En mathématiques, le lemme de Zolotarev est un résultat d'arithmétique modulaire équivalent au lemme de Gauss et introduit par Yegor Ivanovich Zolotarev en 1872 pour redémontrer la loi de réciprocité quadratique[1],[2]. Il énonce que pour tout nombre premier p > 2 et tout entier a non divisible par p, le symbole de Legendre (a/p) est égal à la signature de la permutation des classes résiduelles modulo p qui multiplie chaque élément par a.
Soit α la classe modulo p de l'entier a. La permutation de l'énoncé fixe la classe nulle, et s'identifie sur les classes non nulles à l'action τα de α par translation, dans le groupe multiplicatif Z/pZ*. Cette permutation se décompose en (p - 1)/i cycles disjoints, chacun de taille i, où i est l'ordre de α (c'est-à-dire le plus petit entier i > 0 tel que αi = 1). Sa signature vaut donc :
Pour comparer cette signature avec le symbole de Legendre (a/p), qui d'après le critère d'Euler, est égal à α(p - 1)/2, on discute alors suivant la parité de i :
- si i est pair alors ;
- si i est impair alors .
Dans les deux cas, c'est le résultat attendu.
Généralisation
Le théorème de Frobenius-Zolotarev[3],[4] indique que si V est un espace vectoriel de dimension finie sur le corps fini Fp, alors la signature de tout automorphisme de V (vu comme une permutation de cet espace vectoriel fini) est égale au symbole de Legendre de son déterminant :
Le lemme de Zolotarev correspond au cas V=Fp et u=la multiplication par a.
Démonstration
Le morphisme de groupes
est surjectif et son noyau, le groupe spécial linéaire SL(V), est le sous-groupe dérivé de GL(V).
Par propriété universelle de l'abélianisé, il existe donc un morphisme
par lequel le morphisme signature se factorise :
Enfin, ce morphisme f coïncide avec le symbole de Legendre, puisque ce n'est pas le morphisme trivial. En effet, on peut exhiber un automorphisme de V dont la signature est égale à –1 : si V est de dimension n donc isomorphe, en tant qu'espace vectoriel, au corps fini Fq pour q=pn, il suffit de choisir l'automorphisme de multiplication par un générateur du groupe cyclique Fq*. C'est bien une permutation impaire, puisque c'est une permutation circulaire de longueur paire (q–1).
Notes et références
- ↑ E. Zolotarev, Nouvelle démonstration de la loi de réciprocité de Legendre, Nouvelles annales de mathématiques 2e série, tome 11, 1872, p. 354-362
- ↑ (en) « Zolotarev's lemma », sur PlanetMath (inclut la preuve de la loi de réciprocité due à Zolotarev)
- ↑ Daniel Ferrand, Signature et déterminant, préparation à l'agrégation de mathématiques, Université de Rennes 1, février 2004
- ↑ Pierre Cartier, « Sur une généralisation des symboles de Legendre-Jacobi », dans L'Enseignement des Mathématiques, vol. 16, 1970, p. 31-48