Cette liste de publications antisémites en France regroupe de manière chronologique des écrits jugés ou revendiqués antisémitiques, produits par des auteurs francophones, qu'ils soient écrivains ou journalistes, et publiés sur le territoire français entre le début du XIXe siècle et le temps présent. Elle est à rapprocher de l'histoire de l’antisémitisme, une histoire complexe dont l'évolution fait depuis les années 1960 l'objet d'importantes études.
Indéniablement, il a existé de nombreuses publications racistes de nature antisémite en France, et ce, bien avant la période dite du gouvernement de Vichy (1941-1944). Après la Libération, les publications antisémites demeurent rares mais existent bel et bien.
Il est important de signaler l'éditeur et la date de première publication, et, quand cela est nécessaire, l'extrait ou les pages concernés.[1]
Au XIXe siècle
Au milieu du XVIIIe siècle, s'exprime en France une forme de scepticisme à l'égard des Juifs, par exemple sous la plume de Voltaire dans son Dictionnaire philosophique[2] ; en même temps, la question de leur émancipation et de leur intégration au sein de la Nation gagne du terrain. Émerge ensuite une forme d’« antijudaïsme », associé à diverses théories du complot où se retrouvent les francs-maçons, le jacobinisme, les encyclopédistes, etc.
Dans le dernier quart du XIXe siècle français, s'affirme un véritable antisémitisme, lié cette fois au développement du concept de race, et conçoit « les juifs »[3] comme les ressortissants d'une race inférieure[4].
D'autre part, avec la récupération par une certaine presse des scandales financiers (dont celui de Panama) et la montée d'une forme de nationalisme revanchard anti-allemand à la suite de la Guerre de 1870, éclate l'Affaire Dreyfus qui va diviser la France en deux camps.
Emmanuel Chabauty [pseud. : C. C. De St André], Les Francs-Maçons et les Juifs. Sixième Âge de l’Église d'après l'Apocalypse, Société générale de librairie catholique, Victor Palmé, 1880, 820 p[5].
Eugène Gellion-Danglar, Les sémites et le sémitisme. Aux points de vue ethnographique, religieux et politique, Paris, Maisonneuve et Cie, 1882.
Auguste Chirac, Les Rois de la République, Histoire des juiveries, P. Arnould, 1883.
Daniel Kimon, La Guerre antijuive, chez l'auteur, 1898.
François Bournand, Les Juifs et nos contemporains. L'antisémitisme et la question juive, introduction par Edmond Picard, Paris, Librairie A. Pierret, 1898[7].
Daniel Kimon, L'Influence juive produit l'automatisme général. Comparaison de quelques fortunes françaises contre de colossales fortunes juives, Ducrot, 1898.
Paul Lapeyre, Juste Solution de la Question juive, Bloud, 1898.
Georges Vacher de Lapouge, L'Aryen, son rôle social, cours libre de science politique, professé à l'Université de Montpellier (1889-1890), Paris, A. Fontemoing, 1899, p. 463 et suivantes - Lire en ligne[8].
Au XXe siècle
Avant la Seconde Guerre mondiale
Alors que certains antidreyfusards persistent, éclate la Première Guerre mondiale. Se développe à partir des années 1920, l'idée d'un judéo-bolchevisme. Quant à la montée du nazisme qui se précise à la fin de l'année 1932, elle fracture là encore la France en deux camps, surtout qu'Hitler ne laisse planer aucune ambiguïté sur ses intentions à l'égard des juifs allemands.
Jules Delahaye, Les assassins et les vengeurs de Morès, éditions Victor Retaux, 1905.
Urbain Gohier, Pétition du pouvoir judiciaire au pouvoir législatif : la terreur juive, après l'armée de Condé, la tribu de Lévi. L'ancien régime rétabli pour les millionnaires juifs. Le déserteur juif du « Figaro ». Le socialisme juif. Sera-t-il permis à un Français de n'être ni jésuite, ni juif ?, Paris, Éd. de l'auteur, 1905.
Urbain Gohier, La Terreur juive. Après l'armée de Condé, la tribu de Lévi. Le socialisme juif, Paris, Éd. de l'auteur, 1905.
Urbain Gohier (éditeur), Protocole des sages d'Israël, Paris, Éditions nouvelles de la Vieille France, s.d. [1924].
Adrien de Boisandré, Petit catéchisme antijuif, La Librairie antisémite, 1906.
