Albert Soboul est issu d'une famille modeste originaire de l'Ardèche. Son milieu social est composé de paysans, artisans et ouvriers.
Son grand-père, Pierre Marie Soboul, est ouvrier en soie. Il épouse le , Lucie Marie Dérocles, à Uzer[1]. De leur union naissent sept enfants dont Marie Soboul, enseignante et résistante[note 1]. En 1881, il est moulinier à Lyon[note 2]. En 1884, il est contremaître dans une nouvelle filature de soie à Montréal. Pierre et Lucie Soboul viennent ensuite habiter Largentière, puis le lieu-dit La Croisette d'Uzer, où ils achètent un café-restaurant.
Son père, Lucien Soboul, né le à Lyon dans le 6e arrondissement[4] est menuisier et s'installe en 1908 en Algérie pour exploiter des terres[5]. La politique du gouvernement d'alors est de promouvoir l'implantation de colons en Afrique du Nord. Lucien Soboul rentre au pays pour y prendre femme et rencontre Marie Antoinette Meillan, née le à Marseille[6]. Ils se marient le [7] à Saint-Andéol-de-Bourlenc en Ardèche. Lors de la cérémonie, Marie Meillan déclare qu'elle n'a « le consentement de personne, agissant comme libre et majeure »[8]. Elle est la fille naturelle de Séraphie Marie Meillan, domestique[note 3]. Le jeune couple part en Algérie, où naissent à Ammi Moussa, leur fille Gisèle en et leur fils, Albert, le .
Albert Soboul devient pupille de la Nation et, à ce titre, boursier de la République. Lui et sa sœur aînée Gisèle demeurent toujours en Algérie avec leur mère. Marie Meillan vend le domaine agricole en 1919 et s'installe à Alger, dans le quartier de Belcourt, où elle épouse en secondes noces, le , Victor Gabriel Repiquet[13], originaire de la Côte-d'Or[note 4]. Mais la mère d'Albert Soboul est atteinte de phtisie pulmonaire et décide, pour se soigner, de revenir en France au mois de .
La famille doit aller en Ardèche. Ils arrivent à Marseille, puis à Nîmes, où réside la tante d'Albert, Marie Soboul, professeur à l'École normale d'institutrices du Gard depuis 1909 et directrice de cet établissement en 1926. Marie Meillan reste quelques jours, avant de se rendre à Saint-Andéol-de-Bourlenc. Déjà très malade, elle meurt dans cette commune le , à l'âge de trente-deux ans[15]. Ses deux enfants sont élevés par leur tante, Marie Soboul. Elle joue un rôle important dans la formation scolaire de son neveu Albert et l'engage dans la voie d'études classiques et brillantes.
Il reçoit une solide éducation au lycée Alphonse Daudet à Nîmes, de 1923 à 1931. Albert Soboul entre au lycée Joffre à Montpellier en 1931, puis au lycée Louis-le-Grand à Paris en 1932, avant de rejoindre la Sorbonne en 1935.
Sous les pseudonymes de Jules Leverrier et de Pierre Dérocles[note 5], il publie en 1937 aux Éditions sociales internationales, un ouvrage consacré à Saint-Just.
Il est mobilisé la même année au mois de septembre, à la suite de la déclaration de guerre avec l'Allemagne nazie. Il sert dans l'artillerie hippomobile, sans jamais voir le combat, jusqu'à sa démobilisation en 1940. Professeur d'histoire au lycée de Montpellier, Albert Soboul organise une manifestation étudiante et y prend part, le . Arrêté, il est révoqué par l'administration de Vichy le . De janvier à , il se réfugie dans le Maquis du Vercors à Villard-de-Lans. Grâce à Georges-Henri Rivière, Albert Soboul est missionné par le Musée national des arts et traditions populaires en tant qu'ethnographe de 1943 à 1944[19], il enquête dans toute la France sur l'habitation rurale. Les possibilités de déplacement offertes par son statut de chercheur facilitent son action dans la Résistance.
