Ce classement, qui a légèrement évolué au fil du temps, fait encore actuellement office de référence, malgré de nombreuses critiques.
Historique
Des classements des vins de Bordeaux ont existé dès l'époque moderne (par exemple ceux d'Abraham Lawton entre 1742 et 1775, et celui de Thomas Jefferson en 1787)[1], mais la première classification officielle des bordeaux date de 1855.
C'est ainsi que le Syndicat des courtiers bordelais reçoit de la Chambre de commerce de Bordeaux une lettre datant du demandant « de vouloir bien nous transmettre la liste bien exacte et bien complète de tous les crus rouges classés du département […] également […] la classification relative aux grands vins blancs »[6]. Ces courtiers de l'industrie vinicole bordelaise établissent donc un classement, non pas à partir de dégustations, mais à partir des prix des vins qu'ils commercialisent sur plusieurs décennies, avec l'idée que le temps a fait que les meilleurs vins ont atteint les prix les plus élevés[4].
Les vins sont alors classés en importance du premier au cinquième cru. Tous les rouges viennent de la région du Médoc sauf le Château Haut-Brion produit dans les Graves. Les blancs sont limités à la variété liquoreuse des sauternes[a] et barsac sur trois niveaux. Seuls sont retenus des vins de la rive gauche de la Garonne, car ce sont ceux qui dépendaient de la Chambre de commerce de Bordeaux, sollicitée pour l'établissement du classement, alors que les vins de la rive droite (tels que les pomerol, saint-émilion, etc.) dépendaient de la Chambre de commerce de Libourne, qui n'a pas été sollicitée, et étaient donc commercialisés par les courtiers de Libourne et non de Bordeaux.
Le classement est publié le .
« Messieurs, Nous avons eu l'honneur de recevoir votre lettre du 5 de ce mois, par la quelle vous nous demandiez la liste complète des vins rouges classés de la Gironde, ainsi que celle de nos grands vins blancs. Afin de nous conformer à votre désir, nous nous sommes entourés de tous les renseignements possibles, et nous avons l'honneur de vous faire connaitre, par le tableau ci-joint, le résultat de nos informations. Vous savez comme nous, Messieurs, combien ce classement est chose délicate et éveille des susceptibilités. Aussi n'avons nous pas eu la pensée de dresser un état officiel de nos grands vins, mais bien de soumettre à vos lumières un travail dont les éléments ont été précisés aux meilleures sources. Pour répondre au P.S. de votre lettre, nous pensons qu'en supposant que les 1ers crus valassent 3 000 francs[b], les : Deuxièmes devraient être cotés : 2 500 à 2 700 ; Troisièmes _________________ 2 100 à 2 400 ; Quatrièmes ________________ 1 800 à 2 100 ; Cinquièmes ________________ 1 400 à 1 600.
Nous sommes avec respect, Messieurs, vos bien dévoués serviteurs. »
— Lettre des syndics des courtiers de commerce, aux membres de la chambre de commerce de Bordeaux, le 18 avril 1855[7].
Classement d'origine
Le document manuscrit d'origine est reproduit ici avec ses erreurs d'orthographe et de typographie. Le classement comprenait initialement :
pour les rouges, 57 crus dont quatre premiers crus, douze seconds crus, quatorze troisièmes crus, onze quatrièmes crus et seize cinquièmes crus ;
pour les blancs, 21 crus dont un premier cru supérieur suivi de neuf premiers crus et de onze deuxièmes crus.
Ce classement n'a connu que deux changements depuis sa création :
le premier intervient le , alors que l'exposition universelle de Paris n'est pas encore terminée : Château Cantemerle est alors ajouté comme cinquième cru (par simple rajout manuscrit à la liste antérieure). La demande du propriétaire de l'époque, Caroline de Villeneuve-Durfort, a été acceptée par le Syndicat des courtiers de Bordeaux car le domaine vendait jusqu'en 1854 directement à ses clients (surtout néerlandais), sans passer par les négociants bordelais, qui n'ont donc pas pris en compte son prix sur plusieurs années[8].
le Château Pouget-Lassale a été intégré au Château Pouget en 1874 ;
le Château Léoville était déjà divisé au moment du classement mais, du fait d'un imbroglio juridique entre les propriétaires à cette époque, les courtiers ont choisi de ne pas distinguer les différents domaines tout en mentionnant les noms de leurs trois propriétaires. En 1880, au terme des batailles juridiques, le très vaste domaine de Léoville est finalement séparé en trois entités distinctes : le Château Léoville Las Cases, le Château Léoville Poyferré et le Château Léoville Barton ;
le Château Boyd connait une succession de propriétaires qui aboutit finalement à la division du domaine en deux propriétés : le Château Boyd-Cantenac et le Château Cantenac Brown ;
Au fil du temps, les propriétés classées ont pu également changer de superficie, sans que cela ait été pris en compte. Ce classement et les 88 châteaux (61 rouges et 27 blancs) qui en font désormais partie sont un sujet de discussions, de critiques et de débats parmi les amateurs.
