Joseph-Charles d'Almeida, fils de Francisco de Almeida Portugal(pt), rentier, futur comte de Lavradio, qui avait francisé son nom, et de Louise Joséphine Pierrette Miller, naît le à Paris, 40 rue de Verneuil. Son père était conseiller de l'ambassade du Portugal à Paris en 1830 et partageait les idées politiques de ses amis François-René de Chateaubriand et Jean-Guillaume Hyde de Neuville[1]. Francisco de Almeida, né au Portugal en 1796, habitait la capitale depuis 1819. Membre de la Société philomathique de Paris, il y a prononcé en 1824 un éloge du botaniste portugais José Correia da Serra (ministre plénipotentiaire du Portugal à Washington)[1],[2]. De 1851 à 1869, ce diplomate deviendra ministre plénipotentiaire à la légation portugaise à Londres[3].
Joseph-Charles d'Almeida est baptisé le à l'église Saint-Thomas-d'Aquin[4]. Né de parents portugais, il se fait naturaliser français en 1844 à l'âge de 22 ans[5].
À partir de 1853, il donna dans son appartement de la rue Royer-Collard des cours à Nestor Gréhant pour le préparer à la licence de sciences physiques. Ami du médecin Armand Moreau[8], il présenta son élève Nestor Gréhant[9] à Claude Bernard, qui deviendra son disciple[10].
Travaux et carrière
Le nom de Joseph-Charles d'Almeida est cité dans les carnets de Jules Janssen (1824-1907), qui lui montre ses spectres. Janssen le rencontre à ses conférences en [11].
Il est l'un des précurseurs des photos anaglyphes en 1858.
En 1860, en commun avec Pierre-Paul Dehérain, il fait des recherches sur l'électrolyse d’un mélange d’alcool et d’acide azotique (ancien nom de l'acide nitrique)[12].
Le , Adolphe de Paiva (attaché à la légation au Portugal) écrit au ministre affirmant que d'Almeida doit partir pour quelques mois au Portugal pour des raisons familiales assez graves ; cette lettre mentionne que le vicomte José de Paiva[13], ministre plénipotentiaire du Portugal à Paris, était l'ami intime de ce physicien[14].
Trois lettres de la collection Feinberg[15] montrent que d'Almeida, durant son séjour aux États-Unis en 1862, a rencontré William Douglas O'Connor[16], Rebecca Harding Davis (journaliste féministe américaine) et James Thomas Fields (éditeur et poète américain), ce dernier fit connaître au physicien Henry Longfellow (poète américain), Ralph Waldo Emerson (philosophe et poète américain) et Louis Agassiz (botaniste et géologue américano-suisse)[17].
À partir de 1868, d'Almeida conseille à Gabriel Lippmann de se diriger vers la section scientifique de l'École normale supérieure, où il entra à l'âge de 23 ans[18]. Après Lippmann, Émile Picard sera aussi l'élève de Joseph-Charles d'Almeida de 1868 à 1874 ; ce dernier est décrit comme un professeur distingué à qui on doit la première réalisation du relief au moyen des anaglyphes[18].
Jules Ferry, dans une lettre du adressée à Léon Gambetta et évoquant le siège de Paris, révèle à son correspondant que le porteur de la lettre, M. d'Almeida, est un de ses « anciens et très fidèles amis[20] ».
Membre du comité scientifique de défense, il quitte Paris en ballon, le , à bord du Gutenberg, avec Isaac Georges Lévy[21], rejoignant le même jour Montépreux (Marne). Il tente ensuite d'utiliser un procédé mis au point par Jean-Gustave Bourbouze pour établir une liaison télégraphique avec Paris en utilisant la Seine comme fil de ligne, lui depuis Poissy tentant de communiquer avec Bourbouze et Desains à Paris[22]. Il eut l'idée de photographies microscopiques comme moyen de correspondance[23]. La guerre terminée, il reprend ses cours au lycée Henri-IV.
Albert Fernique, qui s’occupait depuis longtemps de photographie, se trouvait en rapport avec d’Almeida, siégeant au ministère de l’Instruction publique, et il travaillait avec lui pour le Comité à des expériences relatives à la reproduction photo-microscopique des dépêches[24].
En 1872, il fonde le Journal de physique, avec Charles Brisse et la collaboration des principaux physiciens français : Berthelot et Desains. Alfred Cornu (1841-1902) fut amené à travailler pour le journal pour ses travaux relatifs à la diffraction de la lumière.
En 1873, d'Almeida est l'un des cofondateurs[25] de la Société française de physique (SFP), dont il devient le secrétaire général. La société comptait, au moment de sa mort, plus de 500 membres, dont près de 100 reçus en 1880[26].
Sa dernière résidence se trouve au 31 rue Bonaparte où il meurt en 1880[27].
