D'origine populaire, le très jeune Pierre Philippe avait l'habitude d'accompagner ses parents pour assister à des spectacles de variétés, notamment à L'Européen dans le Paris de la fin des années 1930[2]. Dès son plus jeune âge, le garçon a pu découvrir des grandes chanteuses réalistes comme Damia, Fréhel et même Tino Rossi, alors à ses débuts[3].
Après ses études secondaires[4], Pierre Philippe commence à travailler dès l'âge de 17 ans en réalisant des peintures et décorations de théâtre (de 1948 à 1958)[3],[5] pour La Compagnie des Ballets Modernes[4].
Durant les années 1970, Pierre Philippe se tourne vers la télévision[3], en privilégiant les émissions théâtrales ou culturelles, notamment lorsqu'il travaille avec la compositrice et chanteuse Hélène Martin[6]. Puis il devient ami avec la productrice Daisy de Galard, en apportant son concours à la douzaine de magazines qu'elle dirige. Il participe notamment à l'élaboration de plusieurs épisodes de l'émission Dim Dam Dom[6].
En 1977, il entame une riche collaboration avec la Cinémathèque Gaumont[3] en réalisant le documentaire Il y a 60 ans, Judex…[18],[5]. Puis il participe à la réalisation des émissions Le Grand Album[19] et Cinémalices[20] pour Antenne 2, à partir de montages d'actualités cinématographiques, d'extraits de films muets, burlesques et feuilletons datant des débuts de l'histoire du cinéma[21],[22]. C'est à la même époque qu'au cours d'un dîner avec le cinéaste Daniel Schmid, il accepte par amitié[23] de faire quelques adaptations de textes de Fassbinder pour la chanteuse et actrice Ingrid Caven lors d'un récital qu'elle donne au Pigall's à Paris. Cette première collaboration marque les débuts d'une longue carrière en tant que parolier pour plusieurs interprètes dont les plus célèbres sont Jean Guidoni et Juliette[6].
Proche de la communauté gay et amateur de nu masculin[24], l'auteur de la chanson Viril[26] écrit et met en scène plusieurs pièces de théâtre telles que Peau d'âme (1981)[27], Salle obscure (1984)[5] et Arrêt imminent, dernière station (1990) qui évoque les ravages de l'épidémie du sida[3].
Parallèlement, il crée avec Pierre Miquel la série documentaire Nos Ancêtres les Français, qui est diffusée en 1982 sur Antenne 2 dans Les Dossiers de l'écran, et dont le premier volet est consacré au music-hall[28]. En plus de l'épisode Le Music-Hall, il réalise L'école, Le rail et La mode[4]. Cette émission donnera même lieu à un livre richement illustré de photographies, publié la même année par l'éditeur Olivier Orban[29].
En 1984, le cinéaste tourne Angkor, la gloire et l'oubli, un nouveau long métrage documentaire diffusé en septembre 1985 sur FR3[30]. Puis il réalise Les Mille et une marguerites (1986)[31], un long métrage fêtant le quatre-vingt dixième anniversaire de Gaumont[32]. L'année suivante, il évoque la ville de Bordeaux à travers des images d'archives dans Bordeaux, le cinéma pour mémoire, un moyen métrage de 60 minutes produit par Pathé[33], puis fait publier son premier roman La Passion Selon Peter qui paraît en 1988 aux éditions Sylvie Messinger[3].
À partir de l'année 1987, il est recruté en tant qu'archiviste par la société Gaumont pour valoriser son catalogue[35] ; sa mission consistant à identifier, rechercher et sauvegarder les précieuses archives de la firme[15],[5]. Avec Jean-Louis Bompoint, il participe en 1990 à la restauration de L'Atalante de Jean Vigo, en utilisant les copies existantes, morceaux de pellicules, notes manuscrites[36] et scènes inédites[37],[38],[39]. Il a également restauré plusieurs autres films anciens comme L'Enfant de Paris (1913) de Léonce Perret[4] ou Fantômas (1913) de Louis Feuillade[40].
Il a élaboré de nombreux documentaires constitués de montages d'archives et en 1990, il commence une nouvelle série historique en 10 épisodes intitulée Notre Siècle[41]. L'intégralité de la série a été réunie au sein d'un coffret 10 DVD en 2009[42]. À l'occasion du Centenaire du cinéma en 1995, il réalise G comme Gaumont[43], un long métrage à base d'images d'archives[44].
