Jean Grenier, né le à Paris et mort à Vernouillet, est un philosophe et écrivain français.
Biographie
Jeunesse et formation
Camille Jean Charles Grenier est le fils d'Achille Camille Alfred Grenier, rédacteur principal, et de Joséphine Julie Hue. Il passe son enfance et son adolescence à Saint-Brieuc, en Bretagne, le pays de Jules Lequier, philosophe à qui il consacrera sa thèse de doctorat[1]. Il est élève du collège Saint-Charles de Saint-Brieuc, aujourd'hui également lycée et collège.
Ces premières années, pendant lesquelles il fait la connaissance de Louis Guilloux, d'Edmond Lambert et de Max Jacob, seront évoquées dans le roman autobiographique Les Grèves (1957)[2].
Après quelque temps passé aux éditions de La NRF, il revient à l’enseignement : professeur de philosophie au lycée d'Alger de 1930 à 1938. Albert Camus fut son élève, il en naîtra une amitié profonde[5]. Fortement influencé par Les Îles paru en 1933, Camus lui dédie son premier livre L'Envers et l'Endroit publié à Alger par Edmond Charlot ainsi que L'Homme révolté et il préface la deuxième édition des Îles en 1959. Vers 1935, Jean Grenier incite Albert Camus à militer au Parti communiste[6].
Les deux penseurs ont quand même suivi des voies différentes. Camus, vers la révolte et finalement les cris de La Chute, Jean Grenier vers une contemplation plus indifférente proche du WuWei (non-agir), l’un des préceptes essentiels du taoïsme, et secrètement chrétienne voire quiétiste[5],[7].
En 1938, l’Essai sur l'esprit d’orthodoxie rassemble des textes écrits essentiellement en 1936 et 1937, alors brûlants d’actualité, mais « en réaction contre elle ». Cet essai marqua une génération d’intellectuels divisée par le communisme.
Très au fait des mouvements intellectuels de son temps, Jean Grenier collabore à de nombreuses revues littéraires, philosophiques, artistiques comme L'Œil, XXe Siècle ou encore Preuves.
Intéressé par l’évolution de la peinture, il écrit des ouvrages sur la peinture contemporaine : l’Esprit de la peinture contemporaine, Essais sur la peinture contemporaine et Entretiens avec dix-sept peintres non figuratifs. Les réflexions sur l’histoire des théories esthétiques pour ses étudiants de la Sorbonne ont été réunies sous le titre L’art et ses problèmes.
Jusqu’en 1971, année de sa mort, Jean Grenier publie régulièrement des ouvrages traitant de questions philosophiques : Le choix, Entretiens sur le bon usage de la liberté, L’esprit du Tao, L’existence malheureuse, ou plus simplement du quotidien : Sur la mort d’un chien, La vie quotidienne. À la suite de la parution de Albert Camus, il reçut, en , le Grand prix national des Lettres[10].
Outre des définitions étonnantes de termes et de sentiments notés avec humour au fil des jours, il consigne, dans des Carnets, ses relations avec René Char, Louis Guilloux, Jean Giono, André Malraux, Manès Sperber, avec le groupe de La Nouvelle Revue Française, ainsi que ses conversations avec les nombreux artistes contemporains qui lui rendent visite dans sa maison de Bourg-la-Reine[11].
Vie privée
Il est le père de l'artiste peintreMadeleine Grenier (1929-1982) et du diplomate Alain Grenier (1930-2022). Son épouse, née Marie-Antoinette Serret, est décédée vingt ans après lui, en 1991.
