Lettre d'André Breton à Francis Picabia : « Il y a un mot que je prononce souvent ainsi que Tzara : celui de démoralisation. C'est à cette démoralisation que nous nous appliquons Soupault et moi dans Littérature. Je sais que jusqu'à un certain point cela est puéril... »[1].
René Hilsum installe les éditions Au sans pareil dans une librairie au 37 de l'avenue Kléber, Paris (16e arrondissement). Les dadaïstes en font leur second lieu de rendez-vous quotidien avec le café Certà, passage de l'Opéra[2].
La rencontre chez Picabia de Tzara déçoit Breton cependant Tzara est invité à participer au premier Vendredi de Littérature prévu le jour même au Palais des Fêtes, 23 rue Saint-Martin (Paris 3e). Le spectacle est divisé en deux parties séparées par un intermède musical et des présentations de tableaux. Il débute par une allocution d'André Salmon, intitulée La Crise du change sur le renversement des valeurs littéraires depuis le symbolisme[4]. Le public, calme jusque-là sinon indifférent, commence à s'agiter quand on lui présente un tableau de PicabiaLe Double Monde : un carton clair sur lequel sont peintes au ripolin des lignes noires enchevêtrées. Ce carton est recouvert des inscriptions « Haut » en bas, « Bas » en haut, « Fragile », etc. et d'une série de cinq grandes lettres rouge de haut en bas : L.H.O.O.Q. Le tumulte redouble quand arrive sur la scène un tableau noir sur lequel il n'y a que quelques traits à la craie et le jeu de mots, en forme de titre, Riz au nez. Quelques instants après Breton effaçe le tableau d'un coup d'éponge conformément aux prescriptions de Picabia[5]
Paul Eluard, Les Animaux et leurs hommes, les hommes et leurs animaux, recueil de poèmes, avec cinq dessins d'André Lhote
On recommande à André Breton, une personne qui doit bientôt venir à Paris, s'y fixer et « qui voudrait se lancer dans la littérature. »« Quelques jours plus tard, Benjamin Péret arrive. »[6]
Deuxième manifestation Dada au Salon des Indépendants. Le programme ayant annoncé la participation de Charlie Chaplin pour une conférence sur le mouvement Dada, le public est venu nombreux. 38 conférenciers se relaient pour la lecture de manifestes : « Plus de peintres, plus de littérateurs, plus de musiciens […] plus d'armées, plus de police, plus de patries, enfin assez de toutes ces imbécillités, plus rien, plus rien, rien, rien, RIEN, RIEN, RIEN. »[10]
Une réunion a lieu dans le but d'organiser, au cours de la deuxième exposition cubiste dite de la Section d'or, trois auditions poétiques. Par l'intermédiaire de Paul Dermée et Francis Picabia, Dada avait été invité à participer à cette manifestation organisée par Albert Gleizes, Léopold Survage et Alexandre Archipenko. Paul Eluard demande qu'une des trois soirées poétiques soit réservée à Dada, ce qui est accepté dans un premier temps[12].
Erik Satie, Musique d'ameublement, exécutée en public à la galerie Barbazanges : « Une musique que l'on se doit de jouer pour qu'on ne l'écoute pas. »[16]
André Breton décide d'abandonner ses études de médecine. Ses parents, informés par ailleurs des manifestations et des scandales de Dada, menacent de lui couper les vivres s'il persiste dans ses activités « déshonorantes ». Par souci d'apaisement, il accepte un emploi de coursier à la La Nouvelle Revue française (NRF). Il est également chargé de lire à haute voix à Marcel Proust les épreuves du Côté de Guermantes à raison de 50 francs par séance[11].
Soirée Dada à la Maison de l'Œuvre, rue de Clichy.<brAndré Breton accueille le public en portant, comme un homme-sandwich, une affiche signée Francis Picabia sur laquelle on peut lire : « Pour que vous aimiez quelque chose il faut que vous l'ayez vu et entendu depuis longtemps tas d'idiots »[17]. Représentation de[18] :
Le Ventriloque désaccordé, parade en un acte de Paul Dermée,
Louis Aragon, Suicide : « A b c d e f g h i j k l m n o p q r s t u v w x y z »[24]
Antonin Artaud est confié par sa famille aux bons soins du docteur Édouard Toulouse, psychiatre reconnu et directeur de l'asile de Villejuif. Celui-ci l'accueille et le nomme co-secrétaire de rédaction de sa revue culturelle Demain. Artaud y publie des comptes rendus de livres, de salons et de spectacles et aussi des poèmes[25].