Paul Copin-Albancelli, Le drame maçonnique. La conjuration juive contre le monde chrétien, Paris, La Renaissance française, 1909.
Léon Daudet, L'Avant-Guerre. Études et documents sur l'espionnage juif-allemand en France depuis l'Affaire Dreyfus, Nouvelle librairie nationale, 1912, rééd. 1915.
Louis Dasté, Les Sociétés secrètes et les Juifs, Renaissance française, 1912.
Jean et Jérôme Tharaud, Quand Israël n'est plus roi, Plon, 1933.
Joseph Santo, Les méfaits d'Israël à travers les peuples et les siècles, Paris, s.e., 1933.
Protocoles des sages de Sion, Éditions Grasset, Paris, 1934 - avec une reproduction de la couverture de l'édition russe de 1912 ; traduits du russe et précédés d'une introduction par Roger Lambelin[12].
Joseph Santo, La Judéomaçonnerie et les Massacres du , impr. G. Pauc, 1935.
Louis Massoutié, Judaïsme et hitlérisme, Nouvelle revue critique, 1935.
Henri-Robert Petit, Les juifs au pouvoir, édité en 1936 par l'auteur, réédité en 1938, imprimé à Bruxelles par le Centre de Documentation et de Propagande (CDP), traduit en roumain, polonais et espagnol.
Léon de Poncins, La Mystérieuse internationale juive, Brossard, 1936.
Henri-Robert Petit, Le Règne des juifs, s.d. [1936], impr. à Bruxelles par le CDP.
A.J.S.-M. de La Cambre-Mialet, Français vous êtes trahis ! Le rôle des Juifs et de la franc-maçonnerie dans la politique contemporaine, préface d'Henry Coston, O.P.N., 1938.
Fayolle-Lefort, Est-ce que je deviens antisémite ?, Les Éditions de France, 1938.
Laurent Viguier, Les Juifs à travers Léon Blum. Leur incapacité à diriger un état. La marque juive dans le christianisme, Baudinière, 1938.
René Saint-Serge, L'Invasion juive, Rassemblement Antijuif de France, s.n., 1940.
Entre 1940 et 1944
Dès , à la suite des lois sur le statut des Juifs, certaines maisons d'édition françaises commencent à être « aryanisées » (ou prennent d'elles-mêmes l'initiative). L'Institut d’étude des questions juives est créé. Nombres d'ouvrages sont interdits de publications et retirés de la vente. La troisième édition de la liste des « ouvrages littéraires français non désirables » (dite « Liste Otto », en référence à Otto Abetz) sera publiée le , complétée en annexe par une liste de 739 « écrivains juifs de langue française ».
Voici la liste des ouvrages publiés durant cette période :
Georges Montandon, Comment reconnaître le Juif ? Collection « Les Juifs en France », Nouvelles Éditions françaises, Denoël, 1940.
Lucien Pemjean, La Presse et les Juifs depuis la Révolution jusqu'à nos jours, Paris, Les Nouvelles éditions françaises, coll. Les Juifs en France, III, 1941.
Robert J. Courtine, Les Juifs en France, écrit sous le nom de Jean-Louis Vannier avec Henry Coston, avant-propos de Jean Drault, collection Les Cahiers de la France nouvelle, Centre d'action et de documentation, 1941 (BNF31972226)
Armand de Puységur, Qu'était le juif avant la guerre ? Tout ! Que doit-il être ? Rien !, coll. « La Vie documentée », Éditions Baudinière, 1942.
Gabriel Malglaive, Juif ou Français, C.P.R.N., 1942, préfacé par Xavier Vallat.
Xavier Vallat, Le Problème juif, Secrétariat général à l'Information et à la Propagande, 1942.
Alphonse Séché, Histoire de la nation juive. Des origines à nos jours, Mercure de France, 1943.
André Chaumet, Juifs et américains Rois de l'Afrique du Nord, Paris, Éditions du CEA, 1943.
Anonymes, Français !... Il faut redevenir. Lisez le terrible diagnostic. Le virus c'est je juif. Vite ! Car il y a des maux que l'on connaît trop tard tel le cancer, Paris, Institut d’étude des questions juives, Éditions nouvelles, s.d.
Jean de La Herse, Judaïsme et bolchévisme, La Porte latine, 1943.
Léon Brasat, Synthèse de la question juive, Sorlot, 1943.
