De 1514 à sa mort, il fut le principal artiste actif à la cour des ducs d'Este de Ferrare et de Modène, dont la petite cour valorisait sa réputation de centre artistique, à l'époque de L'Arioste, dont il fut l'interprète des évocations fantastiques[2]. Il a souvent travaillé avec son jeune frère Battista Dossi, qui avait travaillé sous la direction de Raphaël. Il a peint de nombreux sujets mythologiques et allégories avec une atmosphère plutôt onirique et des disharmonies de couleurs souvent frappantes. Ses portraits montrent aussi souvent des poses ou des expressions plutôt inhabituelles pour des œuvres de cour[1].
Certains de ses motifs mythologiques furent une source d'inspiration pour les peintres émiliens
du début du XVIIe siècle comme Annibale Carracci[2].
Il tient son nom de la villa familiale près de Mantoue, la Villa Dossi.
Biographie
Les données biographiques sur l'artiste sont rares et la date et le lieu de naissance exacts sont débattus par les historiens. Dans la courte biographie compilée par Giorgio Vasari en 1568, on dit qu'il est presque un contemporain de L'Arioste, cependant, des études ultérieures de Carlo Giovannini placent la naissance entre 1468 et [3]. On suppose également qu'il était le fils de Nicolò di Alberto di Costantino Luteri[4], de profession spenditore (économe) à la cour d'Este des ducs de Ferrare, et de Jacopina da Porto. Originaire du Trentin, Nicolò Luteri est inscrit dans un registre historique daté du près de Tramuschio[4] où il devient propriétaire d'une ferme dans la localité de Dosso della Scaffa (aujourd'hui San Giovanni del Dosso), de quelques terres de la Fossa delle Pietre[5] et de Villa Pentita dans le district de Mantoue, vicariat de Quistello. Le fait que Nicolò ait baptisé ses enfants avec les noms de Giovanni et Battista pourrait être lié au fait que le saint patron de San Giovanni del Dosso est précisément saint Jean le Baptiste[6]. De plus, dans le premier document attestant la présence du peintre à Ferrare, il s'appelle Dosso della Mirandola[7]. Son frère était communément appelé Battista Dossi (Battista del Dosso), de sorte qu'au XVIIIe siècle, les historiens locaux, croyant que Dossi était le nom de famille, ont également commencé à appeler son frère aîné Dosso Dossi, une forme incorrecte qui est restée plus tard dans l'histoire de l'art[8].
En 1514, il entame trois décennies de service pour les ducs Alphonse Ier d'Este et Hercule II d'Este, devenant le principal artiste de la cour. Dosso travaille fréquemment avec son frère cadet Battista Dossi, formé dans l'atelier romain de Raphaël. Il est connu pour avoir travaillé aux côtés de Benvenuto Tisi sur le polyptyque de Costabili.
Il crée des cartons de tapisseries, des décors de théâtre, des décorations de mobilier, des vues urbaines et des portraits de la famille princière. Il peint aussi de nombreux tableaux mythologiques et exécute pour le nouvel appartement du château de Ferrare Dix scènes de la vie d'Enée. On lui attribue la conception générale de la décoration de la Chambre d'albâtre du palais ducal, à laquelle Giovanni Bellini et Titien ont également participé depuis Venise. Il réalise également des retables pour les nombreux autels des églises ducales des Este, dont un grandiose polyptyque conservé au Palazzo dei Diamanti. Il réalise quelques tableaux, dont le Triomphe de Bacchus en Inde dont Raphaël a fourni les dessins sans pouvoir le peindre à la suite de sa disparition soudaine. Dosso est également responsable des toiles qui ornaient les plafonds et de nombreuses décorations mineures. Le complexe de la Chambre d'albâtre a été démantelé avec la dévolution de Ferrare à l'État pontifical en 1598 et les peintures ont été dispersées. Celles de Dosso se sont finalement retrouvées en partie à la Galleria Estense de Modène[9]. Entre 1518 et 1521, il réalise un retable pour l'autel de San Sebastiano dans la Cathédrale de Modène qui a été commandé par la Confraternité de la Table Commune des Prêtres.
Ami de L'Arioste, il s'absente plusieurs fois de la cour de Ferrare, pour séjourner à Venise. Il y est en contact avec Giorgione, Cariani, Savoldo et plus tard le Titien. Inspiré par l'art vénitien, Dosso Dossi est considéré comme le principal représentant de l'école ferraraise, correspondant en peinture de L'Arioste en littérature. Il séjourne à Florence en 1517 et à Mantoue en 1519 pour accompagner Titien. Il va à Rome avec son frère Battista en 1519-1520 et il y travaille avec Raphaël.
Entre 1531 et 1532, il se rend au château du Bon Conseil, à Trente avec son frère cadet Battista, à la demande du cardinal Bernhard von Cles qui leur confie la décoration d'une vingtaine de pièces du Palazzo Magno, le palais qu'il vient de faire construire à côté de l'ancienne forteresse, le Castelvecchio. Battista décore un corridor de fresques représentant les Dieux de l'Olympe, et Dosso peint sur le plafond de la Sala Grande « des putti frivoles devant des nuages sur fond de ciel bleu[10]. », où il travaille aux côtés de Romanino[9].
