Après une enfance nomade avec sa famille, elle se bat dès l'université contre le racisme et pour le droit des femmes. Elle quitte l'Australie à 18 ans et voyage pendant cinq ans avant d'y revenir pour reprendre ses études supérieures. Après un B.A. et un doctorat ès lettres, elle devient la première indigène diplômée en anthropologie et obtient plus tardivement un doctorat en géographie.
Elle s'investit sur les questions sociales et culturelles autochtones, notamment sur les revendications territoriales, les titres autochtones et les décès d'autochtones en détention, dans le champ associatif comme universitaire. En 2000, elle est titulaire de la chaire de la Fondation des études indigènes australiennes à l'Université de Melbourne et devient, en 2017, la première vice-rectrice de cet établissement.
Parmi ses responsabilités au sein de divers comités de haut niveau sur les questions autochtones, elle devient, en 2019, la coprésidente du Groupe consultatif principal de la voix autochtone au gouvernement. En 2023, elle milite pour le référendum qui propose d'ajouter un neuvième chapitre à la Constitution de 1901, reconnaissant les Aborigènes et les Insulaires du détroit de Torres comme les premiers peuples de l’Australie.
Biographie
Débuts et formation
Marcia Langton naît en 1951 à Brisbane, fille de Kathleen Waddy et d'un père avec lequel elle n'a pas de relations. Un an après sa naissance, sa mère épouse Douglas Langton[2]. Marcia Langton est une descendante des nations Yiman et Bidjara, deux peuples aborigènes australiens[2]. Elle grandit et voyage avec sa famille dans le centre-sud du Queensland et à Brisbane[2].
Dans les années 1970, elle milite dans le mouvement pour la libération des femmes, en particulier des femmes noires[3]. À l'Université du Queensland, elle milite pour les droits des autochtones[4]. Elle fonde le quotidien aborigène Kooribina (« oreilles noires »)[5]. À 18 ans, en butte au racisme à l'université et à la répression policière du Queensland lors de manifestations, elle part pour un voyage de cinq ans à travers la Papouasie-Nouvelle-Guinée, New York, Tokyo et Taïwan[6]. C'est là qu'elle se convertit au bouddhisme[2]. L'artiste WiradjuriBrook Andrew(en) a peint Langton dans une pose bouddhiste[7],[8].
À son retour en Australie dans les années 1980, Marcia Langton entame sa formation universitaire. En 1985, elle obtient son Bachelor of Arts (Honours) First Class puis son doctorat ès Lettres à l'Université nationale australienne[9]. Elle étudie l'anthropologie, devenant la première indigène diplômée en anthropologie.
En 2012, elle devient marraine de l'Indigenous Reading Project[13], une organisation caritative qui utilise la technologie numérique pour améliorer la capacité de lecture des enfants aborigènes et insulaires du détroit de Torres[14],[15].
Langton fait partie du jury du Prix Horne(en) depuis sa création en 2016[16].
Le , elle devient coprésidente du Groupe consultatif principal de la voix autochtone au gouvernement (Co-Design Senior Advisory Group)[17],[6], convoqué par le ministre des Affaires indigènes Ken Wyatt (2019-2022), aux côtés du professeur Tom Calma(en)[18],[19].
Carrière universitaire
Langton est connue pour son travail universitaire en faveur des droits autochtones, de la justice et de l'expression artistique. Elle mène des travaux anthropologiques pour soutenir les revendications territoriales des peuples autochtones et leurs négociations avec les sociétés minières et l'État[20].
En 1995, elle s'oriente à temps plein vers la recherche et l'enseignement universitaires. Elle passe cinq ans à l'université du Territoire du Nord (aujourd'hui l'université Charles Darwin) à Darwin[12] avant de déménager à Melbourne. En 2000, elle est titulaire de la chaire de la Fondation des études indigènes australiennes au Centre for Health and Society, Faculty of Medicine, Dentistry and Health Sciences à l'Université de Melbourne[9],[21]. En 2017, elle est la première vice-rectrice nommée à l'Université de Melbourne[9].
En 2000, elle est l'une des cinq leaders indigènes à obtenir une audience avec la reine Élisabeth II[22] pour discuter d'excuses aux peuples autochtones d'Australie et de la reconnaissance des indigènes dans la Constitution australienne[23].