Dans son testament olographe du , il nomme comme légataire universelle Félicité Cécile Janet (nièce du philosophe Paul Janet), institutrice. Il a légué à la Société française de physique les manuscrits d'André Ampère sur l'électrodynamique[28],[29].
« La Science et l'instruction publique viennent de subir une perte, dans la personne de M. d'Almeida, secrétaire de la Société de physique, inspecteur général. Esprit fin et distingué, dévoué aux choses de l'esprit, aimé et estimé de tous, il laisse un vide considérable parmi les hommes de ce temps. On n'a oublié ni son rôle dans la commission scientifique de la Défense nationale, ni la création du Journal de physique et de la Société de physique, dont il fut le principal promoteur ; ni l'accueil bienveillant et les encouragements qu'il prodiguait aux innovateurs scientifiques et aux jeunes professeurs. Peu de pertes pouvaient être plus sensibles à l'Université. Les obsèques de Mr d'Almeida, inspecteur général de l'instruction publique, auront lieu demain mercredi, à dix heures précises. Ceux de ses amis qui ne recevraient pas d'invitation particulière sont priés de considérer le présent avis comme une invitation. »
Il est probable que Joseph-Charles d'Almeida est mort d'une crise cardiaque comme le suggère la presse de l'époque : « Les amertumes de sa destinée le conduisirent à une fin tragique[31]. »Le Petit Parisien écrit : « Mr. d'Almeida est mort subitement dans la nuit de dimanche à lundi. C'est une perte pour l'université. Les obsèques de ce savant seront civiles[32]. »
Le savant a été enterré au cimetière du Montparnasse à Paris en concession perpétuelle no 220 PP 1880. Cependant la ville de Paris a repris la concession le et les restes du défunt ont été transférés à l'ossuaire du Père-Lachaise[33]. Ce physicien était issu « de la plus vieille famille aristocratique portugaise », et, bien que né et mort dans la capitale, la ville de Paris « ne lui attribua aucune plaque ou rue en son nom »[1].
En 1880, la SFP a rendu hommage à Joseph-Charles d'Almeida en lui érigeant un buste, placé dans sa salle de réunions. Ce buste, portant l'inscription « Fondateur de la Société de physique » et réalisé par le sculpteur Eugène Guillaume, a, semble-t-il, été présenté à l'Exposition nationale de 1883. On en trouve en effet une description dans La sculpture aux salons de 1881, 1882, 1883, et à l'Exposition nationale de 1883, par Henry Jouin[34]. Le président suivant de la SFP fut Edmond Bouty (1846 – 1922). La personne qui a rédigé une lettre le pour l'érection de ce buste dans la salle de séances de la Société française de physique située au 44, rue de Rennes est Éleuthère Mascart, ancien président de la Société française de physique, président du comité de souscription[35].
En 1907, Nestor Gréhant, médecin chercheur et professeur de physiologie, évoque les origines portugaises du physicien qui « partit lors du siège de 1870 en aérostat de Paris[37] ».
En 1913, le rapport sur une mission confiée à d'Almeida par le gouvernement de la Défense nationale, dont l'objet était d'établir des communications entre la province et Paris en 1870-1871, sera édité. Aussitôt la paix signée, d'Almeida présenta ce rapport à Adolphe Thiers, alors chef du pouvoir exécutif. Le physicien Paul Janet réalisa une introduction dans le rapport de d'Almeida et en a fait la lecture en inaugurant la Section de radiotélégraphie à École supérieure d'électricité, en . Dans ce document, d'Almeida décrit l'accueil bienveillant et cordial de Léon Gambetta, qui lui fit la promesse d'appuyer son projet. Dans son travail, d'Almeida nous fait soupçonner des rivalités qui paralysaient ses travaux comme l'un de ses photographes, Georges Lévy[38] (associé à Reboul est cité dans l'ouvrage d'Henri Dutrait-Crozon Gambetta et la défense nationale 1870-71 aux Éditions du Siècle, 1914, tous deux assuraient le service flotteurs et autres courriers que le courant de la Seine devait porter à Paris) qui fut menacé pour avoir transmis des photos à la presse. Dans son allocution, le physicien Paul Janet évoque l'admiration et l'inspiration de Charles d'Almeida pour Jules Verne[39].
Avec l'invention de la stéréoscopie par Charles Wheatstone et les anaglyphes 3D travaillés par d'Almeida, Louis Lumière va reprendre ces travaux en les adaptant au cinéma en 1936[40].
Publications
Décomposition par la pile des sels dissous dans l'eau, Martinet, 1856 — Thèse de doctorat.
