Vol China Airlines 611
Le , un Boeing 747-200 assurant le vol China Airlines 611 se désintègre en plein vol au-dessus du détroit de Taïwan 20 minutes après son décollage à environ 43 kilomètres au nord-est des îles Pescadores, entraînant la mort des 225 passagers et membres d'équipage présent à bord. Il s'agit de l'accident aérien le plus meurtrier de l'histoire taïwanaise. La rupture du fuselage en vol a été causée par des réparations inadéquates de l'avion 22 ans auparavant après un choc entre la partie arrière de l'avion et une piste d'atterrissage (tailstrike). La queue de l'avion, mal réparée, s'est progressivement ouverte avec le temps et des fissures sont apparues autour de cette dernière, qui a finalement cédé 22 ans après l'intervention des mécaniciens. Avion et équipageL'avion impliqué est un Boeing 747-209B qui a effectué son premier vol le et a été livré le à China Airlines[ASC 1],[1]. Il était immatriculé B-18255 (initialement immatriculé B-1866), MSN 21843, et était le seul Boeing 747-200 de passagers de la flotte de China Airlines à l'époque. Il cumulait plus de 64 800 heures de vol au moment de l'accident et avait effectué près de 21 400 cycles d'atterrissage / décollage[ASC 1],[2]. L'avion avait une configuration de 274 sièges (22 en première classe, 84 en classe affaires, 131 en classe économique du pont principal et 37 en classe économique du pont supérieur). Avant l'accident, China Airlines avait vendu l'avion à Orient Thai Airlines pour 1,45 million de dollars américains[3]. Le vol accidenté était l'avant-dernier vol de l'avion pour China Airlines, car il devait être livré à Orient Thai Airlines après son vol de retour de Hong Kong à Taipei. Le contrat de vente de l'avion a été annulé après l'accident[3]. Il n'y a eu que trois 747-200 passagers livrés à China Airlines, tous de à . Les deux autres étaient en service complet de passagers jusqu'en , date à laquelle ils ont été convertis en cargos. Ils ont été immédiatement cloués au sol par la ROC's Civil Aviation Administration (CAA) après l'accident pour des vérifications de maintenance[4],[5]. L'équipage du poste de pilotage était composé du commandant de bord Yi Ching-Fong, 51 ans, de l'officier pilote de ligne Yea Shyong Shieh, 52 ans, et du mécanicien navigant Sen Kuo Chao, 54 ans[ASC 2]. Les trois pilotes étaient des hommes très expérimentés - le commandant de bord et le copilote avaient chacun plus de 10 100 heures de vol et le mécanicien navigant totalisait plus de 19 100 heures de vol[ASC 3]. AccidentL'avion décolle de Taipei à 15 h 08 heure locale (7 h 08 UTC)[ASC 4] et devait arriver à Hong Kong à 16 h 28 HKT (8 h 28 UTC), après un vol d'environ 1 heure et 20 minutes. À 15 h 16, le vol est autorisé à monter au niveau de vol 350, soit 35 000 pieds (environ 10 670 mètres)[ASC 5] et à 15 h 28, le contact avec l'avion est perdu[ASC 5],[6]. Les 206 passagers et 19 membres d'équipage à bord de l'avion sont décédés dans l'accident[ASC 6],[7]. VictimesLa majorité des passagers, 114 personnes, étaient membres d'un voyage de groupe taïwanais sur le continent organisé par quatre agences de voyages[8]. Sur les 225 passagers et membres d'équipage à bord, 175 restes ont été retrouvés et identifiés[ASC 7]. Les 82 premiers corps flottants à la surface de l'océan du détroit de Taïwan ont été retrouvés et récupérés par des bateaux de pêche et des navires militaires[ASC 7],[9]. Des navires de récupération ont ensuite été utilisés pour récupérer l'épave de l'avion et les autres corps[ASC 7]. Les victimes ont été identifiées par identification visuelle, effets personnels, empreintes digitales, examens dentaires et tests ADN[ASC 7]. Seuls les trois corps des membres de l'équipage du cockpit retrouvés ont été autopsiés. La plupart des victimes ont subi des blessures étendues compatibles avec un traumatisme crânien, des fractures du tibia et du péroné, des abrasions importantes du dos et des blessures pelviennes. Certaines des victimes avaient une expansion du tissu pulmonaire, un emphysème sous-cutané et des saignements au nez et à la bouche[ASC 8]. Aucun corps ou vêtements carbonisé n'a été retrouvé et aucun signe d'incendie, de brûlure ou d'explosion n'a été trouvé[ASC 8]. Recherche, récupération et enquêteRécupérationÀ 17 h 