En mai 2008, le gouvernement fédéral la nomme au groupe de travail sur les paiements des titres autochtones qui étudie la réforme du processus australien des titres autochtones[24].
Marcia Langton travaille à la modernisation des engagements entre les sociétés minières et les autochtones[25],[20]. Elle fait valoir que le règlement avec des sociétés minières sur des terres aborigènes profite souvent plus aux intérêts locaux qu'au gouvernement australien et que la taxe sur les ressources minières proposée en 2010 en Australie nécessite une refonte pour soutenir les droits et l'emploi des aborigènes[26]. En 2017, elle s'oppose aux « écologistes » qui contrecarrent la réforme des titres autochtones afin de renforcer leur campagne contre le projet de mine de charbon CarmichaelAdani[19]. Sa position est combattue par Tony McAvoy, un autre avocat autochtone[27].
Le , un référendum a lieu sur le projet d'ajouter un neuvième chapitre à la Constitution de 1901, reconnaissant les Aborigènes et les Insulaires du détroit de Torres comme les premiers peuples de l’Australie[28]. Cette reconnaissance devant s'accompagner de la création d'une « Voix » auprès du Parlement et du gouvernement fédéraux. 60 % des australiens[29] rejettent le référendum et Marcia Langton qui a beaucoup milité en faveur de cette adoption[30] estime que « la réconciliation est morte »[29],[31]. Un mois avant ce vote, le , elle plaide pour que le gouvernement Albanese planifie une consultation en cas d'échec du référendum sur la Voix, arguant que le « statu quo brisé » de l'Australie risquait d'entraîner la disparition des Aborigènes et des insulaires du détroit de Torres[32].
Elle est décorée membre de l'ordre d'Australie en 1993 en raison de ses « services en tant qu'anthropologue et défenseuse des questions autochtones »[34]. Elle est promue officière de l'ordre d'Australie lors des honneurs de la Journée de l'Australie 2020 pour « service distingué à l'enseignement supérieur et en tant que défenseuse des aborigènes et des insulaires du détroit de Torres »[35]. Elle est également nommée :
membre de l'Académie des sciences sociales d'Australie, élue en 2001[36] ;
(en) Welcome to country : an introduction to our first peoples for young Australians (guide touristique à propos des Aborigènes australiens et des insulaires du détroit de Torres, à partir de 11 ans), Richmond, Victoria, Hardie Grant Publishing, , 220 p. (ISBN9781741176667, présentation en ligne)
(en) avec Judy Longbottom, Community futures, legal architecture : foundations for indigenous peoples in the global mining boom, Abingdon, Routledge, , 304 p. (ISBN9780415518215, présentation en ligne)
(en) avec Rachel Perkins, First Australians : an illustrated history, Melbourne, The Miegunyah press, Melbourne University Publishing, , 393 p. (ISBN978-0-522-85315-5, lire en ligne).
(en) avec Odette Mazel, Lisa Palmer, Kathryn Shain, Maurenn Tehan, Settling With Indigenous People : Modern Treaty and Agreement-Makinga, Annandale, N.S.W., Federation Press, , 296 p. (ISBN9781862876187, lire en ligne)
(en) An Aboriginal ontology of being and place : the performance of Aboriginal property relations in the Princess Charlotte Bay area of eastern Cape York Peninsula, Australia (thèse), Macquarie University, (lire en ligne).
(en) avec Maureen Tehan, Lisa R Palmer, Kathryn Shain (éds.), Honour Among Nations ? Treaties and Agreements with Indigenous People, The University of Melbourne Press, (ISBN0522851061, lire en ligne)
(en) avec Bill Jonas, The little red, yellow & black (and green and blue and white) book : a short guide to indigenous Australia, Darwin, Australian Institute for Aboriginal and Torres Strait Islander Studies, , 52 p. (ISBN9780642212085, lire en ligne)
(en) avec le Council for Aboriginal Reconciliation (Australia), Valuing cultures : recognising indigenous cultures as a valued part of Australian heritage, Canberra, Australian Govt. Pub. Service, coll. « Key issue paper (Council for Aboriginal Reconciliation) » (no 3), , 53 p. (ISBN9780644328456, lire en ligne)
(en) avec Australian Film Commission, Well, I heard it on the radio and I saw it on the television : an essay for the Australian Film Commission on the politics and aesthetics of filmmaking by and about Aboriginal people and things, North Sydney, NSW, Australian Film Commission, , 93 p. (ISBN9780642191793, lire en ligne)
(en) After the tent embassy : images of Aboriginal history in black and white photographs, Valadon Pub., , 120 p. (ISBN9780959420234, lire en ligne)
Articles
(en) « The end of ‘big men’ politics » (essai), Griffith Review, (lire en ligne)
(en) Trapped in the Original Reality Show dans Griffith review : re-imagining Australia, South Brisbane, Qld., Griffith University in conjunction with ABC Books, (lire en ligne), p. 143-162.