Publication à Cologne, de la revue DadaDie Schammade créée par Max Ernst et Johannes Baargeld : 32 pages de papier vert ou rose pâle, format 25,5 × 32,5 cm, impression à l'encre rouge[27].
La Deuxième aventure de monsieur Aa l'antipyrine par Tristan Tzara,
Vous m'oublierez, pièce écrite et jouée par Breton et Philippe Soupault. Témoignage de Simone Breton à sa cousine Denise Lévy : « Comme choses intéressantes, je suis allée à une séance Dada, assez ratée à l'aveu même des pires dadaïstes, avec scandale, pommes cuites et vociférations. »[32],
Johannes Baader, Grand-Plasto-Dio-Dada-Drama, architecture monumentale Dada en cinq étages, trois jardins, un tunnel, deux ascenseur et une fermeture en forme de cylindre. L'œuvre est détruite par son auteur à la fin de l'exposition[41].
La NRF publie un article d'André Breton sur les Chants de Maldoror de Lautréamont à l'occasion d'une réédition : « La vie humaine ne serait pas cette déception pour certains si nous ne nous sentions constamment en puissance d'accomplir des actes au-dessus de nos forces. On sait maintenant que la poésie doit mener quelque part. »[réf. nécessaire]
Antonin Artaud rencontre Lugné-Poe, directeur du Théâtre de l'Œuvre, qui l'engage comme « homme à tout faire »[42].
À la fin du mois, au jardin du Luxembourg, Théodore Fraenkel présente Simone Kahn à André Breton : « Apparaissait une personnalité de poète très spéciale, éprise de rare et d'impossible, juste ce qu'il faut de déséquilibre, soutenu par une intelligence précise même dans l'inconscient, pénétrante avec une originalité absolue que n'a pas compromise une belle culture littéraire, philosophique et scientifique », lettre de Simone à Denise Lévy du [43].
À la fin du mois, à cause de quelques problèmes de santé, André Breton part se reposer chez ses parents. Lettre à Jacques Rivière : « Je procède à une révision complète de mes idées qui pourra me conduire plus près de vous que je n'ai été encore » et à Picabia : « Vous savez mieux que quiconque combien je m'ennuyais à la NRF. Je finissais par lasser mes amis et vous-même de mes façons d'agir : cela ne pouvait plus durer. En dépit des assurances que je vous donnais de temps à autre, vous preniez de jour en jour plus mauvaise opinion de moi. »[45]
Août
Dans la NRF, André Breton répond à André Gide (« Le jour où le mot Dada fut trouvé, il ne resta plus rien à faire. Ces deux syllabes avaient atteint le but d'inanité sonore, un insignifiant absolu. ») : « Il m'est impossible de concevoir une joie de l'esprit autrement que comme un appel d'air. Comment pourrait-il se trouver à l'aise dans les limites où l'enferment presque tous les livres, presque tous les événements ? »[46]
Jacques Rivière, Reconnaissance à Dada, texte publié dans la NRF : « Délibéremment - c'est là leur véritable hardiesse, leur coup de génie - les Dadas sortent de l'art, débouchent dans une région indéfinissable, dont tout ce qu'on peut dire, c'est qu'y cesse la qualité esthétique [...] Le langage pour les Dadas n'est plus un moyen : il est un être. Le scepticisme en matière de syntaxe se double ici d'une sorte de mysticisme. Même quand ils n'osent pas franchement l'avouer, les Dadas continuent de tendre à ce surréalisme qui fut l'ambition d'Apollinaire. »[47]
Lettre d'André Breton à Simone Kahn : « Vous savez comment les Poésies de Ducasse ont été faites : il retournait un proverbe, une pensée […] La Rochefoucauld : « L'amour de la justice n'est en la plupart des hommes que la crainte de souffrir l'injustice. » - Ducasse : « que le courage de souffrir l'injustice. » […] Voyez-vous l'intérêt profond de cette contradiction : c'est par elle, hélas, que Ducasse atteint à cette espèce de vérité angélique. Moi qui, Dieu merci, ne suis pas un littérateur, j'approuve entièrement la méthode du livre. Les Poésies d'Isidore Ducasse, ou le Paradis terrestre. »[48]
Breton refuse d'écrire la préface de Jésus Christ Rastaquouère de Francis Picabia : « […] pour ne pas avoir à me replacer dans une attitude qui a été la mienne et qui, en définitive, ne l'est plus […] Je ne suis même plus sûr que le dadaïsme ait gain de cause, à chaque instant je m'aperçois que je le réforme en moi. »[49]
À l'occasion du vernissage d'une exposition de Francis Picabia à la galerie du libraire russe Jacques Povolozky, Tristan Tzara lit son Dada manifeste sur l'amour faible et l'amour amer : « L'orgueil est l'étoile qui bâille et pénètre par les yeux et par la bouche, elle s'appuie, s'enfonce sur son sein est écrit : tu crèveras. C'est son seul remède. Qui croit encore aux médecins ? »[54] La lecture est perturbée par un orchestre de jazz invité par Jean Cocteau[55].