Œuvres
Interiora rerum, Grasset, Coll. Les Cahiers verts, 70, 1927
Cum apparuerit, Coll. Terrasses de Lourmarin 19, Audin, 1930
Les Îles, coll. "« Les Essais » no 7, Gallimard, 1933 Réédité dans la coll. « L'imaginaire », 1977
La Philosophie de Jules Lequier, Vrin, 1936
Santa Cruz et autres paysages africains, Coll. Méditerranéennes 4, Charlot, 1937
Essai sur l'esprit d'orthodoxie, Gallimard, coll. Les Essais no 5, 1938
Inspirations méditerranéennes, Gallimard, 1941
Le Choix, Presses universitaires de France, 1941
L’Existence, Gallimard, Coll. La Métaphysique, 1945
Sextus Empiricus (traduction) Aubier, 1948
Entretiens sur le bon usage de la liberté, Paris, Gallimard, 1948
L'Esprit de la peinture contemporaine, Vineta, 1951
Œuvres complètes de Jules Lequier (présentation), La Baconnière, 1952
Lexique, Gallimard, Coll. Métamorphoses no 48, 1955
À propos de l'humain, Gallimard, Coll. Les Essais no 74, 1955
Les Grèves, Gallimard, 1957
Sur la mort d'un chien, Gallimard, 1957
L'esprit du Tao, Flammarion, 1957, réédition Flammarion, 1992
L'existence malheureuse, Gallimard, 1957
Essais sur la peinture contemporaine, Gallimard, 1959
↑Victor Monod, « Jean Grenier, La philosophie de Jules Lequier, 1936 », Revue d'Histoire et de Philosophie religieuses, vol. 17, no 5, , p. 583–584 (lire en ligne, consulté le )
↑Jacques André, « Louis Guilloux et Jean Grenier : entre lecture et écriture », dans Louis Guilloux, écrivain, Presses universitaires de Rennes, coll. « Interférences », (ISBN978-2-7535-4572-4, DOI10.4000/books.pur.34010, lire en ligne), p. 107–117
↑« Les nuances de l'improbable Jean Grenier se livre à une autoanalyse subtile d'un fragment de vie aux balancements incertains », Le Monde.fr, (lire en ligne, consulté le )
↑ a et b« Jean Grenier est mort », Le Monde.fr, (lire en ligne, consulté le )
↑« " Plus écrivain que philosophe " », Le Monde.fr, (lire en ligne, consulté le )
↑S. Sophie Juka, « L'humain et l'Absolu dans « Les Iles » de Jean Grenier », Revue de Métaphysique et de Morale, vol. 82, no 4, , p. 528–549 (ISSN0035-1571, lire en ligne, consulté le )
↑Encyclopædia Universalis, « JEAN GRENIER », sur Encyclopædia Universalis (consulté le )
La NRF, no 221, mai 1971 : « Jean Grenier », textes d'Henri Bosco, Etiemble, Georges Perros, Roger Judrin, Jean Daniel, Roger Grenier, Jean Clair, Antoine Terrasse, Roger Quesnoy, Yvon Belaval, Gaëtan Picon, suivis de « L’Escalier », par Jean Grenier.
Barrière G. : Jean Grenier, l'exil et le royaume. Mémoire de maîtrise présenté à la Sorbonne en 1973.
Camille Tarot : Problèmes du sujet dans l'œuvre et la pensée de Jean Grenier. Thèse de 3e cycle soutenue à l'Université de Caen en 1981.
Garfitt J.S.T. : The Work and Thought of Jean Grenier (1898-1971), MHRA Texts and Dissertations, Vol. 20, The Modern Humanities Research Association, Oxford, 1983.
Garfitt Toby. Jean Grenier : un écrivain et un maître, contribution à l'histoire intellectuelle du vingtième siècle. Editions La Part Commune, 2010.
Corneau P. : L'Humain et l'Absolu dans Les Iles de Jean Grenier. Mémoire de maîtrise présenté à la Faculté des Lettres d'Amiens en 1985.
Corneau P. : Présentation critique de Jean Grenier. Mémoire de D.E.A. en Littérature française et spiritualité présenté à la Faculté des Lettres de Metz en 1986.
Cahier Jean Grenier sous la direction de Jacques André, Éditions Folle Avoine, 1990.
Les Instants privilégiés, [Colloque de Cerisy][1] sous la direction de Jacques André, Éditions Folle Avoine, 1992.
Les Chemins de l’Absolu, Actes du Colloque Jean Grenier, Saint-Brieuc, 21 et 22 novembre 1998, Éditions Folle Avoine, 1999.
Millet Y. : Jean Grenier et l'esprit du Tao : le non-agir comme raison de l'œuvre, Thèse de doctorat en science de l'art, université de Paris 1, 1999.
Albert Camus, Jean Grenier, Louis Guilloux : écriture autobiographique et carnets, actes des Rencontres méditerranéennes, 5 et 6 octobre 2001, Château de Lourmarin, Éditions Folle Avoine, 2003.
Figure de Jean Grenier, Arearevue)s( no 5, septembre 2003.
Cahier Jean Grenier, Revue Europe no 897-898, janvier-février 2004.
Patrick Corneau : Une attention aimante, Jean Grenier - Ecrits sur l’art (1944-1971), choix d’articles de critique d’art et d’esthétique de Jean Grenier, Presses Universitaires de Rennes, Collection Critique d'Art, 2008.
Autres ouvrages
Max Jacob, Lettres à un ami. Correspondance 1922-1937 avec Jean Grenier. Pully-Lausanne, Vineta, 1951