Pierre Gérard, Le Juif. Ce qu'il est... Ce qu'il veut... Ce qu'il a fait..., Éditions C.E.A., Union française pour la Défense de la Race, 1943.
Pierre Gérard, Les Juifs et la guerre, Éditions C.E.A., s.d., vraisemblablement 1943.
Pierre Gérard, Je suis Juif et j'en suis fier..., La Platinogravure, 1943.
Armand Bernardini, Le juif Marat, Éditions Études et documents, 1944.
Camille Mauclair, La Crise de l'art moderne, Paris, éditions C.E.A., 1944.
L'Anti-Sémitique, fondé en 1883 par A. Vrécourt : premier périodique antisémite français, animé entre autres par le chanoine Emmanuel Chabauty mais aussi Auguste Chirac (le journal fut plus tard rebaptisé : Le Péril Social en 1884).
L'antisémitisme est devenu l'un des principes politiques du régime de Vichy illustré par le statut des Juifs appliqué par le gouvernement. La ligne officielle est largement soutenue par les principaux titres de la presse française, dont certains sont détenus en sous-main par l'ambassade d'Allemagne d'Otto Abetz, qui a créé pour sa propagande les Éditions Le Pont.
Ci-dessous les titres principaux de la presse antisémite de l'époque :
Maurice-Yvan Sicard (dir.), Henry Coston, Georges Montandon, « Je vous hais ». 150 pages 500 documents absolument sensationnels, Imprimerie spéciale du Bureau central de Presse et d'Information, [format magazine][16].
Certaines publications, compromises durant l'Occupation, changeront de nom à la Libération :
D'après Laurent Joly, dans Vichy dans la « Solution finale », « en 1940 l'antisémitisme avait trouvé un large écho » et « de nombreux témoignages attestent d'une bouffée d'antisémitisme dans tous les milieux et toutes les catégories d'âge ».
Publications jugées antisémites publiées depuis 1945
Sous la plume d'auteurs français, mais pas seulement, le négationnisme s'exprime bien entendu après la libération des camps d’extermination nazis et fonctionne, dans certains cas, de pair avec une forme d'antisémitisme. L'antisionisme, qui prend surtout son essor après 1967, repose lui sur une problématique différente. Cependant, ces trois termes — antisémitisme, négationnisme, et antisionisme — s'ils ne sont pas synonymes, renvoient à des propos de nature agressive, irrespectueuse, en véhiculant des amalgames infondés et une réécriture de l'Histoire. De tels écrits peuvent être jugés comme contraires aux principes de la République depuis la loi Gayssot () et la réforme du Code pénal de 1994. Certains ouvrages écrits directement en français par des auteurs francophones mais imprimés à l'étranger peuvent être interdits de diffusion sur le territoire national[17].
René Binet, Contribution à une éthique raciste, Montréal-Lausanne, Éditions Celtiques, 1975, 156 p. - édition originale en 1946 puis révisées en 1957.
Albert Paraz, Le Gala des vaches, Éditions de l’Élan, 1948.
Maurice Bardèche, Nuremberg II ou les Faux-Monnayeurs, Paris, Les Sept Couleurs, 1950[18].
Paul Rassinier, Le Mensonge d'Ulysse, La Librairie française, 1950 — préfacé par Albert Paraz[19].
Le développement des réseaux en ligne, Internet au premier chef, permet l'expression de propos de nature antisémite. En septembre 2022, l'Unesco rappelait sur son site officiel par le biais d'une tribune que : « Toute la société civile doit lutter contre les discours de haine antisémite en ligne »[23].
Notes et références
↑Les citations de type textuel, péritextuel ou épitextuel (de critiques d'autorité) s'imposent notamment dans le cas des publications récentes.
↑Citation de Voltaire rapportée et commentée par Léon Poliakov (1975) : « Les Juifs firent donc de l'histoire et de la fable ancienne ce que leurs fripiers font de leurs vieux habits ; ils les retournent et les vendent comme neufs le plus chèrement qu'ils peuvent. C'est un singulier exemple de la stupidité humaine, que nous ayons si longtemps regardé les Juifs comme une nation qui avait tout enseigné aux autres, tandis que leur historien Josèphe avoue lui-même le contraire. », in Dictionnaire philosophique, fin de la Section II.
↑Vers 1885, ce mot prend une connotation péjorative, un historien comme Ernest Renan lui préférait le mot israélite.
