Cantiones sacrae (H. Schütz, 1625)
Les Cantiones sacrae (littéralement : Chants sacrés) sont un recueil de quarante courts motets pour quatuor vocal et orgue, composés par Heinrich Schütz et publiés en 1625. Dans le Schütz-Werke-Verzeichnis (SWV), le catalogue des œuvres de Schütz, les Cantiones sacrae sont répertoriées aux numéros 53 à 93. Le contexte de la guerre de Trente Ans, opposant catholiques et protestants, et la ligne politique neutre Jean-Georges Ier de Saxe, protecteur de Schütz, mènent ce dernier à composer ces œuvres sacrées dans un esprit œcuménique et en langue latine, pour la première fois dans l’œuvre de Schütz. Ces motets illustrent le tournant dans le style de la musique sacrée de Schütz, évoluant de la Prima pratica dans le style de Palestrina vers le style madrigalesque italien de la Seconda pratica issu de Monteverdi, qu'il avait adopté depuis son séjour en Italie en 1610. Mais Schütz y imprime son propre style empreint d'un profond mysticisme et de la rigueur allemande de la structure musicale. HistoriqueSchütz compose ses motets pendant les premières années de la guerre de Trente Ans, alors qu'il est au service de Jean-Georges Ier de Saxe, à la cour de l'Électorat de Saxe. Heinrich Schütz semble avoir conçu ces motets dans un esprit œcuménique, dans la lignée de la position neutre de l'électorat de Saxe pendant cette période de cette guerre de religion entre catholiques et protestants. Ainsi, ils sont dédicacés au prince catholique Hans Ulrich von Eggenberg (en) et il s'agit de la première œuvre du compositeur utilisant la langue latine, de manière à pouvoir être utilisée aussi bien dans les offices catholiques ou protestants, Schütz ayant d'ordinaire recours à l'allemand vernaculaire[1],[2]. Les 40 motets paraissent en 1625 à Freiberg, alors que Schütz fête ses 40 ans. Plusieurs motets seront plus tard publiés avec un texte allemand : le n°32 (Ecce advocatus), nommé Siehe, mein Fürsprecher dans le livre I du Kleine geistliche Konzerte (I636), et Quid commisisti dans le livre II, en 1635-36[Br 1]. Style musicalEn raison de la guerre qui sévissait, l'effectif requis pour les jouer est réduit et permet une certaine intimité de l'interprétation et de l'écoute guère habituelle dans les œuvres sacrées au début du XVIIe siècle. Le style n'est pas uniforme dans l'ensemble du cycle. Même si l'essentiel a été composé en quelques années, Schütz a terminé quelques pièces commencées bien avant, comme Schütz lui-même le précise dans sa dédicace : « Travail bien sûr pas uniforme dans sa nature ... et cela s'est avéré différent selon le temps d'origine et l'époque de ma vie, car les Cantiones montrent en partie l'ancienne, en partie la nouvelle façon de chanter »[3]. Le style des cantiones évolue en effet de la Prima pratica, de style contrapuntique, à la Seconda pratica plus proche des madrigaux, en style imitatif avec plus de liberté dans le rythme et l'expressivité. Dans le même registre peuvent être rapprochés les cycles de madrigaux de son contemporain et ami Johann Hermann Schein, tels que Israelis Brünnlein[2]. Selon Messori, Schütz a entièrement absorbé le nouveau style des madrigaux vénitiens, auquel il a intégré la maturité de son style mystique[2], ainsi qu'une rigueur de la structure musicale purement allemande, absente des madrigaux italiens[4]. Les 40 motets sont à 4 voix a cappella, mais, à la demande de l'éditeur, une basse chiffrée aurait été ajoutée à la partition. Dans la préface du recueil, le compositeur précise que l'adjonction de cette basse chiffrée lui a été extorquée [« extorsit ») et qu'il considère une basse continue à l'orgue (« a bassus ad organum ») comme vain et maladroit (« vanum atq[ue] inconcinnum »)[3]. Cependant, cette phrase semble plutôt désigner les motets de style ancien, tandis que ceux qui sont le plus dans le style des madrigaux sont réellement enrichis par la basse continue, qui fait d'ailleurs partie de l'instrumentation traditionnelle des madrigaux[Br 2]. Textes et organisation généraleLes textes sont en grande partie tirés des Precationes Ex Veteribus Orthodoxis Doctoribus, un livre de prières en latin publié en 1553 par Andreas Musculus et qui reposent principalement sur des méditations augustiniennes et des psaumes, mais aussi du Cantique des Cantiques, ou encore de textes en latin de Bernard de Clairvaux[1]. Schütz semble avoir choisi les textes dans une optique intimiste et subjective, où le compositeur présente les choses de son point de vue : 30 des 40 textes contiennent des références à la première personne du singulier, et le texte central de l’œuvre, le N°20 Quid detur tibi contient une référence marquante au nom latin de Schütz (Henrico Sagittario) avec le mot Sagittae mis en valeur sur des vocalises[Br 1]. On retrouve des vocalises très similaires sur le texte Ego sum ("Je suis", n° 5), ou Ego enim ("Moi je", n° 6), laissant peu de doutes sur les intentions de Schütz[Br 3]. L'ensemble de l’œuvre semble avoir été conçue par Schütz non comme un assemblage disparate de motets, de styles et d'expression différentes, mais comme une œuvre globale unifiée, qui peut être chantée du début à la fin par les mêmes voix sans transposition[Br 4]. Le plan global semble également obéir à une logique et une intention, avec un ensemble de motets introductifs (n°1-3) et conclusifs (n° 36-40), dans une expression calme et fervente, et entre les deux une alternance de motets passionnés (n° 4-10, n° 21-25, n° 33-35) et de motets plus introspectifs traitant de la foi et l'espérance en Jésus[Br 5]. Liste des Cantiones sacraeLes 40 motets sont structurés en 22 groupes ayant le même thème et la même source religieuse : 5 à deux parties, 5 à trois parties, un à cinq parties, et onze motets indépendants.
Postérité et éditionsLes Cantiones ont été, après l'édition originale, republiés en partie dans le premier volume des œuvres complètes de Schütz par Breitkopf & Härtel, en 1885, supervisé par Philipp Spitta. Le reste a été republié en 1927, dans les volumes suivants, supervisés par Arnold Schering et Heinrich Spitta. Cette édition respectait les clés originales, toutes différentes selon les voix. En 1960, Gottfried Grote publie une Neue Ausgabe avec transposition dans les clés de sol 2ème ligne et fa 4ème ligne modernes. Une édition critique a été publiée par Bärenreiter en 2004, supervisée par Heide Volckmar-Waschk, qui utilise les clés modernes mais montre également les clés originales. Enregistrements
Bibliographie
Liens externesNotes et références
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