Au VIe siècle, une communauté monastique s’installe au bord de la Sûre dans un domaine qui était une ancienne villa romaine. Les terres appartiennent au diocèse de Trèves qui donne la permission d’y construire un prieuré.
Willibrord édifie la première église abbatiale en 700 avec le soutien financier de Pépin de Herstal. En 714, Pépin le Bref, fils de Charles Martel, est baptisé à Echternach. Très en faveur auprès de la famille carolingienne et déjà connu comme l’apôtre des Frisons, Willibrord obtient de plus l’aide de Wilfred, évêque d’York, qui lui envoie des moines irlandais de l’abbaye de Ripon pour évangéliser la région. Pour ce faire, il reçoit d'Angleterre, un ouvrage manuscrit particulier : les Évangiles d'Echternach. Ce dernier sera conservé par l'abbaye jusqu'en 1802, date à laquelle, le bibliophile lorrain Jean-Baptiste Maugérard[1] est envoyé sur place et y saisit plusieurs manuscrits pour le compte de l'État français dont l'évangéliaire. Dès lors il sera conservé à la Bibliothèque Nationale[2].
Après sa mort en 739, Willibrord est enterré dans son abbatiale : sa sépulture attire bientôt les pèlerins, surtout après sa canonisation.
En 751, Pépin élève le monastère au rang d'« abbaye royale » et lui donne son autonomie. Autour des murs de l’abbaye se développe un bourg qui deviendra une des villes les plus prospères du comté de Luxembourg. En 785, le troisième abbé d’Echternach, Bernard, est nommé archevêque de Sens. À sa mort en 797, Charlemagne prend le contrôle de l’abbaye.
L'abbaye devient un centre réputé de production de manuscritsenluminés du IXe au XIe siècle[3],[4]. Le scriptorium est connu dans tout le royaume franc. D’importants manuscrits enluminés produits à Echternach nous sont parvenus. La réputation de l’abbaye est telle que Charlemagne y envoie son écolâtreAlcuin s’y former avant d’ouvrir l’école palatine d’Aix-la-Chapelle. La minuscule caroline doit beaucoup à Echternach.
Très liée à la royauté franque l’abbaye décline rapidement lorsqu’elle perd ce patronage. Une restauration a lieu vers 971 lorsque l’empereur Otton y envoie une quarantaine de moines bénédictins de Trèves. Le monastère est de nouveau réformé en 1028 par la nomination du nouvel abbé Humbert et se retrouve sous la protection directe des empereurs et notamment d'Henri III du Saint-Empire. C’est durant ce nouvel âge d’or que sont composés, dans son scriptorium, le 'Codex Aureus d'Echternach', un codex biblique entièrement écrit à l’encre d’or (XIe siècle), ainsi que le Codex Aureus de l'Escurial et les évangiles de Goslar. À une période légèrement postérieure est produite toujours sur place la Bible géante d’Echternach.
D'autres ouvrages ont été élaborés dans le scriptorium de l'abbaye en particulier pour traiter un conflit entre l'abbaye et l'archevêché de Trèves tel le Liber aureus Epternacensis et le Libellus de Libertate Epternacensi Propuguata.
Suppression de l’abbaye
Les abbés d'Echternach sont princes du Saint-Empire et se succèdent jusqu’à la fin du XVIIIe siècle. Le dernier d’entre eux meurt en 1793. Il n'a pas de successeur : aucune élection n’a lieu. Le , le général Colaud entre à la tête des troupes françaises dans la ville d’Echternach.
Les moines qui restent sont chassés de l’abbaye qui est pillée. Le tombeau de saint Willibrord est profané. Monastère et église sont vendus comme biens nationaux en 1797. Jean-Henri Dondelinger, qui remporte les enchères, aménage les bâtiments en usine de porcelaine.
Vitrail de la vie de saint Willibrord, dans la basilique.
Intérieur de la basilique actuelle.
Restauration
Vers le milieu du XIXe siècle, le chœur de l'église s'effondre partiellement et menace de s’écrouler complètement. Aussi, en 1862, une association pour la reconstruction de l'église (Kirchbauverein) voit le jour à Echternach. Dès 1868, la reconstruction dans le style néo-roman est terminée. L’église est à nouveau consacrée.
Une partie de la basilique est détruite en 1944. Des tirs d'obus anéantissent les derniers murs. Elle est à nouveau reconstruite — sixième église en 14 siècles — en style roman comme à l'origine. La façade s'inspire de la basilique de Paray-le-Monial. L'édifice, reconstruit, est consacré en 1953. La crypte du VIIIe siècle a survécu aux vicissitudes des temps sans dommage majeur.
Le lycée classique d'Echternach et son internat occupent désormais une grande partie des bâtiments monastiques.
Gregor(ius) (Grégoire) Schouppe († , abbé de 1728 à 1751), 70ème abbé
Michael Hormann (1751–1775), 71ème abbé
Emmanuel Limpach († , abbé de 1775 à 1793), 72ème abbé
Prieur Binsfeld
Les cloches de l'Abbaye
La basilique pontificale Saint-Willibord d'Echternach possède le plus grand carillon de tout le Luxembourg avec neuf cloches qui sonnent en la volée appelée «lancé-franc». Les deux plus grandes se situent dans la tour Nord tandis que les sept autres sont locataires de la tour Sud. Sur le épaules de chaque cloche y figurent des décorations et une inscription écrite en latin consacrant chacune à un saint protecteur et à ses fonctions sacrées ainsi qu'un bref récit de son histoire[17].
↑Damien Halter, « Jean-Baptiste Maugérard », dans Isabelle Guyot-Bachy et Jean-Christophe Blanchard (dir.), Dictionnaire de la Lorraine savante, Metz : Éditions des Paraiges, 2022, p. 224-225.
↑Jean-Claude MULLER, « Faites-moi grâce de ne pas dédaigner mon envoi : Réquisitions de manuscrits et trafic d'incunables à Metz, à Luxembourg et au pas de Trèves par Jean-Baptiste Maugérard sous le Consulat », Hémecht, 52/1 (2000), p. 5-80