L'historien
Après la Libération, en 1944, Albert Soboul retrouve son poste de professeur au lycée de Montpellier, avant d'être nommé au lycée Marcelin-Berthelot, puis au lycée Henri-IV. Il se lie d'amitié avec l'éminent historien Georges Lefebvre et prépare sous sa direction, sa soutenance de thèse : Les sans-culottes parisiens en l’an II. Mouvement populaire et gouvernement révolutionnaire, -9 thermidor an II. Sa thèse de doctorat d'État ès-lettres le , est un monument d'érudition peu contesté. En 1959, il devient coprésident de la Société des études robespierristes et secrétaire général des Annales historiques de la Révolution française. Albert Soboul est nommé à l'université de Clermont-Ferrand, puis accède le [5], à la chaire d'Histoire de la Révolution française à la Sorbonne et devient directeur de l'Institut d'histoire de la Révolution française. Le professeur Albert Soboul multiplie les voyages à l'étranger et contribue à des missions universitaires, congrès, conférences et colloques[20]. Les principaux congrès internationaux des sciences historiques auxquels Albert Soboul participe, sont : Stockholm en 1960, Vienne en 1965, Moscou en 1970, San Francisco en 1975 et Bucarest en 1980.
Si Albert Soboul est considéré comme l'une des figures les plus importantes du courant historiographique d'inspiration marxiste de la Révolution française, son œuvre ne doit pas pour autant se laisser enfermer dans cette catégorie et encore moins stigmatiser l'historien[21]. Il est nécessaire de rappeler qu'« en lui cohabitaient, non sans mal, le militant et l'historien, l'un comme l'autre plein de déchirures. Sa thèse, Les sans-culottes parisiens en l'an II […] en témoigne, comme elle fournit la preuve de sa probité intellectuelle »[22].
Au cours des années 1970, Albert Soboul doit faire face à l'opposition de l'école conservatrice qu'il nomme révisionniste[23], autour de François Furet — ancien membre du parti communiste français — et de son beau-frère Denis Richet ou des anglo-saxons comme William Doyle. La polémique autour de la Révolution française est analysée par l'historien Marc Bordeleau[24] :
« Avec le recul, nous constatons que les attaques de Furet à l'égard de Soboul étaient davantage d'ordre idéologique que scientifique, ce qui devrait nous faire réfléchir sur la valeur réelle de son travail d'historien et sur l'ostracisme qu'il fit subir à Soboul. »
Albert Soboul est l'historien par excellence des mouvements populaires, spécialiste des Sans-culottes de l'An II, il publie ensuite de nombreux travaux historiques, dont le Précis d'histoire de la Révolution française ou La Civilisation et la Révolution française en trois volumes. Ses ouvrages sont marqués par une recherche substantielle et un style clair. Son œuvre s'est révélée, en France et à l'étranger, comme la contribution majeure à l'étude de la Révolution française et de l'Histoire sociale. Le , il est élu président du conseil scientifique du musée de la Révolution française de Vizille[25].
Au mois de , Albert Soboul revient épuisé d'un colloque à Ottawa au Canada. Victime de plusieurs infarctus, il négligeait les prescriptions médicales. Albert Soboul part pour la Grèce en août, pays qu'il affectionne tout particulièrement. Ce nouveau voyage au vu de son état de santé, s'avère exténuant et à son retour, il est hospitalisé. Emmené à son domicile de Nîmes, Albert Soboul meurt le , à l'âge de soixante-huit ans.
Raymond Bloch, directeur à l'École pratique des hautes études, dans la préface du dernier ouvrage d'Albert Soboul consacré à « La France Napoléonienne », lui rend un vibrant hommage[26] et apporte un précieux témoignage :
« Son caractère bouillant et généreux m'avait dès l'abord séduit comme son ardeur au travail et sa vive intelligence. Au-delà des discussions que suscite toute œuvre originale, le dernier livre d'Albert Soboul me semble faire apparaître, chez l'auteur, l'extrême ampleur des connaissances, soigneusement recueillies et contrôlées, et la rare aptitude qui lui permettait de les dominer et d'en tirer des tableaux hauts en couleur. Avec un calme et un apaisement qu'on ne lui connaissait pas toujours, il décrit réalités économiques et sociales, mais aussi politiques, militaires et morales, et ce n'est pas sans plaisir qu'il s'est plu à rappeler ces propos de Napoléon, rapportés par Fontanes, grand maître de l'Université : « Il n'y a que deux puissances au monde, le sabre et l'esprit, et, à la longue, le sabre est toujours vaincu par l'esprit », ou bien encore cette phrase magnifique de Chateaubriand écrite en 1807 : « Lorsque tout tremble devant le tyran, l'historien paraît, chargé de la vengeance des peuples. C'est en vain que Néron prospère, Tacite est déjà né dans l'Empire ». Ainsi Albert Soboul aura-t-il manifesté dans son dernier livre la science et le talent qui lui ont fait occuper une place de choix parmi les érudits d'aujourd’hui. J'aurais voulu qu'il prît connaissance de ce jugement que je porte d'un cœur sincère. Il lui était destiné et il méritait bien de pouvoir l'entendre. »
Les publications sont classées selon l'année de première parution.