En 1541, il rédige son testament et s'éteint en 1542[11].
« La complexité des thèmes et les représentations allégoriques obscures ou excentriques que l'on trouve dans un grand nombre de ses meilleurs tableaux, continuent de défier toute explication. »
— Extrait de Chefs-d’œuvre du J. Paul Getty Museum, 1997[13].
Style
Dans sa formation, Dosso n'a pas puisé directement dans la prestigieuse école ferraraise du XVe siècle, mais n'en a été influencé qu'après avoir déjà appris les secrets des peintres vénitiens, en particulier de Giorgione. À ces enseignements de base, il a ensuite ajouté des références à la culture classique et à Raphaël, ainsi que sa propre attitude narrative bien développée[9] .
Avec de fréquents voyages (Florence, Rome et surtout Venise), Dosso s'est toujours tenu au courant de l'actualité des centres artistiques phares de la péninsule, entamant surtout un dialogue fructueux avec Titien, dont il reprend la richesse chromatique et les larges ouvertures dans le paysage. Malgré cela, il n'y a pas dans son art de fortes différences stylistiques entre les différentes phases, mais plutôt l'utilisation de registres différents selon le sujet : monumental pour les retables, plus fluide et inventif pour les sujets littéraires et mythologiques, qui demeurent la partie la plus appréciée de sa production[2]. Pendant un certain temps, il a été en contact avec Michel-Ange, peignant des nus virils massifs.
Dosso Dossi est moins connu pour son naturalisme ou son souci du dessin, et plus pour ses vanités allégoriques cryptiques dans des peintures autour de thèmes mythologiques, sujet de prédilection de la cour humaniste de Ferrare. Dossi utilise des distorsions de proportion excentriques, qui peuvent apparaître caricaturales ou même « primitivistes ». L'historien de l'art Sydney J. Freedberg voit dans cette caractéristique une expression de l' esthétique Renaissance de la sprezzatura (c'est-à-dire « l'insouciance étudiée », ou la nonchalance artistique). Dossi est également connu pour les choix atypiques de pigments brillants pour ses pièces d'ébénisterie. Certaines de ses œuvres, telles que la Déposition, ont des qualités[14] qui suggèrent certaines des œuvres du Corrège. La plupart de ses œuvres présentent des thèmes chrétiens et grecs anciens et utilisent la peinture à l'huile comme médium.
Ses dernières années, il accentue les contrastes de clair-obscur et les références symboliques dans ses œuvres[9].
Hommage
L'école d'art de la ville de Ferrare porte le nom de Dosso Dossi.
Principales œuvres
Gygès et Candaule, 1508-1510, huile sur toile, 41 × 54 cm, Rome, Galerie Borghèse
Triomphe de Bacchus en Inde, v. 1520-1524, huile sur toile, Bombay, collection privée
Vierge en gloire avec saint Jean-Baptiste et saint Jean l'Évangéliste, 1520-1530, huile sur bois transposée sur toile, 153 × 114 cm, Galerie des Offices, Florence
Déposition de la Croix, huile sur toile, 214×142, Forlì, Pinacothèque
Vierge à l'Enfant adorée par les saints Sébastien et Roch, huile sur toile, 113 × 75,7 cm Budrio (BO), Pinacothèque
Saint Jérôme dans un paysage, huile sur toile, 106 × 153 cm, Paris, Musée du Louvre
Récemment, le Portrait d'un adolescent à la National Gallery of Victoria, le mystérieux portrait d'un sujet inconnu par un peintre inconnu, a été identifié comme un portrait de Lucrèce Borgia par Dosso Dossi[16].
↑ a et b(en) Adriano Franceschini, Dosso Dossi, Benvenuto da Garofalo, and the Costabili Polyptyc in Ferrara, Getty Publications, (Bibcodeno, lire en ligne), p. 144
↑Archives notariales anciennes de Ferrare, notaire Cagnaccini
↑Sergio Poletti, I natali di Dosso Dossi, Circolo Politeama,
↑(en) Peter Humphrey, Dosso Dossi His Life and Works, Metropolitan Museum of Art e Paul Getty Museum, (lire en ligne), p. 3
↑A. Franceschini, Dosso Dossi, Benvenuto da Garofalo e il polittico Costabili di Ferrara, vol. XLV,
↑Castelli, seigneurs et châteaux d'Italie, Könemann, 2001.
↑Giovanna Nepi Sciré, La Peinture dans les Musées de Venise, Editions Place des Victoires, , 605 p. (ISBN978-2-8099-0019-4), p.579
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↑ ab et cJohn Walsh, Chefs-d’œuvre du J. Paul Getty Museum : Peintures, Thames & Hudson, (ISBN2-87811-128-1), p. 27-29
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