Habitué des salles de music-hall depuis l'enfance, ce fin connaisseur des interprètes de la chanson française des premières décennies du XXe siècle, a écrit et réalisé Le Roman du music-hall[45] pour la chaîne Arte en 1993[3],[6]. Il récidive en 2019 en réalisant Le Grand Roman du music-hall[46] diffusé sur la chaîne Histoire, d'après des images puisées dans les archives de la société Les Cinémas Pathé Gaumont[6].
Puis il se met à travailler plus régulièrement pour Arte à partir de la fin des années 1990. Avec la collaboration de Pierre-André Boutang et Pierre Daix, il écrit et réalise le documentaire en trois parties Treize Journées dans la vie de Pablo Picasso diffusé en 1999[47]. Passionné d'art et d'histoire, il va créer par la suite de nombreux autres documentaires pour la même chaîne entre 2001 et 2004, notamment sur l'empereur Napoléon[48] et sur de grands créateurs comme Coco Chanel[49], Jacques Tati[50], Jean Cocteau[51] et Raymond Radiguet[4].
En 2003, il fait publier aux éditions Grasset le roman autobiographiqueL'Air et la Chanson[52],[53], qui mêle artistes réels et personnages imaginaires[54].
Vers 1984, Astor Piazzolla (qui avait composé la musique de Crime passionnel) a le désir de créer un opéra en hommage au chanteur de tango Carlos Gardel. Il confie la réalisation du livret à son ami Pierre Philippe qui en entreprend l'écriture, dont il ne reste aujourd'hui que trois textes achevés[63], mais la mort empêche le grand bandonéoniste de faire aboutir ce projet[64],[65].
Après s'être brouillé avec Jean Guidoni en 1985[66], il contribue à faire connaître le jeune Gerio Schubach[63], pour qui il écrit les paroles du singleTumba[67]. Puis il entreprend plusieurs projets avortés avec les chanteuses Brigitte Sauvane[63], Diane Dufresne[63],[68] et Hélène Delavault[69].
Au début des années 1990, Pierre Philippe devient le principal parolier de la chanteuse Juliette Noureddine[70],[68]. Leur collaboration donne naissance à deux albums studio : Irrésistible en 1993, et Rimes féminines en 1996[6]. En 1997, à la Manufacture des œillets d'Ivry-sur-Seine, il va voir un récital de Jean Guidoni, avec lequel il renoue alors pour créer le spectacle Fin de Siècle[6] en avril 1999 au théâtre Sylvia Monfort[71]. C'est lors de ce concert que Pierre Philippe a déclaré : « Les chansons, ça s'écrit avec des tas de choses, un dictionnaire de rimes, dix doigts pour compter les pieds et aussi des images, des tas d'images. On ouvre un grand cahier vierge et on commence par y coller ces images-là. Après les chansons viennent toutes seules s'y intercaler. Facile comme tout. Alors on appelle les amis musiciens, on leur montre le livre d'images et les notes arrivent - aussi - presque toutes seules. Enfin, moi, c'est comme ça que je procède[72]. »
En cette même année 1999, il crée les paroles de quatre titres (dont Photo de classe et Z-yeux gris[73]) pour le spectacle Un Homme de René Ripert[52], donné au théâtre des Déchargeurs[74]. Il écrit aussi La Supplique de Tantale[75] destinée à la chanteuse Lou Saintagne (qui fait souvent les premières parties des spectacles de Jean Guidoni)[52], puis devient conseiller artistique de Sylvie Vartan à l'occasion d'un Century Medley, pot-pourri de vieilles rengaines qu'elle reprend dans son spectacle Tour de siècle pour sa rentrée à l'Olympia[76].
En 2000, Jean Guidoni et Pierre Philippe décident de faire une reprise de Crime Passionnel dans une version plus acoustique, qu'ils proposent au public du Cabaret Sauvage[77]. Cet « opéra pour un homme seul » d'Astor Piazzolla sera adapté l'année suivante en anglais par Alyssa Landry[78] et chanté par Jérôme Pradon lors de représentations à Londres et au Festival d'Édimbourg[79].
En 2004, un recueil intitulé Le Rouge, le Rose, comprenant la quasi totalité des textes de ses chansons, est publié aux éditions Christian Pirot, avec de nombreux inédits[80],[6].
