Née sous les auspices du pacifisme de l'entre-deux-guerres, Europe a ensuite longtemps été proche du Parti communiste français, notamment dans le cadre d'un « antifascisme compagnon de route »[3].
La revue est domiciliée à l'ancien musée Lénine, au 4 rue Marie-Rose à Paris, dans un logement où a habité le révolutionnaire russe[4].
Histoire
La revue Europe voit le jour le . Elle est créée par Romain Rolland et son entourage : le groupe qui fonde Europe est en grande partie issu du groupe de l'Abbaye de Créteil. C'est ce que rappelle Jean-Baptiste Para :
« Dans le premier comité de rédaction, on trouve les noms de Georges Duhamel, Charles Vildrac, Luc Durtain, Jean-Richard Bloch et Léon Bazalgette, le traducteur de Walt Whitman. Plusieurs écrivains de la première équipe d’Europe avaient appartenu au groupe de l’Abbaye. Pendant la guerre de 1914-1918, refusant de céder aux sirènes du bellicisme chauvin, ils avaient reconnu en Romain Rolland le symbole du pacifisme et de l’indépendance d’esprit. Romain Rolland ne fut pas le fondateur d’Europe au sens matériel et concret, mais il assura incontestablement son patronage intellectuel[5]. »
René Arcos, l'un de ses fondateurs, expliquait le choix du titre dès le premier numéro :
« Nous disons aujourd'hui Europe parce que notre vaste presqu'île, entre l'Orient et le Nouveau Monde, est le carrefour où se rejoignent les civilisations. Mais c'est à tous les peuples que nous nous adressons […] dans l'espoir d'aider à dissiper les tragiques malentendus qui divisent actuellement les hommes[7]. »
René Arcos est rédacteur en chef d'Europe jusqu'en 1929 ; Jean Guéhenno lui succède alors, jusqu'en 1936, avant Jean Cassou, jusqu'en 1939.
Jusqu'en 1939 justement, où sa publication est suspendue, à la suite de l'annonce de la signature du pacte germano-soviétique, elle suit la route des communistes dans le combat anti-fasciste. En 1946, elle reparaît grâce à Louis Aragon qui la fait publier par La Bibliothèque française, absorbée en 1949 par les Éditeurs français réunis. Pierre Abraham prend alors la direction de la revue, tâche qu'il exercera jusqu'à sa mort en 1974. Pierre Gamarra, jusque-là rédacteur en chef, lui succède[8] et ceci jusqu'en 1995[9].
Durant les années 1960-70, de jeunes poètes ont été publiés dans une annexe de la revue, les Cahiers de Poésie.
Europe publie notamment des numéros spéciaux consacrés à des pays qui ne sont pas nécessairement reconnus comme de « grandes » nations de la littérature (en novembre 2006, la Nouvelle-Zélande, par exemple).
Il existe une Association des amis d’Europe qui a pour but, selon ses statuts, de développer une animation culturelle, principalement littéraire, et de contribuer ainsi au rayonnement de la revue « dans un esprit d'ouverture et d'accueil et dans la tradition humaniste qui caractérise Europe depuis sa fondation ».
« Je suis arrivée en France en 1972, mariée à un médecin français, que j'ai perdu à la suite de sa mort. Mes premiers amis, je les ai rencontrés à la revue littéraire Europe, c'était Madeleine Braun, Rouben Mélik, Charles Dobzynski, Pierre Gamarra… c'était ma première famille. Je continue à avoir une gratitude, une fidélité pour ces gens. À un moment donné, Aragon a dirigé la revue Europe, j'étais transie d'émotion en le voyant arriver rue (de) Richelieu, alors que je venais moi-même d'y entrer vers 1974. La guerre du Liban commençait et cet homme qui avait bataillé pour les peuples opprimés, m'impressionnait[14]. »
En 2003, Jérôme Garcin déclare à propos de la revue :
« Avec une discrétion qui l'honore mais une passion que l'on aimerait souvent savoir davantage partagée, la vaillante revue Europe, fondée il y 80 ans par Romain Rolland, perpétue le rite collectif de l'exercice d'admiration. Chaque mois, des écrivains s'y rassemblent pour évoquer les œuvres, souvent méconnues, parfois injustement oubliées, qui les font vivre[15]. »
Europe « s’affirme comme l’une des rares revues françaises de niveau international »[16].
Notes et références
↑ a et b« n° 1000-1001 - Abécédaire - août / septembre 2012 », Europe, (lire en ligne, consulté le )
↑Nicole Racine-Furlaud, « La revue Europe (1923-1939). Du pacifisme rollandien à l'antifascisme compagnon de route », Matériaux pour l'histoire de notre temps, vol. 30, no 1, , p. 21–26 (ISSN0769-3206, DOI10.3406/mat.1993.404087, lire en ligne, consulté le )
Nicole Racine et Michel Trebitsch (dir.), « La revue Europe », Lendemains, n° 86-87, 1997
Henri Béhar (dir.), Europe 1923-1998, une revue de culture internationale, actes du colloque tenu en Sorbonne le 27 mars 1998, organisé par Henri Béhar, sous l’égide de l’Association des amis d’Europe et de l’université Paris III-Sorbonne nouvelle, Europe, n° hors série, 1998, 144 p.
Philippe Niogret, La revue Europe et les romans français de l'entre-deux-guerres (1923-1939), L'Harmattan, coll. « Espaces littéraires », 2004, 320 p.