Saint-Just : ses idées politiques et sociales (sous le pseudonyme de Pierre Dérocles), Paris, Éditions Sociales Internationales, coll. « Problèmes », , 173 p.
La Naissance de l'Armée nationale, 1789-1794 (sous le pseudonyme de Jules Leverrier), Paris, Éditions Sociales Internationales, coll. « Problèmes », , 196 p.
L'an I de la liberté : étude historique, textes originaux, Paris, Éditions Sociales Internationales, , 302 p.
L'Armée nationale sous la Révolution, 1789-1794, Éditions France d'abord, 1945.
La Révolution française, 1789-1799, Éditions sociales, 1948.
Le Procès de Louis XVI, Paris, Julliard, coll. « Archives » (no 19), , 272 p.
Édition revue : Le Procès de Louis XVI, Paris, Gallimard, coll. « Folio. Histoire » (no 236), , 387 p. (ISBN978-2-07-045686-4).
Le Directoire et le Consulat, PUF, coll. Que sais-je ?, 1967, 126 p.
La Première République : 1792-1804, Paris, Calmann-Lévy, 1968, 365 p.
La Civilisation et la Révolution française : La crise de l'ancien régime (préf. Raymond Bloch), t. I, Paris, Éditions Arthaud, coll. « Les grandes civilisations » (no 10), (réimpr. 20 juillet 1978), 642 p. (ISBN978-2-7003-0199-1)
1789, l'an un de la liberté, Éditions sociales, 1973, 351 p.
Le Premier Empire, PUF, coll. Que sais-je ?, 1973, 126 p.
Précis d'histoire de la Révolution française, Paris, Éditions Sociales, (1re éd. 1962), 532 p. (présentation en ligne)
Voir également la nouvelle édition revue et augmentée du Précis d'Histoire de la Révolution française, sous le titre La Révolution française et publiée en 1984 aux Éditions Gallimard.
Comprendre la Révolution : problèmes politiques de la Révolution française, 1789-1797, Paris, Maspero, coll. « Textes à l'appui », , 380 p. (ISBN2-7071-1209-7, présentation en ligne).
La Civilisation et la Révolution française : La Révolution française (préf. Raymond Bloch), t. II, Paris, Éditions Arthaud, coll. « Les grandes civilisations » (no 18), , 552 p. (ISBN978-2-7003-0394-0)
La Civilisation et la Révolution française : La France napoléonienne (préf. Raymond Bloch), t. III, Paris, Éditions Arthaud, coll. « Les grandes civilisations » (no 19), , 490 p. (ISBN978-2-70030-395-7)
Olivier Bétourné et Aglaia I. Hartig, Penser l'histoire de la Révolution : deux siècles de passion française, Paris, La Découverte, coll. « Armillaire » (no 18), , 238 p. (ISBN2-7071-1839-7).
(en) Peter McPhee, « Albert Soboul (1914-1982) », dans Philip Daileader et Philip Whalen (dir.), French Historians, 1900-2000 : New Historical Writing in Twentieth-Century France, Chichester / Malden (Massachusetts), Wiley-Blackwell, , XXX-610 p. (ISBN978-1-4051-9867-7, présentation en ligne), p. 589-598.