Héritage artistique
On retrouve la figure de Pierre Philippe sous la forme d'un personnage de cinéaste érudit[81], nommé André B.[82] dans Leïlah Mahi 1932 (2015), un essai en forme d'enquête de Didier Blonde[84], où il est décrit comme un « ogre » qui corrige ses manuscrits en dévorant des huîtres à la brasserie Wepler dans le 18e arrondissement de Paris[55].
Quelques années auparavant, le chanteur Jean Guidoni[85] filait déjà une métaphore très similaire dans son propre roman autobiographiqueChanter n'est pas jouer (2003), lorsqu'il évoquait son ancien parolier en le qualifiant d'« énorme monsieur en noir »[86].
Théâtre
Metteur en scène
1981 : Peau d'âme de Pierre Philippe, Théâtre Marie Stuart[27]
Sauf indication contraire ou complémentaire, les informations ci-dessous proviennent essentiellement de l'ouvrage Encyclopedia of French Film Directors de Philippe Rège[4], des bases de données de l'IMDb[89], Allociné[90] et de la plateforme de recherche et d'information du Film Documentaire.
Réalisateur
Courts et moyens métrages
1966 : La Bonne Dame (court métrage de fiction fantastique avec Valeska Gert)
1967 : La Méridienne (court métrage de fiction onirique)[91]
1987 : Bordeaux, le cinéma pour mémoire (documentaire)
Cinéactualités : Le grand zapping du XXe siècle, Omniscience/Gaumont Pathé Archives, (présentation en ligne).
Vidéographie
Le premier long métrage Midi Minuit (1970) de Pierre Philippe a fait l'objet d'une édition remaniée en DVD au sein d'un ouvrage collectif intitulé Le cinéma fantastique en France, 1897-1982, publié par Scope en 2012[97]. Ce livre est aujourd'hui épuisé[98].
↑Pierre Philippe, « Le rendez-vous de la rue Biot », dans Jean Guidoni, Pierre Philippe, Le Théâtre en Rond de Paris présente Jean Guidoni, Paris, Publifar, , p. 4-5.
↑Stéphane du Mesnildot, « "Midi-Minuit fantastique", l'école des monstres, entretien avec Michel Caen et Nicolas Stanzick », Cahiers du cinéma, no 698, , p. 82-88 (ISSN0008-011X).
↑Le titre de ce film est un clin d'œil à celui d'une ancienne salle de cinéma[7] et à une revue nommée Midi minuit fantastique, bien connue des amateurs[8],[9].
↑(es) Walter Santoro, « Para el mundo Gardel es la voz y Piazzolla la música de Buenos Aires », Suceso Gardeliano, no 29, (lire en ligne).
↑Astor Piazzolla: 20 ans déjà [Podcast], Sylvie Chapelle (production), Xavier Pestuggia (réalisation), Pierre Philippe (auteur, cinéaste, poète), dans C'est du classique mais c'est pas grave sur France Inter (, 54 minutes).
↑André Roy, « Compte rendu de l'essai "Un amour sans paroles" de Didier Blonde », 24 images, no 146, mars–avril 2010, p. 40 (ISSN0707-9389, lire en ligne [PDF]).
Jacques Grant, « Les Cinémalices de Pierre Philippe », Cinéma, no 246, , p. 44-50 (ISSN0045-6926).
(en) Philippe Rège, Encyclopedia of French Film Directors, vol. 1, Scarecrow Press, (ISBN978-0810861374), p. 814.
Nicolas Stanzick, « Midi Minuit : d’une salle créatrice de cinéphilie au film d’un cinéphile », dans Collectif, Le cinéma fantastique en France : 1897-1982, Scope, (ISBN978-2912573612), p. 39-55.
Sur le parolier
Jean Viau, Guidoni & Juliette : Crimes féminines, Paris, Les Belles Lettres, , 208 p. (ISBN2-251-44255-3), « Les masques noirs de Pierre Philippe », p. 175-185.
Pierre Philippe, L'Air et la Chanson, Paris, Grasset, , 384 p. (ISBN2-246-63601-9).
Pierre Philippe, Le rouge, le rose, Saint-Cyr-sur-Loire, Christian Pirot, , 288 p. (ISBN978-2868081841).