↑[PDF] Léa Boisaubert, « Stéréotypes et préjugés » in Document pédagogiques du Musée d'art et d'histoire du Judaïsme, Fondation pour la Mémoire de la Shoah, 2005 - en ligne.
↑Repris en version allégée sous le titre Les Juifs, nos maîtres !, V. Palmé, 1882.
↑Ce cours développe des thèses racialistes : l'auteur se démarque de l'antisémitisme ambiant propre à son temps mais n'en développe pas moins le concept de « race juive » qu'il considère comme dangereuse pour la « race aryenne ».
↑Bernard Desmars sur le site consacré à Charles Fourier écrit que [Alhaiza] « persiste jusqu’à la fin dans ses imprécations antisémites et xénophobes, assiste à la disparition de La Rénovation. »
↑Réédition : L'Affaire Dreyfus. Ce qu'en disait l'Action Française en 1925, Éditions du Trident, 1995.
↑« Un livre passionnément antisémite... » selon Raymond Aron, dans Mémoires. 50 ans de réflexions politiques, Paris, Julliard, 1983, p. 141.
↑Nous avons reproduit la graphie exacte du titre comme imprimé par Grasset.
↑Cité par Pierre-André Taguieff : « La science du Dr René Martial ou l’antisémitisme saisi par l’anthropo-biologie des races », in L’antisémitisme de plume, 1940-1944, études et documents, Berg international, 1999.
↑Essayiste durant les années 1920 sous le nom d'André Féjès.
↑Cf. par exemple l'« Arrêté du 27 mars 2000 portant interdiction de circulation, de distribution et de mise en vente d'une publication étrangère » in Journal officiel de la République française, n° 13 du 16 janvier 2000, p. 811.
↑Le 19 mars 1952, Maurice Bardèche, après avoir été relaxé en première instance, est condamné en appel à un an de prison ferme et 50 000 F d’amende pour apologie du crime de meurtre. Le livre est interdit à la vente (Sources : « Les thèses négationnistes et la liberté d'expression en France » par Régine Dhoquois, in Ethnologie française, PUF, 2006/1 (Vol. 36), en ligne.
↑Cf. procès « Fédération nationale des déportés et internés résistants et patriotes contre P. Rassinier pour son livre, Le mensonge d’Ulysse » : la motivation juridique est celle d’injures et diffamation, sur la base de l’article 29 de la loi sur la presse qui dispose : « Toute allégation ou imputation qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé est une diffamation… Toute expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne renferme l’imputation d’aucun fait est une injure. » La cour d’appel de Lyon, dans un arrêt du 2 novembre 1951, condamne P. Rassinier à quinze jours de prison et 100 000 F d’amende, plus 400 000 F de dommages et intérêts à la FNDIRP. Sources : « Les thèses négationnistes et la liberté d'expression en France » par Régine Dhoquois, in Ethnologie française, PUF, 2006/1 (Vol. 36), en ligne.
↑La Cour de cassation dans un arrêt du 1er septembre 2004 a estimé que [dans ce livre] la contestation des crimes contre l’humanité est constituée même si elle est présentée sous une forme déguisée ou dubitative ou encore par voie d’insinuation (Sources : Recueil des arrêts de la Cour de cassation (chambre criminelle), 2004.
Norman Cohn (1967), Histoire d’un mythe : La « conspiration » juive et les protocoles des sages de Sion, Gallimard, coll. « Folio histoire », 1992 - (ISBN978-2070326921)
Philippe Ganier-Raymond, Une certaine France. L'antisémitisme 40-44, Balland, 1975 - (ISBN2-7158-0028-2) - Cet ouvrage fut condamné à supprimer les pages concernant les pamphlets de Céline (Aff. "Veuve Céline vs. Balland", 1975).
Michaël Graetz, Les Juifs en France au XIXe siècle : de la Révolution française à l'Alliance Israélite universelle, coll. « L'univers historique », Paris, Le Seuil, 1989 - (ISBN978-2020100328)
Réédition : Pierre Birnbaum, Le moment antisémite : un tour de la France en 1898, Paris, Pluriel, coll. « Pluriel », , 504 p. (ISBN978-2-8185-0438-3).
Anne-Sophie Hourdeaux, Présentation d’un système antisémite d’avant l’affaire Dreyfus : le journal Le Lillois (1884-1893), 100 pp. dactylographiées, 1999, Lille 3.