Émile Gilliard a passé son enfance et son adolescence à Moustier-sur-Sambre. Sa grand-mère paternelle résidait à Jemeppe-sur-Sambre, où il a vécu plusieurs années auprès d'elle ; sa famille maternelle, quant à elle, était originaire de Spy. Les grands parents de cet auteur ne parlaient que le wallon ; il l'a donc appris à leur contact[2]. Il était fier de ces origines[3]. Quant à sa vocation littéraire, Émile Gilliard l'attribue à la découverte d'un livre en wallon de Jules Pirot, vers ses douze ans[4].
Il a effectué l'essentiel de sa carrière à la bibliothèque des Comtes de Hainaut à Mons, en tant que bibliothécaire, puis en tant que directeur. Auparavant, il a été enseignant au Collègue du Sacré-Cœur de Profondeville, de 1954 à 1957, puis a été employé comme secrétaire, jusqu'en 1959. Il prend sa retraite en 1993[5].
Il épouse Jeanine Schmitz le 27 novembre 1957[5]. Elle est le sujet d'un grand nombre de ses poèmes[3], et en particulier du dernier recueil inédit paru du vivant de l'auteur, Zouprale. Sauvageonne (2022). Son frère, Fernand Gilliard, est peintre ; c'est lui qui a réalisé l'illustration de couverture de Dès djins à paurt.
Émile Gilliard est l'auteur de nombreux recueils de poèmes comme Chîmagrawes(wa) (1955), Pâtërs po tote one sôte di djins (1959), Vias d’mârs´(wa) (1961), Rukes di tëre (1966), Li dêrène saison (1976), Sillicose valley et tchökmwâr (1989), Vicadje (1992). En poésie, il se considère comme un « disciple proche » de Jean Guillaume[6].
Ses efforts dans cette veine sont très tôt remarqués. En 1959, il obtient le Prix de littérature wallonne de la Ville de Liège pour son deuxième recueil et, en 1965, il est finaliste du Prix biennal de littérature wallonne, qui est finalement remis à Géo Libbrecht pour la période 1958-1963[7].
Également auteur de proses, il a notamment traduit en wallon le roman Collines de Jean Giono sous le titre Su lès tiènes.
Il est cité dans l'anthologie Poètes wallons d’aujourd’hui[8] et dans l'Anthologie de la littérature dialectale de Wallonie, toutes deux dirigées par Maurice Piron. Il est également présent dans l'anthologie The Colour of the Weather. An anthology of walloon poetry (1980), de Yann Lovelock(en)[10]. De son vivant, il collaborait aux périodiques littéraires Les Cahiers wallons et micRomania[11].
La première édition de ce recueil constitue un numéro spécial de la revue littéraire Les Cahiers wallons (année 1961, no 9, novembre, paginé 147-176) ; il a connu une 2de édition en 2001, conjointement à deux autres recueils
Rukes di têre, Mons, éd. de Diffusion du livre wallon, 1966, 32 p.
Ce recueil a connu une 2de édition en 2001, conjointement à deux autres
Ce recueil constitue un numéro spécial de la revue littéraire Les Cahiers wallons (58e année, no 11, novembre 1995, paginé 165-180)
Crèchinces, Namur, éd. Lès Rèlîs Namurwès, 1998, 24 p.
Ce recueil constitue un numéro spécial de la revue littéraire Les Cahiers wallons (61e année, no 4, avril 1998, paginé 49-72) ; il a été réédité en 2004, au sein de Bokèts dèl dêrène chîje
Pâtërs po tote one sôte di djins, Vias d’ mârs et Rukes di tëre, Liège, éd. Dîre èt scrîre è walon, 2001, 106 p.
Ce recueil a fait l'objet d'une réédition augmentée, assortie d'une adaptation en français : Bokèts po l' dêrène chîje. Poèmes pour l'ultime veillée, Charleroi, éd. CROMBEL, coll. « micRomania », no 39, 2023, 159 p. (ISBN978-2-931107-08-9)
On-èsté dins vos-ouy et Noste Ârcadîye da nos-ôtes, Liège, éd. Dîre èt scrîre è walon, 2011, 46 p.
On-èsté dins vos-ouy a fait l'objet d'une réédition augmentée, assortie d'une adaptation en français : On-èsté dins vos-ouy. Un été dans vos yeux, Liège, éd. Société de langue et de littérature wallonnes, coll. « Littérature dialectale d’aujourd’hui », no 45, 2022, 72 p. (ISBN978-2-930505-37-4)
Rodjimont, paskéyes di todi, récits en prose, 1991, 144 p.