« Nouvel appareil stéréoscopique », Comptes rendus hebdomadaires des séances de l'Académie des sciences, 1858, t. XLVII, p. 61–63lire en ligne sur Gallica
Cours élémentaire de physique suivi de problèmes, Dunod, 1874
(avec Augustin Boutan) Cours élémentaire de physique, précédé de notions de mécanique et suivi de problèmes, Dunod, 1863, 1867, 1884
(avec Augustin Boutan) Problèmes de physique, Dunod, 1862
Thèse de physique, sur la décomposition par la pile des sels dissous dans l'eau, Martinet, 1856
Rapport sur une mission confiée à Charles d'Almeida par le Gouvernement de la Défense nationale dont l'objet était d’établir des communications entre la Province et Paris lors de la Guerre de 1870-1871, Tours, Deslis Frères et Cie, 1913[41].
Journal de physique théorique et appliquée. A.(série 1), Bureau du journal de physique (Paris), 1872-1881. LillOnum, bibliothèque numérique de l'université Lille a mis en ligne les tomes :
Journal de physique théorique et appliquée. D. Quatrième série. Bureau du journal de physique ( Paris ), 1902 - 1910. Tomes disponibles en ligne sur LillOnum.
Journal de physique théorique et appliquée. E. Cinquième série. Bureau du journal de physique ( Paris ), 1911 - 1919. Tomes disponibles en ligne sur LillOnum.
Andrés Martinez Matiz, « Naissance et premiers pas de la SFP : 1873 -1905 », Bulletin de la Société française de physique, no 149, p. 15-19, 2005 [lire en ligne] — Directeurs de mémoire : Martha Cecilia Bustamante et Terry Shinn.
Mémoire de D.E.A. d’Andrés Martinez catalogué dans le fonds documentaire du C.N.A.M. [1]
Mémoire de D.E.A. d'Andrés Martinez - Matiz dans le fonds documentaire de la Bibliothèque de l'école Polytechnique [2]
↑Archives nationales, cote F/21/481 Lettre d'Adolphe de Paiva : « Paris le , Monsieur le Ministre, En l’absence de mon père, le Vicomte de Paiva qui est l’ami intime de M. D’Almeida, je prends la liberté de vous envoyer la demande officielle d’un congé de six mois que M. d’Almeida adresse à Votre Excellence. M. d’Almeida a des affaires de famille très graves, il est obligé de s’absenter pendant deux ou trois mois et aussitôt son retour, même avant l’expiration de congé demandé, il reprendrait ses fonctions. Veuillez excuser, Monsieur le Ministre, la liberté que je prends et je prie Votre Excellence d’agréer l’assurance de ma considération la plus haute. L’attaché à la Légation de Portugal. Adolphe de Paiva. ».
↑(en) The correspondance of Walt Whitman, vol. 1, 1842-1867, NYU Press, 2007, p. 77.
↑ a et bInstitut de France. Académie des Sciences. La vie et l'œuvre de Gabriel Lippmann (membre de la section de physique générale) — Lecture faite dans la séance annuelle du par M. Émile Picard, secrétaire perpétuel.
↑Jean Langevin, « Cent ans de Journal de physique », Le Journal de physique, t. 33, no 1, , p. 2 (lire en ligne). .
↑Jules Ferry, Lettres de Jules Ferry, 1846-1893, Paris, éd. Calmann-Lévy, , ciii-591-[2], 22 cm (BNF32102454, lire en ligne), « A Gambetta – [Paris] 14 décembre 1870 », p. 88. Une note de bas de page dans ce volume précise que M. d'Almeida est « professeur de l’Université ».
↑Alfred Sircos] et Th. Pallier (collaborateur) (préf. Nadar, ill. A. Tissandier et alii), Histoire des ballons et des ascensions célèbres, Paris, F. Roy, libraire-éditeur, , 476 p., in-4° (BNF31373860), p. 421 .
↑Isabelle Havelange et al., « ALMEIDA Joseph Charles d' » in Havelange Isabelle et al., Les inspecteurs généraux de l'Instruction publique. Dictionnaire biographique 1802-1914, Institut national de recherche pédagogique, 1986 p. 126-127.
↑Albert Fernique, Un voyage en ballon pendant le siège de Paris, novembre 1870, Saint-Quentin, J. Moureau, imprimeur, , 18 p., in-8° (BNF30429290, lire en ligne), p. 1. .
↑Andrés Martínez Matiz, Les origines et les premières années de la Société française de physique (1873-1905), Paris, [éd. par l'auteur], , 106 p., 30 cm (lire en ligne), p. 38.
Sur le site de la SFP, ce mémoire de DEA en épistémologie et histoire des sciences, présenté devant l'Université Paris 7-Denis Diderot, est scindé en quatre parties, le passage mentionné ici se trouvant en page 14 (sur 22) du document PDF constituant la seconde partie.
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↑Séances de la Société française de physique, année 1881 [lire en ligne].