Le classement est passé de 21 crus à l'origine à 27 crus actuellement. Cette différence est due aux événements suivants :
à l'origine, le classement comprenait également parmi les deuxièmes crus le Château Pexoto, propriété au départ du banquier bordelais Samuel Peixotto puis par la suite de la famille Lacoste. Il a été intégré en 1872 au Château Rabaud ;
en 1878 au décès de la comtesse Duchâtel, propriétaire du Château Peyraguey, Marguerite Tanneguy Duchâtel, son unique héritière, décide de séparer en deux lots la vente de la propriété. Il en résultera le Clos Haut-Peyraguey et le Château Lafaurie-Peyraguey ;
en décembre 1903 et à la suite d'un désaccord de ses propriétaires, le Château Rabaud est scindé en deux propriétés égales : le Château Sigalas Rabaud et le Château Rabaud-Promis ;
la succession du Château Broustet Nérac, après le décès de son propriétaire Bernard Capdeville en 1861, va conduire, par héritage de ses deux filles, à la création du Château Broustet et du Château Nairac ;
après 1875, le Château Doisy est divisé en trois entités distinctes du fait du décès de Jean Jacques Emmanuel Daëne, son propriétaire, et de l’application des lois napoléoniennes sur les successions : le Château Doisy Daëne, le Château Doisy-Dubroca et le Château Doisy-Védrines ;
La liste ci-dessous correspond à la version actuelle de la classification et comprend 61 crus dont cinq premiers crus, quatorze seconds crus, quatorze troisièmes crus, dix quatrièmes crus et dix huit cinquièmes crus. Les différences avec la version de 1855 sont explicitées entre parenthèses et le nom du cru à l'origine est précisé lorsqu'il diffère de l'actuel. Lorsque la commune sur laquelle se trouve un château est différente de celle ayant donné son nom à son appellation, ceci est précisé entre parenthèses. Les châteaux sont regroupés par appellation, et celles-ci sont présentées par ordre alphabétique.
Le classement des vins blancs se décline en trois catégories et se limite uniquement aux vins liquoreux de Sauternes et de Barsac. La hiérarchie semble donc avoir été plus stricte dans le Sauternais avec trois catégories au lieu de cinq pour les rouges. Il comprend actuellement au total 27 crus dont un seul premier cru supérieur, onze premiers crus et quinze deuxièmes crus.
Le Conseil des grands crus classés en 1855 est l'organisation interprofessionnelle chargée de « veiller à la protection de l'utilisation du classement et d'éventuel détournement de la marque »[12].
↑Les domaines Dubignon-Philippe (Dubignon-Talbot de 1901 à 1960) et Dubignon-Marcellin n'existent plus ; ils ont été absorbés par Malescot Saint-Exupéry et par Château Margaux.
↑Poujet-Lassale est créé par subdivision du domaine Pouget lors de la vente de ce dernier comme bien national, le marquis de Lassalle en rachetant une partie aux enchères. La propriété est rachetée en 1863 par Chavaille, pour être réunie à Pouget en 1874.
↑Le domaine de Poujet-Lassale était en 1855 propriété du marquis de Lassalle, mais affermé à Izan.
Henri Enjalbert et Bernard Enjalbert, L'histoire de la vigne et du vin : Avec une nouvelle hiérarchie des terroirs du Bordelais et une sélection de 100 grands crus, Éditions Bordas-Bardi, (lire en ligne).
Dewey Markham Jr. (trad. de l'anglais), 1855 : histoire d'un classement des vins de Bordeaux [« 1855, a history of the Bordeaux classification »], Bordeaux, Éditions Féret, , 429 p. (ISBN2-902416-37-7).
Kilien Stengel, Les classements des vins de France : Classifications, distinctions et labellisations, Paris, L'Harmattan, , 276 p. (ISBN978-2-343-10823-0).