(en) avec Odette Mazel, « Poverty in the Midst of Plenty: Aboriginal People, the ‘Resource Curse’ and Australia’s Mining Boom », Journal of Energy & Natural Resources Law, vol. 26, no 1, , p. 31–65 (ISSN0264-6811 et 2376-4538, DOI10.1080/02646811.2008.11435177, lire en ligne, consulté le )
(en) avec Martin Nakata, « Australian Indigenous Knowledge and Libraries », Australian Academic & Research Libraries, (OCLC834167790, lire en ligne)
(en) « Burning Questions : Emerging Environmental Issues for Indigenous Peoples in Northern Australia », Quality of Human Resources : Gender and Indigenous Peoples – Emerging Environmental Issues For Indigenous Peoples In Northern Australia, (lire en ligne)
Films
1989 : Night Cries: a rural tragedy court métrage, réalisation Tracey Moffatt, Marcia Langton dans un rôle[41]
1993 : Jardiwarnpa : a Warlpiri fire, série Blood Brothers, réalisation Ned Lander[42]
2008 : Blood brothers - First Australians, réalisation Rachel Perkins, série pour SBS television, commentaires de Marcia Langton[43]
2011 : Here I Am, long métrage de Beck Cole, Marcia Langton dans un rôle, récompensé par ImagineNative Film + Media Arts Festival[44]
Bibliographie
(en) Peter Sutton, The Politics Of Suffering : Indigenous Australia and The End of the Liberal Consensus, Carlton, Melbourne University Press, , 364 p. (ISBN9780522859355, lire en ligne [livre numérique])
(en) Stan Stevens (éd.), Indigenous peoples, national parks, and protected areas : a new paradigm linking conservation, culture, and rights, Tucson, University of Arizona Press, (ISBN9780816598601, lire en ligne)
(en) The Wentworth lectures : honouring fifty years of Australian indigenous studies, Canberra, ACT, Aboriginal Studies Press, , 318 p. (lire en ligne), p. 11
(en) Shaun Carney, The change makers : 25 leaders in their own words, Carlton, Victoria, Melbourne University Press, (ISBN9780522874792, lire en ligne [livre numérique])
(en) Sophie Gerhard (éd.), Who Are You : Australian Portraiture (catalogue d'expositions), Melbourne, Thames & Hudson Australia, (ISBN9781760762742, lire en ligne)
↑ a et b(en-GB) Katharine Murphy, « Marcia Langton and Tom Calma to lead Indigenous voice advisory group », The Guardian, (ISSN0261-3077, lire en ligne, consulté le )
↑(en) Mark McKenna, Looking for Blackfella's point: an Australian history of place, Sydney, University of New South Wales Press, (ISBN0868406449), p. 235
↑(en) Aboriginal and Torres Strait Islander Social Justice Commissioner, Native Title Report, Australian Human Rights Commission 2009, , 242 p. (lire en ligne [PDF])
↑(en-GB) Joshua Robertson, « Leading Indigenous lawyer hits back at Marcia Langton over Adani », The Guardian, (ISSN0261-3077, lire en ligne, consulté le )
↑(en-GB) Michael Safi, Marcia Langton, Courtney Yusuf et Solomon King, « The fight to give Indigenous Australians a voice – podcast », the Guardian, (ISSN0261-3077, lire en ligne, consulté le )
↑ a et bMartin Préaud, « Un référendum qui laisse sans Voix – L’Australie refuse d’écouter ses peuples autochtones », Journal de la Société des Océanistes, vol. 157, no 2, , p. 273–284 (ISSN0300-953X, lire en ligne, consulté le )