées pour permettre la jonction. Il ne reste donc que la partie supérieure de la lettre. Il n'est en effet possible ni de continuer le trait plus bas que la ligne d'écriture ni de continuer à écrire sous cette lettre. On aurait sinon pu imaginer que la boucle fût fermée pour repartir à droite. On remarque que les graphies initiale et médiane sont identiques : aucune adaptation supplémentaire n'est en effet nécessaire. Enfin, la graphie finale n'est qu'une forme reliée à ce qui précède de la graphie fondamentale, la boucle pouvant réapparaître. Quelque lettres arabe comme le mim ont plus de 3 forme sauf qu'en imprimerie ses variantes ne sont pas importantes. L'alphabet hébreuL'alphabet hébreu emploie cinq variantes contextuelles finales (l'Alphabet paléo-hébraïque ignore ces variantes). Le procédé est semblable à celui de l'arabe, mais bien plus simple (voir ci-contre). On remarque qu'il s'agit principalement d'une simplification du ductus, qui s'allonge. On sent là un procédé semblable à celui qu'on rencontre en grec. Ces variantes contextuelles sont obligatoires et se retrouvent dans la graphie cursive de l'alphabet. L'alphabet latinOn peut comparer les procédés utilisés pour l'alphabet arabe à la situation que connaît spontanément un scripteur utilisant l'alphabet latin quand il écrit dans une graphie cursive : il aura lui aussi tendance à tracer les lettres différemment selon leur place dans le mot. Seulement, chaque scripteur peut développer ses propres variantes, lesquelles ne sont jamais pertinentes et ne sont pas normalisées. Écrire en détachant toutes les lettres n'est pas impossible. C'est d'ailleurs ainsi qu'on imprime depuis des siècles la majorité des ouvrages. Bien que maintenant sorties des usages ou lexicalisées, des variantes contextuelles normalisées ont cependant été utilisées. S long et s rondL'exemple le plus notable est celui du s, qui se traçait différemment : s rond (notre s) en fin de mots, s long partout ailleurs : Le s long, issu de la demi-onciale latine (apparue vers le IVe siècle), s'est transmis à toutes les écritures latines postérieures. Son utilisation, au départ, ne suivait pas des règles strictes. Simple variante du s, il pouvait d'ailleurs être utilisé seul et en toute position. Son tracé a beaucoup varié selon l'écriture, sa localisation et le scribe. Petit à petit, cependant, il en est venu à remplacer s dans toutes les positions, sauf en finale. Cette convention s'est conservée dans l'imprimerie jusqu'au XIXe siècle, pendant lequel l'usage, déjà fluctuant à la fin du XVIIIe (dans un même ouvrage, les deux s pouvaient être utilisés en concurrence avec l's unique), se perd entièrement. Actuellement, des lecteurs non avertis confondent le s long avec un f. L'alphabet ouïghourL’alphabet grecOn trouve en grec deux variantes contextuelles : sigma (σ/ς/ϲ ; Σ/Ϲ) et bêta (β/ϐ). D'autres variantes dites « libres » existent aussi pour delta (δ), epsilon (ε), kappa (κ), thêta (θ), xi (ξ), pi (π/ϖ), rhô (ρ) et phi (φ) en minuscule, ainsi que pour upsilon (Υ) en capitale ; cependant elles ne suivent pas une règle contextuelle de graphie bien définie mais adaptée selon l’usage, le plus souvent comme symboles ou variables pour les mathématiques (ϵ, ϰ, ϑ, ϖ, ϱ, ϕ et ϒ), parfois comme style alternatifs de présentation des textes en grec bien qu'aucune différence n’y soit alors reconnue. SigmaLa lettre sigma ([s]) s'écrit σ en début et milieu de mot alors qu'elle s'écrit obligatoirement ς en fin de mot. On note que cette variante n'existe pas en capitales : en effet, le sigma final est la plus tardive des quatre variantes normalisées du sigma, lettre dont l'histoire est complexe :
En conclusion, l'on obtient actuellement les couples suivants :
Seuls Σ / σ / ς sont considérés non marqués. Il faut, de plus, bien noter que le sigma final ne s'emploie qu'en fin de mot et non de morphème : on pourra, dans un texte didactique, découper un mot en ses morphèmes. Dans ce cas, un sigma situé avant la coupe ne sera pas écrit avec sa variante finale. Ainsi :
BêtaDans la tradition philologique française exclusivement, le bêta, seulement en minuscule, ne se trace β qu'en début de mot. Ailleurs, il prend la forme bouclée ϐ : ΒΑΡΒΑΡΟΣ / βάρϐαρος bárbaros, « barbare ». Le bêta bouclé est emprunté à la graphie cursive manuscrite. À ce titre, les Grecs peuvent tracer ainsi à la main tout bêta, indépendamment de sa position, comme variante esthétique. La France est le seul pays à utiliser cette convention typographique. Articles connexes |