Le roman retrace l'ascension sociale d'une famille malouine pendant le règne de Louis XIV. Issu d'une lignée de regrattiers, petits commerçants sans envergure, Mathieu Carbec se décide à investir dans trois actions de la Compagnie des Indes, qui vient d'être créée en 1664. C'est le début d'une aventure commerciale qui lui permet de s'enrichir. Il le doit en particulier à son association avec le capitaine Le Coz, corsaire expérimenté et armateur avisé, expert en trafics et fraude fiscale, qu'il pratique impunément en toute discrétion. Le Coz se prend d'affection pour le fils de Mathieu Carbec, Jean-Marie, auquel il transmet tout son savoir. Après avoir débuté comme mousse sur un morutier, Jean-Marie fait fructifier la fortune héritée de son père et s'illustre sur mer par des expéditions au long cours et des hauts faits de « caprerie »[6]. Il épouse la fille de Le Coz et fonde ainsi une famille qui intègre l'aristocratie de Saint-Malo, celle des Magon et des Danycan. Il embarque une dernière fois pour participer à la Bataille de Rio de Janeiro en 1711, ce qui lui vaut d'être anobli.
Analyse
Pierre Campion admire le talent avec lequel l'auteur applique les recettes du roman populaire dans une intrigue riche en péripéties mêlant amour, argent, aventure, violence, et événements historiques. Il apprécie que ce roman « grand public » soit très bien documenté et qu'il donne vie à de nombreux personnages issus de toutes les couches sociales : sous ce règne de Louis XIV où les guerres se succèdent, Saint-Malo bénéficie d'une position privilégiée qui est mise à profit aussi bien par l'aristocratie que par les marchands et les boutiquiers. L'opposition entre ces deux mondes est illustrée par la rivalité entre Jean-Marie Carbec et Romain de Couesnon, qui fait preuve d'autant de morgue que d'intrépidité[7].
Marina Marengo s'intéresse à la dimension spatiale du roman, organisée en plusieurs zones de plus en plus étendues, depuis Saint-Malo jusqu'aux mers lointaines[9],[10]:
Le niveau local qui inclut la ville de Saint-Malo, en situation quasi insulaire, Paramé et, dans l'arrière-pays, le château de Couesnon. Les principaux personnages dont on suit la vie quotidienne se concentrent dans cet espace restreint.
Le domaine maritime des corsaires, principalement la Manche où transitent de nombreux navires de commerce rentrant chargés de biens précieux à destination de Londres et d'Amsterdam.
↑Romans et romanciers en Bretagne : Salon des romanciers de Bretagne à Carhaix, 29-31 octobre 1999, Rennes, Institut culturel de Bretagne, , 64 p. (ISBN2-86822-081-9, BNF37620780), p. 60.
↑Sébastien Le Prestre de Vauban et Albert de Rochas d'Aiglun (éditeur), Vauban : sa famille et ses écrits, ses "Oisivetés" et sa Correspondance, t. II : Correspondance / analyse et extraits, Paris, Berger-Levrault, , 629 p. (BNF31547778, lire en ligne), p. 597
« Ce terme de “caprerie” est spécial à Vauban qui a composé, en 1695, un Mémoire sur la caprerie, faisant partie de ses Oisivetés. Il désignait ainsi ce que l'on appelle en marine la course, parce que dans les ports français du nord on appelait “capres” les corsaires que les Flamands appelaient kaper, dont l'origine est la même que le verbe latin capere (prendre) »
↑Adolphe Bellet, La grande pêche de la morue à Terre-Neuve : depuis la découverte du Nouveau Monde par les Basques au XIVe siècle, Paris, A. Challamel, , 284 p. (BNF31789440, lire en ligne), p. 96
↑[Traduction non officielle d'un article publié en italien sous le titre: « Le Frange Costiere fra Apertura e Isolamento: Insularità e Îléité a Saint-Malo sul Filo della Memoria Letteraria »] (en) Marina Marengo, « Coastal fringes between opening and isolation. Insularity and Îléité at Saint-Malo: based on literary memory », Bollettino della Societa Geografica Italiana Roma, xIII, vol. VII, , p. 81-92 (lire en ligne [PDF]).
↑(en) Marina Marengo, « The City of Paper: Saint-Malo and its concentric
spatiality in the saga Ces Messieurs de Saint-Malo by
Bernard Simiot », Plurimondi, vol. VI, no 12, , p. 27-40 (lire en ligne).
↑ a et bBernard Simiot, Ces messieurs de Saint-Malo : roman, Paris, Albin Michel, , 522 p. (ISBN2-226-01734-8), 1. Mathieu Carbec, chap. 7
« Venus de toutes les régions, des centaines d’ouvriers y avaient bâti de misérables baraques, transformant peu à peu la lande marécageuse en un campement désordonné que les gens d’Hennebont et de Quimperlé avaient vite appelé « L’Orient » depuis qu’on y construisait des navires destinés aux Indes orientales. »