05, un avion militaire Lockheed C-130 Hercules a repéré des débris flottants à environ 43 kilomètres (23 milles nautiques) au nord-est de Magong, dans les îles Pescadores. Des nappes de pétrole ont également été repérées à 17 h 05 et le premier corps a été retrouvé à 18 h 10. Les enquêteurs ont récupéré 15 % de l'épave, y compris une partie du cockpit, et n'ont trouvé aucun signe de brûlures, d'explosifs ou de coups de feu[ASC 8]. Aucun signal de détresse ni aucune communication n'ont été envoyés avant l'accident[10]. Les données radar suggèrent que l'avion s'est brisé en quatre morceaux à 35 000 pieds (environ 10 670 mètres)[11],[12]. Cette théorie est appuyée par le fait que certains débris plus légers qui se trouvaient à l'intérieur de l'avion ont été trouvés jusqu'à 130 kilomètres du lieu de l'accident dans des villages du centre de Taïwan[13]. Les débris comprenaient des magazines, des documents, des bagages, des photographies, des dollars taïwanais, des cartes de sécurité d'avions[14] et une taie d'oreiller China Airlines retrouvées avec des traces de sang[15]. L'avion devait alors se mettre en palier à l'approche de son altitude de croisière de 35 000 pieds. Les quatre moteurs ont été récupérés et aucun dysfonctionnement n'a été constaté avant l'accident[ASC 9]. Des morceaux de l'avion ont été trouvés dans l'océan et à Taïwan, y compris dans la ville de Changhua[16],[17]. Les gouvernements de Taïwan et de la République populaire de Chine ont coopéré à la récupération de l'avion et la Chine a autorisé le personnel de Taïwan à rechercher des corps et des fragments de l'avion dans les parties du détroit de Taïwan contrôlées par la Chine[18],[3]. China Airlines a demandé à des membres de sa famille de soumettre des échantillons de sang pour des tests ADN notamment au bureau des enquêtes criminelles de l'administration de la police nationale (maintenant agence nationale de la police)[19]. Fatigue du métalLe rapport d'enquête final, publié par le Conseil de la sécurité des transports aériens de Taiwan (ASC), a révélé que la cause probable de l'accident du vol 611 était le résultat d'une fissure par fatigue causée par un entretien inadéquat après un incident survenu 22 ans auparavant[ASC 10],[20]. Le , une partie de la queue de l'avion avait raclé la piste à l'atterrissage sur l'aéroport de Hong Kong, en provenance de Djeddah[ASC 11],[21]. L'avion a été ramené à Taïwan et une réparation temporaire a été effectuée le lendemain[ASC 12]. Une réparation plus permanente a été effectuée par une équipe de China Airlines du 23 mai au , soit près de 4 mois plus tard[ASC 13]. La réparation permanente de la partie arrière de l'avion n'a pas été effectuée conformément au Boeing Structural Repair Manual (SRM)[ASC 14]. Selon le manuel, les réparations doivent être effectuées en remplaçant toute la partie affectée pour restaurer la résistance structurelle, car les dommages étaient trop profonds pour être réparés[ASC 15]. Plutôt que de suivre le manuel de réparation structurelle de Boeing, l'équipe de China Airlines a installé une plaque de renfort en aluminium sur la partie de fuselage endommagée[ASC 16]. Même si le type de dommages infligés à la queue était bien au-delà des dommages qu'une plaque de renfort est censée réparer, cet accident ne se serait peut-être pas produit si la plaque avait été installée correctement. Cela signifierait que toutes les rayures seraient complètement contenues par la plaque et que les attaches elles-mêmes seraient suffisamment solides pour arrêter la propagation de toute fissure de fatigue nouvelle ou existante. Cependant, la plaque de renfort installée sur l'avion était trop petite et n'a donc pas réussi à couvrir complètement et efficacement la zone endommagée, car des rayures ont été constatées sur et à l'extérieur de la rangée de fixations couvrant les bords de la plaque[ASC 17]. L'installation de la plaque avec des dégâts restant à l'extérieur des rivets n'a fourni aucune protection contre la propagation de fissures cachées sous la plaque de renfort, ou pire, dans la zone entre son périmètre et les rangées de rivets[ASC 18]. Par conséquent, après des cycles répétés de pressurisation et de dépressurisation pendant le vol, la partie mal réparée s’est progressivement