Ce recueil a connu une 2de édition en 2009, au sein de Paskéyes d’ avaur ci
A chîjes trawéyes(wa), recueil de nouvelles, Namur, éd. Lès Rèlîs Namurwès, 1996, 20 p.
Ce recueil constitue un numéro spécial de la revue littéraire Les Cahiers wallons (59e année, no 11, novembre 1996, paginé 153-172). Il a connu une 2de édition en 2009, au sein de Paskéyes d’ avaur ci
Ce recueil constitue un double numéro spécial de la revue littéraire Les Cahiers wallons (63e année, nos 7-8, juillet-aout 2000, paginé 97-132). Il a connu une 2de édition en 2009, au sein de Paskéyes d’ avaur ci
Dès djins à paurt, recueil de nouvelles, Liège, éd. Dîre èt scrîre è walon, 2001, 80 p.
Ce recueil a connu une 2de édition en 2009, au sein de Paskéyes d’ avaur ci
Ce livre réunit les recueils suivants, précédemment parus : Rodjimont, À chîjes trawéyes, Dèl Ruwane au Bwès Djilèt et Dès djins à paurt. Il y adjoint 15 récits inédits
Réédition en 2003 : Liège, éd. Dîre èt scrîre è walon, 134 p.
Lès mots dè pèpère da Félicyin, trad. de Lès meots du Pèpère Félicien de Daniel Barbez, Bruxelles, éd. Fédération Wallonie-Bruxelles, Service général des Lettres et du Livre, coll. « Lès bab'lutes », no 1, 2010, 38 p.
Réception critique
Dès 1965, à l'occasion du Prix biennal de littérature wallonne, le jury note le caractère prometteur de l'œuvre d'Émile Gilliard :
« M. Gilliard est poète, indiscutablement. Son meilleur recueil, Pâtërs po tote one sôte di djins, a été fort apprécié par le jury.
Toutes les ressources du wallon de Moustier-sur-Sambre, dialecte de M. Gilliard, y sont maîtrisées et contribuent à donner à une pensée claire, à une chaude sensibilité, à une belle imagination, du relief et de l'éclat. Le vers, sans s'assujettir totalement aux normes classiques, est toujours mesuré et coule sans effort. Il transmet au lecteur une poésie aux accents profondément humains. Considérant ces qualités, le jury souhaite voir M. Gilliard persévérer dans la poésie dialectale et serait heureux si des mérites aussi incontestables pouvaient recevoir leur récompense[7]. »
Plus tard, considérant les recueils Chîmagrawes, Pâtêrs po tote one sôte di djins, Li Dêrène saison et Silicose Valley & Tchōkmwâr, Marie-Thérèse Bettonville-Counet pointe la présence d'une critique sociale dans la poésie de Gilliard. À cet égard, elle insiste sur le désenchantement et la résignation qui traversent son œuvre :
« Désabusé et lucide, il puise sa matière dans la réalité douloureuse de la classe ouvrière exploitée. Il clame, dans des visions lancinantes, son désenchantement face à la destruction de la vraie vie passée et la résignation de l'homme soumis à la facilité. Il faut oser revenir à l'essentiel, à l'humain, aspirer quand même à dépasser la routine embourbée, continuer inexorablement le jeu de l'existence[12]. »
Depuis le décès d'Émile Gilliard, les critiques qui s'intéressent à son œuvre pointent d'abord le caractère engagé de sa poésie[13],[14]. Ainsi, en 2023, à l'occasion de la réédition du recueil Bokèts po l’ dêrène chîje, un critique met en évidence « deux veines majeures de l’œuvre gilliardienne » : le questionnement sur l’homme et son environnement et la défiance envers l’exploiteur, en communion avec tous les exploités[15].
Le travail de lexicographe d'Émile Gilliard a aussi fait l'objet d'une réception positive. En 2011, le linguiste Jean Germain a qualifié son Dictionnaire wallon de « nouveau monument de la lexicographie namuroise »[16].
↑Certains wallophones ont parfois adapté son nom de l'une ou l'autre manière suivante : « Mile Jiyârd », « Mimile Djiyåd ». L'auteur, quant à lui, a toujours signé Émile Gilliard, sans chercher à adapter ni son prénom ni son patronyme.
↑Émile Gilliard lui-même situe cette présidence de 1995 à 1999 (Dictionnaire wallon. Niyau d' ratoûrnûres èt d' mots walons d'après Moustî èt avaur la (payis d' Nameur), Liège, éd. Dîre èt scrîre è walon, 2007, p. VII) ; face à cette instabilité des données, nous avons suivi la source secondaire.
