Le terme aroubi, renvoie au sens littéral à un produit extra-muros, mais aussi dans le sens imagé, car il sort de l'enclos de la musique sanâa , comme sont appelés les gens habitant en dehors de la cité[1].
Présent à Tlemcen et Constantine, le aroubi a pour chaque centre une structure spécifique[4]. C'est une œuvre hybride, sa composition poétique ressemble beaucoup au mouachah[5]. Toutefois, le mode d'interprétation musicale interroge sur son appartenance à la nouba. Il demeure une pièce populaire qui combine de textes classiques et populaires, l'alternance de chaque cycle poétique avec les récitatifs donne une dimension démesurée au texte original[5].
À Constantine, la partie réservée à l'improvisation est appelée aarubiyât qui est une forme chantée non mesurée aux couleurs des chants ruraux. Une pièce de aroubi compte souvent plusieurs modes et pour chaque mode correspond à une mélodie[6]. Les poèmes sont de la forme couplet refrain[7]. Dans l'école d'Alger, il se développe longtemps grâce à la classe paysanne aisée des alentours de la Mitidja[8].
Les initiateurs de ce genre musical se sont inspirés de la nouba arabo-andalouse et du hawzi[9]. Le chaâbi est inspiré du style arabo-andalou joué à Alger : la sanâa et le aroubi[10].
Le aroubi a pour support les poésies du melhoun et du zadjal, une partie des textes écrits par des poètes tlemcéniens du hawzi sont chantés avec une consonance algéroise ou blidéenne dans ces deux villes[9]. Le corpus de l'école d'Alger compte principiellement des poèmes du genre zadjal[11].
Certains textes remontent aux poètes andalous tels que Ibn Choujaa[5], d'autres poèmes sont écrits par des imams et muftis d'Alger qui ont vécu au XIXe siècle à l'instar de Mustapha El Kebabti[9] ou plus globalement des poètes des villes de la région : Alger, Blida et Miliana[1] comme Mohamed Ben Chahed ou Benyoucef El Djazaïri[12].
Le culte de la femme occupe une place importante dans le répertoire à l'instar de la poésie andalou-maghrébine et arabe en général[5]. Un grand nombre de poésies semblent porter une assonance libertine, mais en réalité elles font allusion à un symbolisme mystique[9].
Rythmes et modes musicaux
Le aroubi utilise les tempos employés dans les mouvements musicaux du chant arabo-andalou comme celui du inqilab et du insiraf[1]. Le genre à l'instar du hawzi utilise les mêmes modes musicaux (tubu') que la sanâa (d'Alger et de Tlemcen) dont il dérive et utilise des rythmes mawazin suivants[11] :
Ce poème d'El-Mourakouchi exprime que la combinaison de textes classiques et populaires a aussi une fonction pédagogique. Elle permet d'expliquer le classique par le populaire[5] :
« Essabrû bih nertaja wa bîh nû'tanî
Wa bîhî taltahaq el qamar fi samah
Ana mûradi âla el mû'tanî
Nûwakil ûmûri lillah »
« La patience nous préoccupe et nous donne l'espoir,
C'est grâce à elle qu'on atteindra, les sommets comme la lune dans le ciel.
Moi, je veux (celle/celui) qui m'a séduit(e) et quitté(e),
↑Queffélec Ambroise, Derradji Yacine, Debov Valéry et al., « A », dans : , Le français en Algérie. Lexique et dynamique des langues, sous la direction de Queffélec Ambroise, Derradji Yacine, Debov Valéry et al. Louvain-la-Neuve, De Boeck Supérieur, « Champs linguistiques », 2002, p. 147-188. URL : https://www.cairn.info/le-francais-en-algerie--9782801112946-page-147.htm
↑ a et bAlain Chaoulli, Les Juifs au Maghreb à travers leurs chanteurs et musiciens aux XIXe et XXe: siècles, Editions L'Harmattan, (ISBN978-2-343-18301-5, lire en ligne), p. 18
↑Nadir Marouf, « Le système musical de la San'a ou le paradigme de la norme et de la marge (Hommage à Pierre Bourdieu) », Horizons Maghrébins - Le droit à la mémoire, vol. 47, no 1, , p. 13 (DOI10.3406/horma.2002.2054, lire en ligne, consulté le )
↑Rachid Aous, « Le chant et la musique judéo-arabes : contexte historique et définition », Horizons Maghrébins - Le droit à la mémoire, vol. 47, no 1, , p. 126–134 (DOI10.3406/horma.2002.2069, lire en ligne, consulté le )
DIB, Mohamed Souheil, MAROUF Nadir (2001). Anthologie du chant ‘arubi et hawzi, Paris, El-Ouns.
Dib Mohammed-Souheil, « Typologie du patrimoine hawzi et non hawzi. (poésie et rythmes) » in Le chant arabo-andalou, CEFRESS/ L'Harmattan
Mohammed Souheil Dib, Le répertoire poétique non andalou de Tlemcen (hawzî, ‘Arûbî, Madh, Samâ’ et Gharbî) / Qassā’id min: Al- hawzī, al- ‘arūbī, al- madīh, al- gharbī. Alger : Éditions New Sound/ONDA, 2011.
Benkalfat, Fayçal/Faysal Bin Qalfāt, Amin Qalfāt, and Rifāl Qalfāt, eds. Majmū‘at ash‘ār waazjāl mūsīqā: al- san‘a, al- hawzī, al- ‘arūbī, al- madīh, wa- l- samā‘: madrasat tilimsān/ L’Ecole de Tlemcen. Alger : Éditions New Sound, 2011.
Sebaa, Rabeh. “Vibrations en ‘arubi et hawzi majeurs.” dans Le système musical de la can‘a ou “le paradigme de la norme et de la marge”: Hommage à Pierre Bourdieu. Nadir Marouf, 65– 69. Oran: Dar El Gharb, 2003.