André Breton est présenté au couturier Jacques Doucet, bibliophile et amateur d'art moderne, qui lui commande des lettres sur la littérature et la peinture ainsi que des conseils d'achat d'œuvres d'art, pour une rémunération de 500 F par mois[57].
Cette année-là
Louis Aragon signe un contrat avec la NRF pour la publication prochaine de Anicet[58]. Avec André Breton, ils projettent d'adhérer au parti socialiste mais ils sont découragés par l'accueil glacial qui leur est réservé[59].
Jean Arp, Max Ernst et Johannes Baargeld fondent le mouvement Dada de Cologne et organisent une exposition[60]. Un collage de Max Ernst contenant une reproduction de Adam et Ève d'Albrecht Dürer jugée pornographique est censurée par les autorités de la ville et l'exposition est fermée par la police[61].
S'il vous plaît, texte dramatique : « Il m'arrive de faire les cent pas pendant des heures entre deux numéros de maison ou quatre arbres d'un square. Les promeneurs sourient de mon impatience, mais je n'attends personne. »[72]
Les Animaux et leurs hommes, les hommes et leurs animaux, avec cinq dessins d'André Lhote, aux éditions du Sans Pareil : « Et le langage déplaisant qui suffit aux bavards, langage aussi mort que les couronnes à nos fronts semblables, réduisons-le, transformons-le en un langage charmant, véritable, de commun échange entre nous[78]. »
La Mort du pape au pays du patinage, collage : photographie de journal montrant un groupe d'hommes en redingote et haut-de-forme et chaussés de patins à glace, tirant un traîneau sur lequel on devine un cercueil recouvert de fleurs. Le collage porte en légende : « pas de séduction / pas de sourire / pas de jolies dents »[89]
Deutscland muss untergehen ! Erinnerungen eines alten dadaistischen Revolutinärs (L'Allemagne doit périr ! Souvenirs d'un vieux dadaïste révolutionnaire) avec deux dessins de George Grosz[102]
En avant Dada : « Le dadaïste aime la vie parce qu'il peut s'en débarrasser à tout moment, la mort étant pour lui une affaire dadaïste. Le dadaïste envisage sa journée, sachant qu'un pot de fleurs peut lui tomber sur la tête. »[60]
Phantastische Gebete (Prières fanastiques), ouvrage édité chez Malik à Berlin[103]
Pan-pan au cul nu du nègre, texte. Le recueil est entouré d'une bande reprenant un commentaire d'André Breton : « Depuis longtemps, je n'avais été à pareille fête »[34]
Rose des vents : « L'avion tisse les fils télégraphiques / et la source chante la même chanson / au rendez-vous des cochers l'apéritif est orangé / mais les mécaniciens des locomotives ont les yeux blancs / la dame a perdu son sourire dans les bois. »
↑Dans le public, il y a quelques petits commerçants du quartier qui, confondus par le titre de l'allocution annoncée dans L'Intransigeant, pensent qu'il y sera évoqué la dévaluation du franc survenue quelque temps auparavant. Sanouillet, p. 123 donne le détail du programme.
↑Sanouillet, p. 124. Selon le témoignage de Georges Ribemont-Dessaignes (dans Déjà jadis, p. 71) au sujet de Francis Picabia : « D'ailleurs il ne participait jamais physiquement à une manifestation Dada. »
↑Breton, OC1, p. 659 et Bernard Delvalle, Mille et cent ans de poésie française, éditions Robert Laffont, Paris, 1991, p. 1813 pour la date.
↑Laurent Le Bon (dir.), Dada (exposition, Centre Pompidou, Galerie 1, du 5 octobre 2005 au 9 janvier 2006), Centre Pompidou, (ISBN2-84426-277-5), p. 860.
↑« Le titre est non seulement à consonance anti-colonialiste, mais le pan-pan est aussi le coup de feu qui tua Rosa Luxembourg et Karl Liebknecht », Dachy 2005, p. 496.