La marquise d'O, jeune veuve, mère de deux enfants, vit chez ses parents dans une ville du nord de l'Italie depuis son veuvage. Une des guerres impliquant plusieurs puissances européennes conduit à la mise à sac par les troupes russes de la ville après sa reddition. Menacée par des soudards, la marquise est sauvée par un officier russe, comte de son état. Quelque temps plus tard, elle se découvre enceinte, alors qu'elle n'a connu aucune relation depuis la mort de son mari. Sa famille la rejette pour éviter le scandale, alors que le comte lui fait une cour pressante.
« J'ai fait le pari de prendre une histoire et de la suivre, de mettre en scène (et non pas adapter, interpréter) un texte privilégié, non pittoresque, court, parce que la matière cinématographique est ainsi. J'ai, par exemple, transformé l'évanouissement de la marquise d'O en sommeil, pour rendre l'histoire moins incroyable. Après la scène de l'auberge, entre le comte et le frère, Kleist effectue un retour en arrière. Il emploie le plus-que-parfait, qui dans un récit n'est pas un procédé rhétorique. Il y aurait eu quelque chose de recherché à garder ce plus-que-parfait au cinéma. Il aurait été artificiel de retourner en arrière. Or Kleist n'est pas précieux. Pas de trou : on ne laisse pas une scène, on est emporté par la continuité du temps. »
« Suivre mot à mot le texte de Kleist, tracer un tableau de mœurs qui fut scrupuleusement conforme à la réalité historique, épouser sans aucune “distanciation” (sinon celle voulue par l'auteur) la sensibilité de l'époque, rajeunir l'œuvre non pas en la rendant contemporaine, mais en faisant de nous ses contemporains : telle fut la règle d'or du cinéaste. En somme, avec La Marquise d'O..., Rohmer a réalisé le premier film du XIXe siècle, un film plein d'éclat et de fraîcheur, résolument « moderne », et dont, au générique, il a tenu à partager la paternité avec son jeune scénariste. »
« En respectant les règles de la “comédie larmoyante”, Rohmer a mis en scène, avec beaucoup d'intelligence, une suite de tableaux de mœurs se référant picturalement à Greuze, Füssli, Caspar David Friedrich. Tout est admirablement composé, jusque dans les situations excessives et les états d'âme du romantisme allemand. Les acteurs prennent la pose en fonction de leurs rôles, et l'on retrouve, ainsi, l'esprit d'une époque, avec pas mal de surprises, d'ailleurs. »
Les images de Néstor Almendros s'inspirent de tableaux de l'époque, de Dominique Ingres et de Johann Heinrich Füssli surtout.
Rohmer a écrit et dirigé lui-même le doublage en français du film, pour gommer les excès romantiques des voix d'origine et approfondir la dramaturgie.