ouverte et des fissures ont commencé à se former autour des dommages originaux. Finalement, le , par coïncidence 22 ans jour pour jour après que la réparation défectueuse a été effectuée sur la queue endommagée, la partie arrière de l'avion s'est ouverte et l'avion s'est disloqué en plein vol[5],[22]. Une décompression explosive s'est produite une fois la fissure ouverte, entraînant la séparation du fuselage de l'avion à la section 46 (à l'arrière du caisson d'aile principal). Le reste de l'avion en avant de la section 46 est entré dans une descente abrupte, provoquant la séparation quasi simultanée des quatre moteurs des ailes à environ 29 000 pieds (8 840 mètres). Après ce point, les ailes et le fuselage en avant du point d'arrêt initial sont restés connectés jusqu'à l'impact avec la mer. Le , une partie du fuselage d'un Boeing 737 âgé de 19 ans et effectuant le vol Aloha Airlines 243 s'arrache en plein vol en raison d'une fatigue du métal et d'une erreur de maintenance[23]. Les pilotes parviennent finalement à poser l'avion en toute sécurité et à sauver 94 des 95 personnes à bord. Après l'incident, la Federal Aviation Administration (FAA) ordonne l'inspection de tous les avions vieillissants pour des traces de fissures ou de corrosions[23],[14]. En , une inspection de maintenance permet d'identifier 31 plaques de renforts sur l'appareil, mais seulement 22 avaient été correctement renseignées dans le livret de maintenance[ASC 19]. De plus, durant ses 16 premières années de service, de à , les passagers étaient autorisés à fumer dans la cabine[14]. La fumée a fui par la fissure située à l'arrière de l'avion et laissé une trace brunâtre qui aurait pu mettre les agents de maintenance sur la piste d'un problème, mais aucune inspection n'a éveillé les soupçons[14],[24]. Tragiquement, la deuxième étape des inspections ordonnées par la FAA, qui consistait à inspecter chaque réparation effectuée sur l'avion, était prévue pour , mais l'avion s'écrase finalement 5 mois avant cette date[ASC 19],[14]. Ce n'est pas la première fois qu'un 747 s'écrase en raison d'une réparation défectueuse à la suite d'un tailstrike. Le , 17 ans avant l'accident du vol 611 et 5 ans après la réparation de l'avion, le vol Japan Airlines 123 s'était écrasé lorsque le stabilisateur vertical avait été arraché et les circuits hydrauliques rompus par une décompression explosive, tuant 520 personnes et laissant seulement quatre survivants. Cet accident a été attribué à une réparation défectueuse de la cloison arrière de pression, qui avait été endommagée en lors d'un incident similaire[25]. Dans les deux accidents, une plaque de renfort n'a pas été installée selon les normes de Boeing. China Airlines a contesté une grande partie du rapport, déclarant que les enquêteurs n'avaient pas trouvé les morceaux de l'avion qui prouveraient le contenu du rapport d'enquête[26]. Conséquences26 recommandations de sécurité ont été émises par l'Aviation Safety Council de Taïwan et le conseil national de la sécurité des transports américain (NTSB) à la suite de l'accident et de la publication du rapport final[4]. Les conclusions de l'enquête ont conduit la FAA à imposer, sur le plan international, un carnet des charges plus rigoureux de l'inspection des éléments structurels des avions vieillissants et de leurs réparations[27]. La compagnie taïwanaise, première concernée, a vu dès lors son taux d'accidents graves réduit à zéro au lieu de 1 tous les 4 ans en moyenne[14]. Depuis , la compagnie aérienne low cost américaine Southwest Airlines a été condamnée à plusieurs reprises par la FAA à des amendes pour un montant total de 17,5 millions de dollars (environ 16 millions d'euros) pour non-respect des procédures de maintenance sur de nombreux avions de sa flotte[28]. MédiasL'accident a fait l'objet d'un épisode dans la série télé Air Crash nommé « Vol en éclats » (saison 7 - épisode 3). Références(en) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « China Airlines Flight 611 » (voir la liste des auteurs).
Rapport final, Aviation Safety Council, 2005
Autres sources
Voir aussiArticles connexesLiens externes: document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.
Vidéo
Bibliographie
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