↑À la suite d'évolutions dans les conventions orthographiques adoptées par l'auteur, certains sons sont marqués « ê » dans les premières éditions, et « ë » dans les secondes éditions. C'est notamment le cas pour les titres Pâtêrs po tote one sôte di djins et Rukes di têre. L'auteur justifie ce choix dans son article « Le wallon tel qu'on le parlait à Moustier » : « Nous possédons également à Moustier un son è long (proche de â très ouvert ou de in) : fiêr ‘fer’, tchêr ‘cher’, poûssêre ‘poussière’, notamment. On le retrouve également dans les verbes conjugués comme ètèrer, intrer où le son è est suivi d'une syllabe avec e muet : on l'ètêrerè, nos-intêrerans, i mostêreront. Il est typique de notre entité. Pour permettre au lecteur de le distinguer facilement, en practicien régional que je suis, je l'écris ë, graphie que j'ai adoptée pour mon dictionnaire et dans mes œuvres les plus récentes. » (Émile Gilliard, « Le wallon tel qu'on le parlait à Moustier », dans Bernard Louis & Émile Gilliard, Hommage à Gabrielle Bernard (1893-1963), Liège, éd. Société de langue et de littérature wallonnes, coll. « Mémoire wallonne », no 20, 2018, p. 41.)
↑ a et bJoseph Dewez, « Émile Gilliard èst mwârt », dans Les Cahiers wallons, 86e année, no 2, mars-avril 2023, p. 33-34.
↑Émile Gilliard, Dictionnaire wallon. Niyau d' ratoûrnûres èt d' mots walons d'après Moustî èt avaur la (payis d' Nameur), Liège, éd. Dîre èt scrîre è walon, 2007, p. VI : « Un jour, vers mes 12 ans, je trouvai chez mes parents un livre écrit en wallon. Une révélation pour moi. C'était “Lès fauves da nosse vîye mére” de l'abbé Jules-Joseph Pirot. Il m'inspira la rédaction de mes premiers essais d'écriture wallonne. Récits de petite guerre de gamins qu'avec mon frère Jean nous rêvions de publier dans quelque revue. Expérience évidemment sans lendemain. »
↑ ab et cElizabeth Sleeman (dir.), International Who's Who in Poetry 2004, Londres-New York, éd. Europa Publications, 2003, p. 123.
↑Émile Gilliard, « 1950. Pacifique révolution chez les Rèlîs », dans Joseph Dewez, Jean Germain, Émile Gilliard & Bernard Louis, Le Centième anniversaire des Rèlîs namurwès, Liège, éd. Société de langue et de littérature wallonnes, coll. « Mémoire wallonne », no 14, 2011, p. 32.
↑Jean-Luc Fauconnier, « Émile Gilliard (Malonne 1928 - Liège 2023) », dans Èl Bourdon, no 755, avril 2023, p. 5.
↑« In memoriam. Émile Gilliard (Malonne 1928 - Liège 2023) », dans micRomania, no 125, juin 2023, p. 41.
↑Marie-Thérèse Bettonville-Counet, Littérature et philologie namuroises à la Société de Langue et de Littérature wallonnes : un esprit, un parcours, des perspectives…, Namur, éd. Lès Rèlîs Namurwès, s.d. non pag.
↑Baptiste Frankinet, « Panorama de la littérature en langues régionales romanes de Wallonie », sur le portail Objectif plumes (page consultée le 16 septembre 2023) : « Émile Gilliard, de Moustier-sur-Sambre, propose des textes très directs, ouvertement opposés aux injustices, révoltés contre le mode capitaliste et d’où jaillit la contestation d’une société inhumaine. »
↑Paul Gilles et Lès Rèlîs Namurwès, Qué bia bouquèt ! Anthologie sonore du wallon namurois, Namur, éd. Lès Rèlîs Namurwès, 2023, p. 243 : « En poésie, citons Chimagrawes (1955), À ipe (1992, réédité en 2021), Vicadje (1992), Li navia dèl pîrète (1992). Poète des petites gens, il y dénonce le plus souvent les injustices sociales et les dérives de notre époque. »
↑Jean Germain, « La lexicographie namuroise. Deux siècles de dictionnaires et de glossaires wallons en province de Namur », dans Joseph Dewez, Jean Germain, Émile Gilliard & Bernard Louis, Le Centième anniversaire des Rèlîs namurwès, Liège, éd. Société de langue et de littérature wallonnes, coll. « Mémoire wallonne », no 14, 2011, p. 92.