↑Marie, Victorine Rose Soboul est née à Montréal dans le département de l'Ardèche, le , de parents agriculteurs[2]. Élève brillante, elle obtient son Certificat d'études primaires. Après l'École primaire supérieure de Largentière, elle entre à l'École normale d'institutrices de Privas, puis à celle de Nîmes. Marie Soboul reçoit une bourse qui lui permet d'être admise en 1904, à l'École normale supérieure de Fontenay-aux-Roses en région parisienne. Elle devient professeur de sciences naturelles et de dessin à l'École normale d'institutrices de Nîmes en 1909, dont elle était auparavant l'élève, et directrice de cette institution à partir de 1926 jusqu'en 1940[3]. Elle consacre sa vie professionnelle à la formation de ses élèves. De sensibilité socialiste, elle participe à des mouvements pacifistes[3]. Du fait de son engagement politique, elle est mise à la retraite anticipée en 1940. Elle milite au sein du Mouvement de libération nationale sous le nom de Valérie[3]. À la Libération elle participe au Comité de la Libération, créé le . Ce mouvement qui siège à la préfecture de Nîmes, gère les affaires du département au cours des 13 mois qui suivent la Libération[3]. Marie Soboul est alors membre de la commission de l'Instruction publique dans cette institution. Par la suite, elle siège au Conseil municipal de Nîmes au cours des deux premiers mandats de l'avocat Edgar Tailhades, de 1947 à 1959[3]. Marie Soboul épouse Antoine Usciati à Nîmes le . Elle meurt à Ajaccio, le . Une École d'application primaire publique porte son nom, au no 1 rue des Bénédictins à Nîmes.
↑Le prénom est bien orthographié Séraphie, et non Séraphine. Séraphie Marie Meillan est née à Selonnet dans les Basses-Alpes (Alpes-de-Haute-Provence), le [9]. Elle est la fille de Joachim, Toussaint Meillan et de Virginie Hermitte. Elle demeure au 32 rue des Minimes à Marseille en 1889 et épouse Justin, Lazare Eygazier le à Aix.
↑Victor, Gabriel Repiquet est le fils de Léonard, Marie Repiquet et de Marie-Louise Bœuf. Il est né le à Magnien dans le département de la Côte-d'Or[14]. Il épouse en premières noces, Marie Antoinette Meillan, à Alger, le . Après le décès de celle-ci, il se marie en secondes noces avec Céline Maria Batigne, à Alger le .
↑Dérocles : nom de famille de sa grand-mère paternelle.
↑ a et bClaude Mazauric (dir.), Un historien en son temps, Albert Soboul (1914-1982) : essai de biographie morale et intellectuelle, Paris, Éditions d'Albret, , 256 p. (ISBN978-2-91305-507-0).
↑Archives municipales : État civil de Marseille - acte de naissance no 377 - Archives municipales de Marseille. 10 rue Clovis Hugues 13003 Marseille
↑Archives municipales de Saint-Andéol-de-Vals. Le Village 07600 Saint-Andéol-de-Vals
↑État civil de Selonnet - acte de naissance no 15, cote du document 1MI5/1684 - Archives Départementales des Alpes-de-Haute-Provence. 2 rue du Trélus 04000 Digne-les-Bains
↑Albert Soboul restera membre du Parti communiste français jusqu’à sa mort, tout en étant, selon Claude Mazauric, « un communiste original, paradoxal, très souvent en désaccord, rebelle, qui n'a jamais abandonné son droit à la parole » (L'Humanité, 6 juin 2005).
↑Weber (Florence), "Le folklore, l'histoire et l'État en France (1937-1945)", Revue de synthèse, 121, juillet 2000, p. 455.
↑Marc Bordeleau, « Histoire et Idéologie : autour de la Révolution française, le débat entre Albert Soboul et François Furet », Bulletin d'histoire politique - Érudit, Montréal, vol. 8, no 1, , p. 210-222 (lire en ligne).
↑Albert Soboul (dir.) (préf. Raymond Bloch), La Civilisation et la Révolution française : La France Napoléonienne, t. III, Paris, Éditions Arthaud, coll. « Les grandes civilisations » (no 19), (réimpr. 1990,1992 et 1995) (1re éd. 1983), 490 p. (ISBN978-2-70030-658-3), p. 9 à 12.