Statut civil coutumier de Nouvelle-CalédonieLe statut coutumier est, en Nouvelle-Calédonie, un régime de droit civil dérogeant au code civil français en permettant l'application du droit kanak par des juges de la république. Il est reconnu aux Kanaks en vertu de l'article 75 de la Constitution et de la loi organique. HistoireIndigénat
En droit colonial français, les autochtones kanak sont soumis à l'indigénat en 1887, c'est-à-dire que le gouverneur est spécialement chargé de leur distribuer des sanctions afin de maintenir l'ordre colonial. Ce régime disciplinaire les prive ainsi de leurs libertés d'utilisation du territoire et de leurs droits politiques. Cette spoliation a mené à de nombreuses révoltes dont la plus connue (et la plus mortelle) fut celle menée par le chef kanak Noël en 1917. Statut civilUne loi de 1999 prévoit que le statut coutumier bénéficie aux Kanak dans tous les domaines du droit civil. En 2003, la Cour de cassation oblige les tribunaux calédoniens à accepter cette loi, car les juges locaux avaient décidé de ne l'appliquer que dans les affaires de droit de la famille. Cette cassation a été décrite en Nouvelle-Calédonie comme une manière de « remettre le droit à l'endroit »[1]. Base juridiqueLa reconnaissance du statut coutumier est rendu possible par l'article 75 de la Constitution qui indique :
PortéeLes personnes de statut civil coutumier sont enregistrées sur un registre d'état civil distinct, appelé « registre coutumier », tenu par les officiers d'état civil de chaque commune (art. 8 de la loi organique). Créé en 1934, son établissement et son organisation sont actuellement définis par la délibération de l'Assemblée territoriale du [2], complétée par l'article 8 de la loi organique de 1999. Les personnes de statut civil coutumier sont régies par « leurs coutumes » en matière de droit civil (art. 7[3]), donc surtout en ce qui concerne les affaires familiales, de successions ou de gestion des biens coutumiers. Sont ainsi « régis par la coutume les terres coutumières et les biens qui y sont situés appartenant aux personnes ayant le statut civil coutumier » (art. 18[3]). En revanche, dans le cadre des rapports juridiques (signature de contrat, de bail, recours en justice) entre des personnes de statut personnel différent, le droit commun s'applique, sauf si aucune des deux parties n'est de statut civil de droit commun et que ces parties décident que le rapport ne relève pas du droit commun « par une clause expresse contraire » (art. 9[3]). Enfin, la juridiction civile de droit commun est compétente « pour connaître des litiges et requêtes relatifs au statut civil coutumier ou aux terres coutumières » et elle est alors « complétée par des assesseurs coutumiers » (art. 19[3]). Les enfants dont les deux parents avaient le statut civil coutumier l'acquièrent dès la naissance (art. 10[3]). Peuvent l'acquérir (après audition devant un juge pour les majeurs et mineurs ayant atteint l'âge où ils sont jugés « capables de discernement », la cour pouvant rejeter la requête si les intérêts particuliers de la personne sont en jeu) les mineurs si une personne de statut civil coutumier exerçant l'autorité parentale en fait la demande (art. 11[3]), « toute personne majeure capable âgée de 21 ans au plus dont le père ou la mère a le statut civil coutumier, et qui a joui pendant au moins cinq ans de la possession d'état de personne de statut civil coutumier » (art. 12[3]), « toute personne ayant eu le statut civil coutumier et qui, pour quelque cause que ce soit, a le statut civil de droit commun » et les personnes qui ont toujours eu le statut civil de droit qui, dans un délai de cinq ans à partir de la promulgation de la loi organique (c'est-à-dire jusqu'en 2004), ont pu justifier « que l'un de ses ascendants a eu le statut civil coutumier » et qui ont décidé de renoncer à leur statut de droit commun (art. 13[3]). De même, toute personne de statut civil coutumier peut demander à renoncer à ce statut et obtenir celui de droit commun (art. 13[3]), c'est d'ailleurs le seul moyen pour un individu de perdre ce statut (art. 75 de la Constitution). Selon Caroline Bouix, cet ensemble de dispositions assigne au droit kanak une place spéciale et au droit civil français une place générale. C'est-à-dire que les deux régimes ne sont pas mis à égalité[4]. La Constitution garantit le bénéfice du statut civil coutumier sur tous les territoires français, mais en pratique, l'administration française dans l'hexagone n'a pas les adaptations nécessaires pour permettre l'exercice de ce droit[5]. ProcéduresTerres coutumières
Dans le système de gouvernance kanak vis-à-vis de l'administration française, une terre coutumière est une forme de propriété revenant à un collectif autochtone en Nouvelle-Calédonie. Les terres coutumières font succession aux réserves kanak. Elles ne peuvent pas être vendues. Acte et officiers civils coutumiersUn « acte coutumier » est une décision coutumière adoptée à la suite d'un « palabre », à savoir une « discussion organisée selon les usages de la coutume kanake » et tenue « sous l'autorité du chef de clan, du chef de la tribu ou du grand chef ou, à défaut, du président du conseil des chefs de clans » à la demande d'individus de statut civil coutumier afin de statuer sur un litige, une demande de précision ou une requête concernant ce statut ou la propriété coutumière, et que les autorités ont décidé de transcrire. Il s'agit d'un acte juridique qui a vertu d'« acte authentique » en matière de statut civil coutumier ou de propriété coutumière. Rédigé en français à partir des décisions du palabre qui ont généralement lieu en langue vernaculaire, la transcription doit être lue, comprise, approuvée et signée par toutes les parties. Il crée en vérité une véritable juridiction compétente en matière de droit civil coutumier, et dont une interprétation contestée par l'une des parties peut faire l'objet d'un recours auprès du conseil coutumier de l'aire concernée qui devient, en quelque sorte, une juridiction d'appel. En dernier recours, les parties qui s'estiment lésés peuvent mener une action en accusation de faux auprès de la juridiction de droit commun. Il est défini par la loi du pays du [6], qui crée également la fonction d'officier public coutumier : il s'agit d'agents de la Nouvelle-Calédonie, recrutés sur concours de la fonction publique pour leur connaissance du droit coutumier et des langues vernaculaires, assermentés auprès du tribunal de première instance de Nouméa et nommés dans les huit aires coutumières. Ils sont chargés de transcrire la décision coutumière en acte, de recevoir et conserver dans un registre les actes coutumiers, et d'en délivrer des copies ou des extraits si le détenteur de l'original a donné son accord. Le corps des officiers civils coutumiers est officiellement créé par une délibération du Congrès du [7], qui en fait des fonctionnaires de catégorie B de la Nouvelle-Calédonie, pouvant exercer les fonctions d'huissier de justice dans les communes où aucun huissier n'a été institué. Ils sont recrutés par concours externe à 70 % (ouvert aux diplômés de niveau Bac +2) ou interne à 30 % (ouvert aux Fonctionnaires de Nouvelle-Calédonie de la catégorie B justifiant de 3 ans d'ancienneté, de catégorie C justifiant de 6 ans d'ancienneté ou de catégorie D justifiant de 10 ans d'ancienneté). Une fois admis au concours, ils doivent, pour être titularisés, effectuer un stage probatoire d'une année, durant lequel ils doivent obtenir la validation d’une formation professionnelle obligatoire d'une durée maximum de 6 mois dans les domaines d'attribution de leurs futures fonctions. Les programmes et la nature des épreuves aux concours externes et internes sont fixés par un arrêté du [8]. Les épreuves comprennent :
Notes et références
Voir aussiBibliographie
Articles connexes
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