Après des études secondaires au lycée Lakanal et des classes préparatoires au lycée Saint-Louis, Nicolas Bouleau est admis en 1965 à l’École Polytechnique dont il sort dans le corps des Ponts et chaussées. En même temps que l'école d'application, il engage des études d'architecture qu'il conduit jusqu'au DPLG. Son diplôme est une analyse sociologique et une proposition de rénovation du quartier Alma-gare à Roubaix[1]. Il participe quelques années (1970-75) au démarrage des villes nouvelles françaises en tant que collaborateur de Jean-Eudes Roullier. Compte tenu de la faible influence de ses idées sur la rénovation de Roubaix, et à la suite d'un entretien décisif avec Laurent Schwartz, il se tourne vers la recherche en mathématiques. Il soutient sa thèse d’État en 1981 et fonde avec le soutien de Laurent Schwartz et de Pierre Veltz le centre de recherche en mathématiques de l’École des Ponts et chaussées qu'il dirige pendant une dizaine d'années. Durant cette période, il participe au courant de l'école française de probabilités[2] dans le sillage de Paul-André Meyer, il appartient au groupe de théorie du potentiel[3] et il est membre du comité de la Société Mathématique de France de 1985 à 1989. Parallèlement il publie divers essais dans les domaines de l'environnement[4], de la psychanalyse[5], et de la philosophie des sciences qu'il enseigne à l'université Paris-Est et à Sciences-Po.
Nicolas Bouleau est ingénieur général du corps des IPEF, il est depuis 2012 professeur émérite de l’École des Ponts ParisTech[6].
Recherches mathématiques
En 1969 il dégage une convergence nécessaire et suffisante pour qu’une suite de fonctions continues converge vers une fonction continue[7]. Dans les années 1980, alors que les méthodes de modélisation et de simulation informatique se développent avec l'essor de l'informatique, il contribue aux travaux sur l'accélération des méthodes de Monte Carlo, son manuel Probabilités de l'ingénieur[8] est un des premiers à introduire ces notions. Avec Marc Yor il dégage une propriété remarquable[9] de la théorie du temps local de Paul Lévy. En mathématiques financières il donne, avec Damien Lamberton (1989), une formule quantifiant les risques résiduels des couvertures dans les marchés incomplets[10]. Mais c'est par la théorie des formes de Dirichlet qu'il apporte, en collaboration avec Francis Hirsch, les avancées les plus marquantes[11] en montrant notamment que cette théorie permet d'obtenir des résultats de régularité des solutions d'équations différentielles stochastiques sous des hypothèses lipschitziennes plus faibles que le calcul de Malliavin classique. Bouleau est aussi l'auteur d'une théorie de la propagation des erreurs dans les modèles complexes grâce à laquelle les calculs de sensibilité prennent sens dans les modèles probabilistes[12]. Ses travaux récents, en collaboration avec Laurent Denis, portent sur l'espace de Poisson.
Travaux en économie
Les principales idées que Bouleau avance en économie tirent leur origine de la finance et plus particulièrement de la théorie de l'arbitrage. Ce sont les suivantes :
Lorsqu’une ressource non renouvelable devient rare, son prix de marché ne tend pas à augmenter comme on le croit d'ordinaire, ce qui augmente c’est la volatilité du prix. Il a introduit et montré le rôle central du paradigme de martingale positive tendant vers zéro[14].
Bouleau considère que modéliser c'est parler un langage étendu d'usage plus large que ce que la science ambitionne comme connaissance collective. Il étudie dans La modélisation critique[17] comment construire des contre-modélisations qui contribuent à amender et enrichir l'appréhension des problèmes sous un jour pluraliste.
Il défend l'idée que les modèles économiques prospectifs exprimés en termes de prix ne peuvent être que des modèles commentaires avec cet aspect paradoxal que leur pertinence est conditionnée par leur faible influence sur les acteurs des marchés.
En ce qui concerne les effets de la science par la technique, il dénonce ce qu'il appelle "l'attitude scientifique minimale" qui consiste à esquiver toute forme d'engagement du sujet de l'énoncé scientifique[18]. Il voit cette attitude comme un des avatars du positivisme qui nuit à la prise en compte de l'avenir[19]. Il prône au contraire un développement de l'activité scientifique dans une direction différente de celle du positivisme où l'interprétation et le pluralisme ont une place essentielle[20].
Ouvrages publiés
Mathématiques
Probabilités de l'ingénieur, variables aléatoires et simulation, Hermann, 2002, nouvelle édition (1re éd. 1986), 385 p. (ISBN2705664394)
Processus stochastiques et applications, Hermann, 2000, nouvelle édition (1re éd. 1988), 280 p. (ISBN2705664068)
Dirichlet forms and analysis on Wiener space en collaboration avec Francis Hirsch, De Gruyter, 1991. (ISBN3110129191)
Mathématiques et Risques financiers, O. Jacob, 2009. (ISBN978-2738122858)
Teeth of the Market, How Neoliberal Economy Obscures Information about the State of the Planet, Kindle edition, 2013. (ASINB00EJNOFKU)
Wall Street ne connaît pas la tribu borélienne et autres essais aux frontières de la pensée stochastique, Spartacus IDH, 2017. (ISBN9782366930245), [lire en ligne].
Prix Turgot 1998 du meilleur livre d'économie financière et prix FNAC Arthur-Andersen 2000 du livre d'entreprise pour l'ouvrage Martingales et marchés financiers.
↑Il organise en 1996 un colloque sur le changement climatique publié dans les Annales des Ponts novembre 1996. Il est membre du conseil scientifique de la Fondation Nicolas-Hulot pour la nature et l'homme.
↑Notamment autour du rôle de l'inconscient dans la recherche mathématique cf. La règle, le compas et le divan, Seuil, 2002.
↑Décision du Conseil d'administration du 15 juin 2012
↑N. Bouleau, «Une structure uniforme sur un espace F(E, F )» Cahiers de topologie et géométrie différentielle catégoriques, tome 11, no 2 (1969), p. 207-214. Voir également A. Caserta, G. Di Maio, and L. Hola, «When the pointwise limit of continuous functions is continuous? From Arzela 1883 to nowadays: a survey» Proc. of the Workshop in Applied Topology WiAT’10, June 16-18, (2010) Gandia, Spain, p.15-17, et G. Beer, «The Alexandroff property and the preservation of the strong uniform continuity» Applied General Topology (2010), 11(2), 117-133.
↑Probabilités de l'ingénieur, variables aléatoires et simulation, Hermann, 2002, nouvelle édition (1re éd. 1986), 385 p.
↑Sur la variation quadratique des temps locaux de certaines semi-martingales, Note aux C.R. Acad. Sci. t. 292 (1981), p. 491-494, résultat cité comme "Bouleau-Yor identity".
↑Cf. Schweitzer M., Approximation pricing and the variance-optimal martingale measure, Ann. Probab. Volume 24, Number 1 (1996), 206-236.
↑Cf. N. Bouleau et F. Hirsch, Propriétés d’absolue continuité dans les espaces de Dirichlet et application aux équations différentielles stochastiques, Sem. Proba. XX, Lectures Notes in Math. 1204, p.131-161, Springer 1986, cité comme "Bouleau-Hirsch approach" par David Nualart, Malliavin calculus and related topics, Springer 1991, p83 et seq.
↑Cf. Error calculus for finance and physics, De Gruyter, 2003 et Some Historical Aspects of Error Calculus by Dirichlet Forms in Festschrift Masatoshi Fukushima Chen Z.-Q., Jacob N., Takeda M., Uemura T., eds, World Scientific, 2014, p.85-105
↑Cf. Teeth of the Market, How Neoliberal Economy Obscures Information about the State of the Planet, Kindle edition, 2013.